Il y a peu, on apprenait qu'une nouvelle prison serait prochainement construite en Tunisie, pour un montant très élevé.L'annonce est quasiment passée presque inaperçue, noyée dans un flot de nouvelles aussi ubuesques les unes que les autres. La Tunisie manque-t-elle vraiment de prisons ? Elle en compte déjà 28, en plus de 7 centres de rééducation. Mais face à la recrudescence des peines d'emprisonnement et à la surpopulation carcérale, bâtir une nouvelle prison devient, en effet, une urgence. Malheureusement. Tous les joueurs de Monopoly au monde redoutent comme la peste une case en particulier du jeu, celle de la prison. En plus de leur faire perdre leur liberté, elle leur fait aussi perdre un tour et de l'argent. Dans la vraie vie, ce n'est pas différent. Rien de pire en effet que de se retrouver derrière les barreaux, pour un délit commis ou pas, pour quelques semaines, mois ou années. En févier dernier, le nombre de prisonniers avoisinait les 21.500, accusant une baisse par rapport aux dernières années. Parmi eux des femmes, des mineurs, des condamnés à mort, des pseudos hommes d'affaires et sûrement aussi des innocents. Parmi eux aussi quatre jeunes qui n'ont pas observé le jeûne et qui ont fumé dans un jardin public à Bizerte, condamnés à un mois de prison. Croulent également en prison des artistes, des universitaires, des intellectuels, des étudiants, des personnes âgées, qui pour un faux pas commis à un moment de leur vie, se sont retrouvés menottes à la main, jugés à de la prison ferme. Certains ont certes perpétré des crimes et représentent un vrai danger pour la société mais d'autres se sont retrouvés derrières les barreaux pour des délits mineurs et subissent, au même titre que les pires criminels, les affres de la prison. Il résulte de ces peines d'emprisonnement à profusion un encombrement sans pareil au niveau des structures carcérales. Conditions de détention D'après l'un des conseillers du ministre de la Justice, les détenus disposent d'une superficie individuelle variant entre 1,6 et 2 mètres carré. De même, des annexes et de nouvelles ailes ont été construites dans certaines prisons pour l'accroissement de nombre de cellules. Par ailleurs, des promesses ont été faites par le ministère pour veiller à l'amélioration des conditions de détention dans les prisons tunisiennes. Dans le même esprit, une initiative louable a été organisée début ramadan dans certaines prisons, permettant à bon nombre de prisonniers de rompre le jeûne en compagnie de leurs familles. Une initiative saluée par tous et qui a donné lieu à des scènes très touchantes, tel ce père de famille qui n'a pas partagé un repas avec ses proches depuis 12 ans ou cette fille qui serre dans ses bras sa mère pour la première fois de sa vie. Des moments de bonheur volés à un quotidien dur et impitoyable, fait de barreaux, de serrures, de privation et parfois même, avouons-le, de maltraitance dans certains cas dénoncés par les ONG internationales. C'est à se demander si tous les citoyens actuellement emprisonnés méritent leur sort. Ne peuvent-ils pas bénéficier de peines alternatives qui existent en Tunisie mais qui ne sont quasiment jamais appliquées ? Qu'en est-il également des bracelets électroniques, évoqués à maintes reprises par des représentants du ministère de la Justice et qui permettent de contrôler à distance des individus en les géolocalisant à chaque instant et de leurs imposer certaines restrictions sans pour autant qu'ils ne soient condamnés à passer leurs journées dans des cellules ? Et puis jusqu'à quand les prisons seront-elles la punition automatique pour la majorité des fautes commises alors que la Tunisie tirerait grandement profit en optant pour les peines d'intérêt général à travers lesquelles un juge peut condamner un citoyen à nettoyer les rues ou les parcs, à s'occuper des sans-abris, à suivre des sessions de réhabilitation et de formation... Il est clair, d'après les études, les enquêtes et les statistiques que la prison est l'endroit qui déshumanise par excellence et aujourd'hui, plus que jamais, la Tunisie a besoin de tous son potentiel humain pour affronter les dangers qui la menacent de toutes parts.