900 réclamations relatives à des coupures et fuites d'eau et quelques 110 mouvements de protestation liés à la disponibilité de l'eau ont été enregistrés dans le pays , au cours de l'année 2016, a révélé un rapport présenté, hier à la presse, par l'Observatoire tunisien des eaux (OTE), une ONG travaillant sur la problématique de l'eau de concert avec plusieurs associations environnementales, et ce à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de l'eau (22 mars). Lors d'un point de presse tenu au siège du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), à Tunis, le coordinateur de l'Observatoire, Alâa Marzouki, a indiqué que 30% des mouvements de protestation ont été enregistrés dans le gouvernorat de Kairouan, où il existe pourtant trois des plus importants barrages du pays (Nabhana, Sidi Sâad et El Haouareb) et 70 lacs artificiels, tandis que 43% des réclamations relatives à l'interruption de l'approvisionnement en eau ont été observées dans les gouvernorats de Gafsa, Kairouan et Sidi Bou Zid. Il a ajouté que selon les enquêtes de l'Observatoire et les avis des experts, la Tunisie vit une crise en matière d'eau, au niveau tant de la production que de la distribution, notant que dans la région de Tataouine, les coupures duraient jusqu'à trois mois, et qu'une fuite à Rédayef, dans le bassin minier du gouvernorat de Gafsa, a duré trois ans. Il a estimé que parallèlement aux problèmes de production et de disponibilité de l'eau, il y a une mauvaise gestion et une mauvaise utilisation des ressources en eau. La part de chaque habitant en eau atteint 420 mètres cubes par an, en moyenne. Le représentant de la section régionale du FTDES, à Kairouan, Radhouane Fatnassi, a indiqué que le raccordement au réseau national de distribution d'eau géré par la SONEDE, atteint 43% en moyenne dans le gouvernorat de Kairouan, et ne dépasse pas 20% pour certaines localités alors que la région est une des régions les plus riches en eau, grâce aux nappes phréatiques dont elle dispose. Cependant, il a attiré l'attention sur la prolifération des forages anarchiques, notamment après la révolution. Des forages dont le nombre a atteint les 3.000 alors qu'ils n'étaient que 700 avant 2011. La nappe phréatique locale a été appauvrie, a-t-il relevé, notant qu'avant la révolution, on pouvait capter l'eau à partir de 4 m, alors qu'il faut creuser aujourd'hui jusqu'à 45 m et davantage. Il a évoqué la responsabilité qu'assument les groupements d'eau dans les crises en la matière dans la région de Kairouan et ailleurs, à cause de la mauvaise gestion, car le plus souvent, a-t-il dit, la SONEDE procède à la coupure de l'eau parce que les groupements ne paient pas la facture due par les localités dont ils sont responsables. Plusieurs écoles et établissements éducatifs ont été touchés par la situation. Il a attiré aussi l'attention sur des cas de réutilisation des eaux usées traitées dans l'irrigation de végétaux servant à la consommation humaine, ce qui est strictement interdit, ainsi que sur les retombées sanitaires négatives de la consommation de l'eau polluée des puits non contrôlés, transportée au moyen de citernes, faute de raccordement au réseau national, ce qui a favorisé l'apparition de nombreux cas d'hépatite E, tant à Kairouan que dans d'autres régions (300 cas). L'utilisation excessive de l'eau par les sociétés pétrolières dans la région de Tataouine et la Compagnie de phosphates de Gafsa a été également évoquée, alors qu'il existe de larges possibilités d'appliquer des procédés moins consommateurs d'eau pour les besoins de ces entreprises. L'expert en eau, Hassine Hili, a de son côté, souligné la nécessité de réviser les politiques suivies jusqu'à présent en matière de production et de gestion des ressources en eau en ce qui concerne aussi bien l'eau potable que l'eau servant à l'irrigation agricole et aux utilisations industrielles, appelant à l'adoption d'une vision globale et à long terme dans ce domaine. En effet selon lui, la problématique dépasse les simples cas de panne et de coupure enregistrés en été. Elle concerne essentiellement la politique générale en matière de production et de distribution des eaux. Il a noté que sur les 36 milliards de mètres cubes d'eau dus aux précipitations, quelques 4 milliards de mètres cubes seulement sont récupérés, outre les quantités énormes perdues à cause de l'évaporation. Il a appelé à l'organisation de consultations et de forums régionaux et nationaux afin d'élaborer cette stratégie globale et à long terme concernant l'exploitation des ressources nationales en eau et la rationalisation de leur utilisation.