La fermentation populiste qui a envahi le tissu social, telle cette lave volcanique indomptable prend des dimensions de plus en plus incontrôlées et plus personne ne semble tenu par le respect des règles du jeu élémentaires dans chaque domaine. De la politique au sport en passant par des régions livrées à elles-mêmes où des groupuscules, au départ en nombre limité, font la loi, nous assistons à une sorte de démission généralisée et un déficit de réaction manifeste des autorités au nom de la liberté de manifestation et des droits garantis par la nouvelle constitution considérés comme le principal acquis de la Révolution. Le gouvernement a-t-il d'autres choix que de «gérer», au jour le jour la crise devenue chronique et répétitive, alors que les forces en présence, toutes sans exception, ne veulent pas se mouiller et encore moins s'engager à soutenir un gouvernement, où les principales forces de soutien, ne croient presque plus, au vecteur même qui lui a donné naissance «l'Union Nationale» ! Plus on avance vers l'échéance 2019 et plus les calculs partisans se précisent et donnent de la voix parce que chaque voix sera utile dans le décompte final et l'enjeu est de taille. D'abord peut-on éviter à l'avenir cette dispersion des voix qui empêche la cristallisation autour d'un parti vainqueur avec droit (je dis bien droit... et pas seulement devoir) de gouverner ! La situation que nous vivons relève presque du surréalisme, en matière systémique et de pratique politique, car dans aucun pays au monde, un parti vainqueur des élections refuse de composer un gouvernement homogène et d'assumer ses responsabilités en tant que «mandaté» par les électeurs pour assumer les charges du gouvernement ! C'est ce qui fait dire à certains de nos concitoyens : «Désormais à quoi sert d'aller voter» ?! Mieux encore, on veut s'assurer la paix sociale, après une période trouble où les syndicats ont pris le contrôle de la décision politique sur les 5 dernières années de la Révolution, et on décide, quelque part, la mort dans l'âme de rassembler des familles politiques de culture identitaire et sociale différentes. C'était le fameux pari pascalien de Béji Caïed Essebsi (encore un), de tenir tous les diables par la queue et de vouloir apprivoiser des mouvements politiques enracinés dans des siècles de conflits majeurs entre la modernité laïcisante et l'islamisté salafiste et nostalgique des gloires de l'expansion musulmane depuis le 7ème siècle. BCE était certainement encouragé par les tentations de l'islamisme « laïcisant » à l'image de la laïcité chrétienne en Occident, et des velléités réformistes du Parti Ennahdha, menées par Rached Ghannouchi, malgré l'opposition farouche de l'aile radicale conservatrice du mouvement. Dire qu'il ne s'agit que d'apparence et de manœuvres « tactiques », alors que la stratégie de l'islamisme politique, demeure fondamentalement liée au contrôle hégémonique sur la société au nom de l'identité religieuse et la chariaâ, peut-être vrai et est corroboré par certains comportements et prises de position de principe au moment des crises et surtout quand le problème de l'identité spécifique tunisienne et religieuse est posé et on l'a vu depuis « Persépolis » puis à l'occasion de cette fameuse pièce de théâtre, « Alhakom attakathorou... » ! Mais on ne peut pas aussi refuser éternellement aux mouvements islamistes le droit d'évoluer ! S'acharner à exclure les islamistes, surtout d'Ennahdha, de la communauté nationale et politique, c'est aussi une autre forme de la chasse aux sorcières et de l'inquisition que nous avons dénoncée, quand les destouriens faisaient l'objet de cette campagne d'exclusion au lendemain de la Révolution. Le Consensus ou «Tawafouk» a quand même permis à BCE de gagner du temps, devant cette montée catastrophique des exigences. Mais le « Cheikh » lui aussi en a largement gagné et profité en faisant que la moitié d'Ennahdha soit au gouvernement et donc bénéficié d'une certaine légitimation politique, et l'autre moitié en dehors, avec des contacts plus que discrets avec le « Harak » de Marzouki ou même la « Jabha » de Hamma Hammami ! Mais les choses sérieuses commencent maintenant ! Continuer à soutenir le gouvernement du bout des lèvres et le poignarder dans le dos à Tataouine et ailleurs, ne peut durer car nous allons vers l'éclatement tôt ou tard du consensus et là nous risquons une crise majeure qui peut aller jusqu'à remettre en cause et le gouvernement d'Union nationale de Chahed et la majorité parlementaire à l'Assemblée des Représentants du Peuple. Finalement la Tunisie n'a pas besoin de cela, surtout avec les prémisses d'une reprise économique sérieuse malgré le flop du dinar. Beaucoup de délégations européennes arabes et amies ne renoncent pas au soutien de la Tunisie dans cette phase très difficile et encouragent leurs touristes et leurs capitaux à investir et s'investir dans notre pays. Alors une accalmie loyale serait réellement la bienvenue ! Et qui sait « un tiens vaut mieux que deux... tu l'auras »... Pour tout le monde !