Le remaniement ministériel annoncé par le président du gouvernement Youssef Chahed occupe les devants de la scène politique, reléguant au second plan notamment les élections municipales mais aussi et surtout la situation économique pas trop reluisante et la lutte contre la corruption qui fait du sur-place. Entretemps, chaque parti tente de placer ses pions et de chercher à tirer profit de la situation, vu que les combats menés par Chahed ne sont pas des moindres et qu'il est obligé à faire front aux attaques qui fusent de toutes parts. Attaques tentant de le déstabiliser, avec des partis politiques qui croient qu'il peuvent tirer profit de l'état d'instabilité et de l'absence de soutien à son équipe gouvernementale qui a perdu trois ministres et peut en perdre encore, en cours de route. Une année après son arrivée au pouvoir, Youssef Chahed en a vu des vertes et des pas mûres, en particulier depuis le départ de Néji jalloul, alors ministre de l'Education, qui a été bouté hors du gouvernement, à la suite de pression de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) qui a obtenu gain de cause, après long bras de fer qui qui avait eu pour conséquence l'abandon, ou du moins le report de la réforme de l'enseignement. Néji Jalloul avait vraiment bataillé dur, mais le président du gouvernement l'a, en fin de compte, laissé tomber, en concession à l'UGTT, ce qui avait ouvert la voie à des revendications d'autres parties qui pensent pouvoir obtenir gain de cause et imposer leur diktat, pour tirer les ficelles dans l'action gouvernementale. Le poste de ministre de l'Education est, depuis, resté vacant et ce n'est que le premier d'une liste qui s'est allongée, avec le départ de la ministre des Finances, remplacée par intérim par Mohamed Fadhel Abdelkéfi, ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, qui, à son tour, a quitté le bateau, après des coups de bélier qui l'ont conduit à la démission. Et aux dernières nouvelles, d'autres ministres pourraient être remerciés, dans le cadre du remaniement annoncé et attendu pour après l'Aîd. Cette perspective a attisé les ambitions des partis politiques qui cherchent à placer des pions ou à donner des directives au président du gouvernement, en l'absence de toute réaction du président de la République, Béji Caïd Essebsi, qui n'a pas pris partie pour quiconque et sans donner son aval à l'action du président du gouvernement. A ce propos les deux partis les plus influents, Nidaa Tounès et Ennahdha, sont en pleines manœuvres et ne vont pas de main morte pour imposer leurs points de vue concernant la composition du prochain gouvernement. Et ils sont capables d'en faire voir de toutes les couleurs à Youssef Chahed, s'il n'obtempère pas à leurs désirs, lorsque viendra l'heure du vote de confiance à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), avec la possibilité qu'ils ont de faire avorter les objectifs de Chahed. Le directeur exécutif autoproclamé de Nidaa, Hafedh Caïd Essebsi, a cru bon de rappeler que ce parti est celui qui avait gagné les élections présidentielles et législatives de 2014, ce qui lui donne le droit, selon lui, d'avoir une plus grande représentation au sein du gouvernement qui est, pourtant, un gouvernement d'union nationale, issu d'un consensus entre plusieurs partis, dans le cadre du Document de Carthage. Il a attaqué ceux qui s'étonnent de voir le mouvement essayer de placer ses membres dans des postes ministériels tout en leur rappelant qu'il s'agit là du droit légitime du Nidaa. Ennahdha y est allé également de son propre son de cloche et son bureau exécutif a tenu à préciser, dans une mise en garde voilée et diplomatique qu'il ne verra pas d'un bon œil toute tentative pour évincer l'un de «ses ministres». Mieux encore, selon les dernières nouvelles, Ennahdha espère renforcer sa présence, en obtenant le ministère de l'Intérieur. D'autres partis sont intéressés et lorgnent vers des postes ministériels pour leurs dirigeants, notamment Machrou Tounès dont le secrétaire général Mohsen Marzouk vient de rencontrer, pour la deuxième fois, le président de la République. Dans sa déclaration à sa sortie du palais, il a souligné que le prochain remaniement ministériel doit émaner d'une vision nationale globale basée sur une stratégie claire capable d'améliorer la situation économique, tout en affirmant, dans ce sens, que son parti est disposé à apporter « une participation positive» à ce processus. Pour sa part, le président-fondateur du nouveau mouvement Béni Watani, l'ancien ministre et dirigeant de Nidaa, Said El Aidi, invité dimanche de Radio Med, a souligné que «le plus important selon lui, est la restauration de la confiance entre les Tunisiens, d'une part et, vis-à-vis du politique, de l'autre, surtout que les Tunisiens doutent aujourd'hui de la classe politique qui est incapable de gérer les affaires du pays». Les autres partis politiques de « l'opposition » ont une autre idée, pour l'avenir du pays et appellent, purement et simplement, à la dissolution du gouvernement et, même, à des élections anticipées, sans prendre en considération ce qui peut advenir, dans un pays marqué par l'instabilité et qui a connu le passage de sept gouvernement en un peu plus de six ans. Dans tout ce magma, il semble que tous ces partis réunis ont oublié qu'un gouvernement doit veiller à assurer un avenir meilleur pour le pays et que celui de Youssef Chahed, malgré les tâtonnements de certains ministres et les retards pour régler certains problèmes et autres crises, à l'échelle régionales, a pu faire du bon travail, dans la perspective de redresser l'économie nationale et de donner une meilleure image de la Tunisie. Quoi qu'en disent ses détracteurs, le président du gouvernement jouit d'une certaine popularité, lui qui a osé s'attaquer à la corruption notamment. Et il n'y a que ceux à qui ces batailles et cette orientation ne plaisent qui veulent lui mettre les bâtons dans les roues. Un gouvernement est jugé en fonction des résultats qu'il atteint. Youssef Chahed a relevé le défi et ce n'est pas en un an d'exercice que l'on peut juger son action.