Les fellahs des vergers de Menzel Horr, Menzel Témime et Kélibia mettent les bouchées doubles en cette période estivale. C'est la campagne des piments rouges. Ce condiment est incontournable dans la gastronomie tunisienne. En cuisine, cet épice remplace le poivre en apportant parfum et piquant sans ôter le goût de l'aliment. En cette période estivale, les façades des maisons s'ornent de cordes de piment. Pas loin de Kélibia, Menzel Horr offre un sol fertile pour la culture du piment, la ville en a fait une fête aux couleurs capbonaises, au cours de laquelle les cultivateurs peuvent présenter leur production et les familles composer des plats exceptionnels exclusivement agrémentés avec des piments. Il faut se pencher sur le journal de bord de Christophe Colomb pour découvrir la première trace écrite relatant l'existence d'un piment savoureux. «Mejor que pimienta nuestra» note le célèbre explorateur en date du 15 janvier 1493, alors qu'il se trouve à Cuba. Les peuples d'Amérique le cultivent et l'apprécient depuis longtemps déjà. Ramené en Espagne puis en Tunisie, on le surnomme le « poivre long d'Amérique «. Son succès est rapide. Les fermes du pays le cultivent et il fait son apparition au Cap Bon, notamment dans la région de Menzel Horr. En quittant la route principale entre Korba et Kélibia, on y accède par une petite route tortueuse qui mène à la mer. Dès votre arrivée, en cette saison, vous serez surpris de découvrir des milliers de piments, habilement tressés par les villageois, qui sont étalés dans les rues et sur la place principale du village pour être séchés au soleil. Menzel Horr est la "capitale" du piment du Cap Bon. De bon matin, les fellahs commencent à cueillir les piments. La récolte est mise immédiatement dans des sacs et emportée vers le marché local où la grande partie des piments est commercialisée sous forme de guirlandes de piments rouges. «C'est une activité qui procure à son propriétaire de l'argent, mais qui exige également de grandes transactions comme l'achat des fertilisants, l'irrigation et le transport. Décidément, nous essayons par tous les moyens de comprimer nos dépenses et surtout la main d'œuvre jugée chère. C'est pourquoi, nous emmenons nos enfants pour limiter les frais car on risque parfois d'y laisser des plumes », avoue un fellah du village. Cette campagne de piments crée une ambiance festive. Devant chaque foyer, cet événement ne laisse personne indifférent. C'est une activité passionnante. En cuisine, on se sert des piments pour relever sauces, salades, soupes, farces... Il se conserve dans le vinaigre ou l'huile mais également séché, on peut les réunir en bottes, attachés par leur pédoncule, et les pendre au soleil pour qu'ils sèchent. Fatma, une vieille dame, nous précise que le séchage traditionnel sous forme de guirlandes permet de déshydrater les piments. Ces guirlandes de piments sont stockées d'une façon verticale pour qu'ils ne pourrissent pas. Nous utilisons ces piments pour la réalisation de la sauce piquante, tandis qu'une grande partie est mise à sécher afin de la transformer en harissa traditionnelle ou la réduire en poudre » Ce piment rouge qui invertit nos cuisines et nos assiettes, tient désormais une place de choix dans le panier de la ménagère. « Il me faut 10kgs pour la ‘'Aoula'', nous dit Sarra qui nous a énuméré les vertus thérapeutiques du piment en tant qu'antioxydant. Il pourrait en outre jouer un rôle dans la prévention de certains cancers, des maladies cardiovasculaires et de la maladie d'Alzheimer. Il contient de la vitamine C qui contribue à la santé des os, des cartilages, des dents et des gencives. Elle protège en outre des infections, accélère la cicatrisation et favorise l'absorption du fer.