« Si un jour, le peuple décide de survivre Le destin ne peut que consentir La nuit ne peut que s'évanouir Et les chaînes finiront par se rompre » Chebbi Chebbi, tu écrivis ces vers prémonitoires, mû par cette douleur intolérable de voir ta patrie sous les bottes de l'occupant ; tu écrivis ces vers, poussé par cette volonté indomptable qui soulève les montagnes et abat les titans ; tu écrivis ces vers, exhorté par ce désir incommensurable de déchirer les ténèbres qui assombrissaient l'horizon. Tes vers disent la détermination, la force et le désir de vaincre la domination et la colonisation, le désir de devenir artisan de son devenir, le désir de se libérer de la main mise d'un état sur un pays écrasé et assujetti. Tu clamas ce rêve souverain qui fut, pendant longtemps, l'unique préoccupation, l'unique espoir, l'aspiration collective qui unit ce peuple. Tu dis cette soif inextinguible de s'approprier son destin, désir ardent d'enfanter un pays nouveau émancipé, libéré des entraves de la dépendance. Le peuple se souleva, rejeta l'oppression, s'éleva contre ceux qui le brimaient et le bridaient, s'enflamma et le pays s'embrasa. Combien de martyrs, combien de disparus, combien de prisonniers, combien de torturés, combien de résistants, combien d'exilés a-t-il fallu pour relever la tête, pour dissiper l'interminable nuit des sévices et des brutalités ? Combien de jours et de nuits à attendre l'aurore et à espérer le soleil de l'indépendance ? Tes vers sont devenus le chant de notre destinée, notre cri de ralliement, notre clameur, l'allégresse qui nous emporte, l'émotion qui nous étreint, le flamboiement d'une joie infinie qui nous unit. Chant frissonnant de nos combats recommencés, de nos victoires lumineuses, chant de nos revendications, de nos indignations, de nos colères. Chant de nos espérances, de nos émerveillements, chant singulier qui bat la cadence de nos vies. Te voila dévoyé et égaré, crié pour censurer les voix discordantes, brandi, spectre de l'interdit, hurlé dans le brouhaha de la contestation pour museler la liberté de pensée, brandi pour imposer ce silence coupable, pour bâillonner l'expression dans le lieu du débat, de la discussion, où la parole devrait se libérer, où l'opinion devrait être débattue, discutée, développée, argumentée, étayée. Te voila dévié, toi, symbole de l'unité pour taire la position adverse, manipulé pour des intérêts électoralistes, des coups d'éclat. Que cet hymne à la patrie demeure le chant de tous, universel, planétaire, mais, surtout, le chant de l'identité et de la fierté retrouvées, que chaque vers chante le rêve partagé, le front haut et la tête levée, que chaque mot nous rassemble, nous rapproche, nous fasse frissonner. Que chaque refrain exalte la magnificence de ce qui nous unit. Tounès THABET