" Le présent nous étouffe et déchire les identités. C'est pourquoi, je ne trouverai mon moi véritable que demain, lorsque je pourrai dire et écrire autre chose. L'identité n'est pas un héritage, mais une création. Elle nous crée et nous la créons constamment. Nous ne la connaîtrons que demain. Mon identité est plurielle, diverse. Aujourd'hui, je suis absent. Demain, je serai présent." Mahmoud Darwich C'est cette quête harrassante et douloureuse de l'identité spoliée et meurtrie que Iyad Sabbah rêve. De glaise rougie, il a sculptée un peuple brisé par les assauts répétés et les bombardements recommencés, mais debout dans Gaza démolie, saignant mille blessures. Une ville fantôme, écroulée sur ses décombres qu'il a peuplée de personnages aux traits informes, mais qui résistent. Il les a ressuscités de leur tragédie pour les montrer vivants, malgré le déluge de feu et de haine. L'argile de cette terre a bu leurs larmes et leur sang et semble mue par leur désir de vivre et de se battre. L'image de l'artiste au milieu de nulle part dans Gaza, au milieu de ses personnages a fait le tour du monde, un coup de poing dans la léthargie de l'indifférence et de l'impuissance. Ici, il nous propose ses toiles et quelques sculptures en terre cuite. Une verticalité qui donne le vertige. Gaza regarde le ciel qui ne la regarde pas. Immense est son ciel, mais elle étouffe de manque d'espace, de ses blocs détruits, chancelants, de ses habitations de fortune, de ses gravats, monticules, de sa mémoire brisée. Le cauchemar devenu réalité la hante. Sens dessus-dessous, elle perd ses repères, la tête peuplée de sirènes, de cris, du tonnerre des bombardements, des hurlements. Gaza se meurt de son enfermement, de la mer amère, jamais épargnée, cimetière toujours ouvert sur l'aire de jeux de ses enfants. Un confinement à vie, implacable. Gaza, Al Qods, villes suspendues, les pieds perdus dans une terre qui se dérobe, la tête dans les nuages de feu. Les corbeaux tournoient pour une danse macabre et scrutent la proie prête à s'effondrer. Les oliviers de Palestine disent le drame d'un viol. Personnifiés, ils sont les femmes, les pourvoyeuses de vie aux chevelures abondantes, mèches rebelles, âmes rebelles, enfantant le fruit nourricier, symbole d'un pays et d'une lutte. Un peuple assiégé, surveillé, poussé dans ses derniers retranchements. Un mur qui morcèle l'espace et les vies, qui divise, sépare les familles, crée le manque, l'absence, les déchirures intolérables et les frustrations insupportables. On se sent asphyxié et on tente de pousser les murs qui emprisonnent et étouffent. On met toute l'énergie de sa volonté pour repousser les chaînes de l'arbitraire, imposées par un ennemi féroce. Un crucifié sur le mur rappelle le martyre d'un autre comme pour dire la litanie de souffrances qui perdurent. Mais, il y a aussi, le défi, une volonté de fer pour survivre, le désir de hurler son indignation et sa colère, de condamner l'ennemi, de lui crier au visage tous ses crimes. Les manifestations se succèdent, se prolongent, plus virulentes, plus revendicatives. Elles menacent d'une révolution et d'un séisme à venir qui ébranlera les fondements d'un occupant intraitable. Il ya les colombes et la danse de la paix, les coquelicots de la résistance, la barque qui mènera vers le pays rêvé, les rives de la genèse et de l'espérance. Il y a des bleus, des verts, des jaunes, des orangés, du rouge, la couleur terre et des couleurs de la terre pour enfanter un pays, un espoir, un devenir, une identité pétrie de sang et d'espérance.