L'émission politique radiophonique la plus suivie du pays, Midi Show de Mosaïque FM, a invité Chafik Jarraya. Une trentaine de minutes pendant lesquelles l'invité et l'animateur se sont lancés dans un bras de fer où les accusations sont tombées de tous les côtés. Enervé, l'invité a utilisé des termes qu'on ne pourrait reprendre ici par respect à nos lecteurs. Toutefois, et il s'agit peut-être de l'une de ses pires déclarations, Jarraya a appelé son concurrent de toujours, Kamel Eltaeïf, ‘à retenir ses chiens' en leur promettant d'en faire de même si ce dernier s'exécutait. La première question qui nous vient à l'esprit est la suivante : en quelle qualité et pour quel objectif peut-on offrir un temps de parole, en direct, à un personnage aussi douteux que Chafik Jarraya ? Les intéressés nous répondraient certainement que le concerné a été invité dans le cadre du fameux droit de réponse par rapport aux déclarations de l'avocat Lazhar Akermi, la veille, dans la même émission. Mais dans quel contexte peut-on accorder le droit de réponse ? Normalement, ce droit – qui devient handicapant en Tunisie par ailleurs – est accordé lorsqu'il s'agit de fait et non pas d'appréciation. Là encore, on peut nous répondre en se basant sur les propos d'Akermi qui a accusé Jarraya d'être dans la contrebande et d'avoir un réseautage douteux surtout au niveau libyen. Des accusations graves qui nécessitent, normalement, l'ouverture d'une enquête sérieuse et non pas la continuité d'un débat aussi flou que grave. Des deux interviews qui ont été diffusées mardi et mercredi, qui en sort gagnant et qui en sort perdant ? Ce n'est certainement pas Lazhar Akermi et encore moins Chafik Jarraya. Ceux qui en sortent perdants c'est le grand public et notre toute récente liberté d'expression. Ceux qui en sortent perdants c'est ceux qui tentent de redresser le niveau dans un paysage tellement pollué que l'on n'arrive plus à distinguer les vrais des faux. Comment va-t-on pouvoir continuer à défendre, comme il se doit, le droit à la liberté d'expression et à la diversité du paysage médiatique lorsque, en l'espace d'une seule semaine, la même personne arrache deux directs (télévision et radio) pour débiter des énormités pareilles en lynchant sur son passage tout et tout le monde ? Quoiqu'il en soit, le chemin semble être encore trop long pour nous tous afin de rééquilibrer la donne et d'accorder plus d'intérêt à la forme et au contenu de nos produits sans nous soucier du buzz et du sensationnel. Entre temps, on espère juste que ce genre de ‘dérapage' ne devienne pas monnaie courante.