Les pratiques despotiques et antidémocratiques de l'époque Ben Ali seraient-elles de retour ? C'est la question qu'on peut se poser, à double titre d'ailleurs, en apprenant qu'une figure emblématique de l'ancien régime, accueilli depuis peu à bras ouverts au sein de Nidâaa Tounes, aurait appelé la directrice d'un média privé pour lui expliquer que la ligne éditoriale de sa radio n'était pas au goût de son nouveau parti et que des mesures seront prises à son encontre. Retour sur une affaire qui risque de tourner au vinaigre. Le 21 juillet et d'après le communiqué publié sur la page officielle de Cap Fm, la directrice générale de la radio, Olfa Youssfi, aurait, d'après ses dires, reçu un appel téléphonique de Borhen Bessaiess. L'homme, éternel fervent défenseur du régime Ben Ali, après un séjour à l'ombre en 2013, s'était essayé au journalisme pour un temps avant d'être chargé des affaires politiques du parti Nidâa Tounes en mars 2017. Un parcours atypique pour celui que les Tunisiens considéraient comme l'un des pires propagandistes de Ben Ali et qui a refusé, à plusieurs reprises, de présenter ses excuses pour avoir lustré durant des années l'image d'un régime dictatorial et d'un président despotique. Toujours est-il que ce curieux personnage a réussi, après la révolution de 2011, à se fondre dans la masse pour un certain temps avant de rebondir brillamment sur ses pieds et intégrer depuis peu le parti au pouvoir. Fort de ce statut privilégié, l'homme s'est depuis repositionné en homme fort du pouvoir et n'a cessé de faire parler de lui même si, médiatiquement, il se fait de plus en plus discret. Mais son coup de téléphone à Olfa Youssfi n'est pas demeuré secret puisque la directrice de la radio a décidé de rendre publique cette conversation téléphonique, estimant que les propos de Bessaiess représentaient une menace pour elle et pour la radio et affirmant que Cap Fm tenait à rester en dehors de tout conflit politique. C'est que Bessaiess l'aurait informé, outre que la ligne éditoriale et surtout la participation régulière de Lazher Akremi à l'une des émissions déplaisaient fortement aux décideurs de Nidâa Tounes, que la radio était objet de litige entre la présence de la république et celle du gouvernement. Il lui aurait ainsi affirmé que la présidence du gouvernement cherchait à intervenir en faveur du média auprès des banques pour régulariser sa situation financière afin de pouvoir l'asservir et en faire un outil de propagande dans la guerre contre le président de la république. Ainsi donc, en 2017, près de sept ans après la révolution qui a emporté le dictateur et son régime fait de censure, de répression et d'interdits, le membre d'un parti au pouvoir se donne le droit d'interpeller le directeur d'un média sur le contenu d'une émission radiophonique, sur le choix des invités ou encore des chroniqueurs. Ainsi donc, les pratiques d'antan sont de retour et semblent avoir la vie dure face à un paysage politique et une société tunisienne qui ont considérablement changé et évolué depuis 2011. Indigné d'apprendre cette nouvelle, le Syndicat National des Journalistes Tunisiens a émis un communiqué pour dénoncer cette tentative d'intimidation et a affirmé qu'en dépit des graves dépassements commis par la radio envers ses journalistes et son personnel, le SNJT réitérait son soutien au média et condamnait fermement toute atteinte à la liberté de presse et d'expression. Le syndicat a en outre appelé les autorités à ouvrir une enquête sur les agissements de Borhen Bessaiess aussi bien présents que passés, rappelant également sa promiscuité avec l'homme d'affaires arrêté Chefik Jarraya, impliqué dans différentes graves affaires.