C'est dans un partenariat entre le secteur public et des entreprises privées qu'est en train de se définir un nouveau mécénat porteur. Après l'exposition "L'éveil d'une nation" et le récent symposium d'art contemporain de Hammamet, deux nouveaux exemples vertueux pourraient inspirer bien de l'émulation. Inscrites dans la démarche du ministère des Affaires culturelles, ces nouvelles stratégies de financement pourraient bouleverser l'immobilisme et apporter de l'air frais aux créateurs. A suivre... De nouvelles idées sont dans l'air du temps en matière de financement de la culture et, on peut aisément le constater, de nombreuses initiatives voient actuellement le jour grâce à la synergie entre mécénat privé et secteur public. Il en est ainsi de nombreux événements qui ont eu lieu ces derniers mois et pour lesquels le choix de partenariats entre public et privé a constitué la démarche choisie. Comment diversifier les financements de la culture? Parmi ces opérations récentes, deux exemples méritent d'être évoqués car ils sont porteurs de nouvelles logiques culturelles et d'une vision qui intègre véritablement les apports conjugués de deux ou plusieurs partenaires. Le premier cas concerne l'exposition "L'éveil d'une nation" organisée récemment au palais Ksar Said au Bardo avec une collaboration entre le ministère des Affaires culturelles, l'Institut national du Patrimoine et la Fondation Olfa Rambourg. Dans ce cas, il s'agissait d'un partenariat entre le secteur public et une fondation culturelle. Le second exemple est celui du partenariat entre le Centre culturel international de Hammamet et le Groupe les Orangers, une entreprise touristique de premier plan. Dans ce second cas, il s'agissait d'un partenariat entre une institution relevant du ministère des Affaires culturelles et une société de droit privé. Soulignons d'abord que les similarités dans les deux cas sont évidentes et se situent dans la méthode actuelle du ministère de tutelle qui cherche à multiplier et diversifier les financements en matière culturelle. Cette démarche est pensée en profondeur tout en continuant un patient défrichage. En fait, il s'agit pour la tutelle d'identifier les meilleures formules de travail tout en concrétisant dans les faits cette approche de partenariats entre public et privé qui concerne d'ailleurs l'ensemble de l'action gouvernementale. De fait, il s'agit d'une réforme en profondeur qui, par ricochet, est un travail de modernisation d'un réseau culturel qui en a bien besoin. D'autre part, ce type de partenariats ouvre la voie à des synergies inédites et peut constituer une série de modèles vertueux qui pourraient inspirer entreprises et fondations désireuses d'investir dans la culture et le patrimoine. En ce sens, nous avons vu comment des fondations telles celles pilotées par Kamel Lazaar ou Olfa Rambourg sont intervenues en appui de nombreux projets allant de la restauration de monuments à la création de nouvelles manifestations culturelles. Bien sûr, il est difficile dans un simple article de presse d'aller au fond de toutes ces pistes qui ouvrent de nouvelles perspectives à notre vie culturelle. Toutefois, pour leur exemplarité et leur caractère complémentaire, nous avons choisi les deux cas précités en ce qu'ils préfigurent des modèles qui pourraient se répandre dans un futur proche, allégeant le fardeau des pouvoirs publics et injectant de la flexibilité et de l'innovation dans l'action culturelle. Une exposition-modèle et de nouvelles émulations L'exposition "L'Eveil d'une nation" constitue désormais un cas d'école en matière de mécénat culturel, une véritable opération-pilote, qui a mobilisé des moyens conséquents et établi un modèle à suivre. On se souvient que cette exposition avait d'abord en amont permis la restauration du palais Ksar Said et aussi celle des trésors qu'il contient et qui étaient relégués parmi les réserves muséographiques. Ensuite, l'exposition a déployé des moyens et une méthode rarement utilisés dans le passé. Grâce à la conjonction des moyens et au volontarisme des deux partenaires essentiels, le projet a pris un essor international et brassé des publics impressionnants. Incontestablement, la réussite était au rendez-vous et cette exposition-modèle devrait en appeler d'autres et ouvrir le champ à d'autres partenariats de ce type à l'échelle nationale et internationale. Ce qui est important dans ce premier exemple, c'est la notion d'expertise qui était à l'oeuvre. Rien n'a été laissé au hasard et aussi bien la restauration des lieux et des objets que le déroulé du programme ont été réalisés avec un professionnalisme que seuls les moyens engagés pouvaient susciter. Ceci dit, cet exemple pourrait offrir au ministère des Affaires culturelles un tremplin pour intervenir dans d'autres espaces qui nécessitent des restaurations ou de simples rénovations. De même, des projets culturels pourraient naître en régions selon la même démarche qui associe l'Etat à des privés pour un bénéfice conjoint et une action culturelle plus consistante car structurée sur des moyens plus importants et initiée loin des carcans rigides des procédures administratives qui peuvent entretenir certaines formes d'immobilisme. Et, au fond, l'enjeu n'est autre que la réforme et le progrès d'un secteur dans son ensemble. L'exemple de Hammamet peut inspirer les villes touristiques Le second exemple est plus récent et concerne l'art contemporain. Dans ce cas, le partenariat entre le Groupe Les Orangers et le Centre culturel international de Hammamet (CCIH) a permis d'accueillir un symposium d'art contemporain réunissant durant trois semaines près de cinquante artistes. Dans ce cas, la formule choisie reposait sur un échange de prestations et un soutien à la création artistique. D'une part, le groupe hôtelier dirigé par Mourad Khechine assurait une logistique lourde en hébergeant les invités du symposium et d'autre part, les artistes créaient des oeuvres dans ce contexte qui pour certaines reviendront à l'entreprise mécène. Cette logique gagnant-gagnant est à souligner et démontre que l'on peut en Tunisie réunir cinquante artistes de toutes origines pendant trois semaines et leur offrir des havres de paix pour créer leurs oeuvres. Et au final, le bénéfice pour la culture et le tourisme sont importants en termes d'image du pays. En accueillant ce symposium, Moez Mrabet, directeur du Centre culturel international de Hammamet, a bien mobilisé l'environnement économique. Car outre le groupe hôtelier, d'autres entreprises ont également fourni des services et soutenu ce projet qui pouvait sembler gigantesque mais s'est avéré réalisable. Désormais, plus d'une centaine de créations ont été réalisées dont une douzaine de sculptures monumentales en marbre de Thala qui iront dans les jardins méditerranéens du CCIH et ceux des unités hôtelières du groupe Les Orangers. Que ce soit à Sousse, Djerba ou Tozeur, le modèle qui vient d'être institué à Hammamet pourrait faire des émules et suggérer sur le marché international que la Tunisie est aussi une destination artistique. Affirmer la présence internationale de notre culture Evidemment, ces premiers exemples soulignent que nous sommes encore au début d'un processus qui pourrait bouleverser notre rapport au culturel. Toutefois, le fait que ces deux projets aient été couronnés de succès et que les partenaires impliqués évaluent positivement l'expérience pourrait permettre de diffuser plus largement ces démarches et celles qui leur sont similaires. Plusieurs partenariats sont envisageables, notamment avec plusieurs fondations internationales qui cherchent à appuyer la Tunisie nouvelle tout en lui offrant un know-how incontestable. Sensibles à ces évolutions, les pouvoirs publics prennent pleinement la mesure de ces projets qui pourraient faire briller la Tunisie et enfin affirmer la présence internationale de notre culture. Il ya énormément à gagner dans ces partenariats avec des privés qui ont fait leurs preuves par ailleurs. Et ce serait indéniablement une ouverture salutaire qui pourrait faire frémir toutes nos créations ainsi que notre patrimoine séculaire. Signe qui ne trompe pas, les musées comme celui du Bardo se sont d'ores et déjà installés dans cette nouvelle vulgate, alors que les partenariats internationaux prennent de plus en plus de volume. Il importe de poursuivre dans ce sens qui pourrait sortir bien des initiatives locales de l'isolement et de l'anonymat en leur offrant soutiens et visibilité. Et si, de toute évidence, nous devons cette nouvelle approche à notre dynamique ministre des Affaires culturelles, il n'en reste pas moins que les premières concrétisations se doivent d'être dans le sillage de la doctrine mise en oeuvre. Et, il faut s'en féliciter, ce fut à notre humble avis le cas aussi bien à Ksar Said qu'à Hammamet. Comment, en conclusion, ne pas saluer le courage, la vision et l'engagement de ces nouveaux mécènes qui apportent de l'enthousiasme et des moyens à un domaine qui en a bien besoin? Intervenant en appui aux artistes et aux créateurs, ces sponsors de l'action culturelle et du patrimoine instaurent un exemple et comptent désormais parmi les pionniers d'une nouvelle tendance culturelle. Ils sont en quelque sorte les auteurs économiques d'oeuvres en puissance qui attendaient leur intervention pour enfin exister. A nous de savoir instituer et cultiver ces partenariats qui sont un nouvel oxygène pour la culture de demain...