Le torchon brûle entre l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat (UTICA). Le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, a déclaré dans la soirée du jeudi que la centrale syndicale ne participera pas à une nouvelle réunion avec l'UTICA et le gouvernement au sujet des augmentations salariales au titre des années 2016 et 2017. «Les négociations avec l'UTICA se sont achevées et des accords ont été signés. Au sein de cette organisation certaines chambres sectorielles et des hommes d'affaires réclament le soutien du gouvernement. Et cela ne nous concerne pas », a-t-il affirmé en réponse à l'annonce de présidente de la centrale patronale, Wided Bouchemmaoui, de la tenue d'une nouvelle réunion entre les partenaires sociaux pour régler certains problèmes liés à l'application des accords relatifs à la majoration des salaires dans le secteur privé. «Nous n'allons quand même pas lancer de nouvelles négociations parce que les patrons dans certains secteurs souhaitent négocier en présence du gouvernement» a-t-il martelé. L'UTICA a, quant à elle, condamné fermement l'agression perpétrée jeudi contre son siège, à Tunis par «un groupe d'individus conduits par la secrétaire générale de la Fédération générale des métiers et services relevant de l'UGTT». «Ces individus ont pénétré dans les locaux de l'UTICA par effraction et agressé les gardiens pour observer un sit-in dans le hall et semer le chaos», a précisé l'organisation patronale dans un communiqué. Elle a également exprimé son refus catégorique de ces « pratiques barbares», indiquant avoir entamé des procédures pour traduire les agresseurs devant la justice. L'UTICA a, d'autre part, dénoncé le comportement de la responsable syndicale qui a conduit le groupe d'agresseurs, notant que «cet incident pourrait affecter la relation entre les deux organisations partenaires». Elle indiqué dans ce même cadre que l'attaque contre ses locaux intervient alors que l'UGTT a lancé un mot d'ordre de grève dans le secteur du gardiennage pour revendiquer la signature de l'avenant de l'accord relatif aux augmentations salariales. Suspension provisoire des accords L'organisation patronale a ensuite durci davantage sa position. Khalil Ghariani, membre du Bureau exécutif de l'UTICA chargé des affaires sociales, a en effet soufflé sur les braises déjà incandescentes en annonçant la suspension provisoire de tous les accords signés avec l'UGTT jusqu'à ce que cette dernière présente ses excuses et mette fin à ce genre de comportements. Une déclaration qui n'a fait qu'envenimer davantage la situation puisque le secrétaire général de la centrale syndicale a répondu : «Que M. Ghariani suspende tous les accords s'il est capable de le faire », tout en démentant l'irruption des gardiens grévistes dans les locaux de l'UTICA. Le premier responsable syndical a également fait savoir que les salariés des sociétés de gardiennage n'ont pas obtenu des augmentations salariales depuis 2014, indiquant que les patrons rechignent à appliquer les accords conclus dans plusieurs secteurs. Fin septembre, la centrale patronale avait fait assumer à l'UGTT une grande responsabilité dans l'envolée de la masse salariale dans la fonction publique et la dégradation de la situation des entreprises publiques. Dans un document comportant ses propositions pour la loi des finances 2018, l'UTICA a recommandé au gouvernement de renégocier avec la centrale syndicale le report du versement de la deuxième partie des augmentations salariales dans la fonction publique et l'ouverture d'un nouveau round de négociations salariales. «Dans un Etat de droit, il importe que des engagements pris soient honorés. Néanmoins, et compte tenu de la situation des finances publiques, un report des augmentations salariales, si ce n'est total, au moins partiel, devra être négocié, avec au besoin une compensation», a notamment souligné l'UTICA dans ce document, signalant que cette compensation pourrait être «des droits et des avantages à l'entrée au capital d'entreprises publiques». Aux yeux, des syndicalistes, ces propositions s'apparentent à une déclaration de guerre. De là à dire qu'on s'oriente vers un hiver extrêmement chaud sur le plan social, il n'y a qu'un pas que certains observateurs n'hésitent pas à franchir.