Le mouvement de protestation orchestré à Souk Lahad (Gouvernorat de Kébili) s'est déclenché d'une manière qui pousse à la réflexion et il est difficile de croire que les quelques 300 personnes qui s'étaient rassemblées, devant le siège de la délégation, pour l'incendier et faire de même pour le domicile du délégué de la zone, l'avaient fait d'une manière fortuite. Différents éléments perturbateurs sont entrés en jeu pour exploiter cet événement douloureux, notamment des takfiristes qui ne cherchent qu'à envenimer la situation, afin de tirer profit du désordre et fomenter des coups tordus, contre le pays et sa stabilité. Certes, les familles ont le droit d'exiger la vérité sur les circonstances du drame de la disparition en mer de leurs enfants émigrés clandestins. Toutefois, elles doivent aussi assumer une part de responsabilité en ce sens où plusieurs d'entre eux étaient consentant au départ des leurs vers l'aventure, vers la mort... On ne peut calculer les chances, pourtant infimes, d'arriver à bon port, d'un individu qui paie des centaines de dinars et parfois des millions, pour être pris en charge et voyager sur une embarcation de fortune qui transporte, parfois, le triple ou le quintuple de ce que sa capacité lui permet. Si l'Etat est défaillant, les parents également sont fautifs, eux qui aident leurs enfants à réunir la somme exigée par les passeurs, afin de faire partie du voyage vers l'inconnu. Certaines mères seraient allées jusqu'à vendre leurs bijoux pour donner l'argent nécessaire à leurs fils, afin de tenter l'aventure et de chercher l'eldorado, dans les pays du nord de la Méditerranée. Se disculper aux dépens de l'autre Une fois le mal est fait, ces parents cherchent à trouver une partie qu'elles fusillent de leurs accusations, alors que dans d'autres temps et sous d'autres cieux, ce sont eux qui doivent payer pour les méfaits qu'ils ont accomplis en aidant leur progéniture à aller vers une mort certaine. Nonobstant l'accident de ces derniers jours, au large de Kerkennah, les nouvelles qui s'étaient succédé, au cours des derniers mois, avaient fait état de plusieurs milliers de morts et de disparus dans les opérations d'émigration clandestine, à partir de la Tunisie ou surtout de la Libye. Les forces occultes aux aguets, prêtes à sauter sur les événements et à exploiter la douleur des personnes endeuillées, aidant, le risque est grand de voir les mouvements de protestation faire tache d'huile. Et aux infiltrés d'en profitent pour faire plus de dégâts...Dégâts qui ont été importants à Souk Lahad, avec les incendies provoquées, mais, heureusement que les malfaiteurs n'ont pas pu détruire, une nouvelle fois, le poste de la garde nationale qui vient d'être rouvert, il y a près d'un mois. Le mouvement risque de faire tâche d'huile en l'absence d'information de la part des autorités, surtout que des habitants de Jendouba, région qui a perdu trois de ses enfants, se sont rassemblés, hier, devant le siège du gouvernorat, pour demander du développement et des emplois. Les noirs desseins des perturbateurs ont été prouvés avec l'arrestation de trois individus dont un takfiriste qui incitait les manifestants à s'attaquer aux forces de l'ordre et les traitait de "tyrans" lors des incidents ayant éclaté jeudi à Kebili, comme souligné dans un communiqué du ministère de l'Intérieur. Des procès ont été intentés, indique la même source, à l'encontre des trois individus "pour constitution d'une bande, participation à une entente pour agresser les biens et les personnes, incendie volontaire dans des endroits non habités, agression des agents de sécurité par jets de pierres et cocktails Molotov et tentative de meurtre". En colère, les manifestants avaient bloqué la route pour protester contre la mort "suspecte" de deux jeunes de la région qui ont péri lors du naufrage de leur embarcation après une collision, dimanche, avec un bateau de la marine nationale au large de l'île de Kerkennah (gouvernorat de Sfax). Un officier victime d'un malaise cardiaque Les protestataires avaient revendiqué l'ouverture d'une enquête sur les causes du drame qui a fait 8 morts et une trentaine de disparus et la visite de représentants du gouvernement pour examiner les moyens d'impulser le développement dans la région. Les forces de l'ordre sont intervenues pour disperser les manifestants en utilisant du gaz lacrymogène. Le ministère de l'Intérieur a indiqué, d'autre part, que le chef du poste de la garde nationale de Jomna, appelé en renfort, a été victime d'un malaise lors de l'assaut et a dû être transporté à l'hôpital où il a été gardé en observation dans le service de réanimation. Des cellules de crise ont été constituées dans les gouvernorats de Kebili, Sidi Bouzid et Sfax pour soutenir les familles des victimes en mer, a précisé le ministère. "Autant le ministère comprend l'état psychologique des familles des victimes (...) autant il appelle les habitants à la raison et au respect des institutions de l'Etat lors de toute action de protestation organisée dans le cadre de la loi et de la Constitution", souligne le département de l'intérieur. Un drame national Le chef du gouvernement, Youssef Chahef, a qualifié la collision de "drame national", dans une interview diffusée jeudi soir par la chaîne de télévision privée "El Hiwar Ettounsi", Chahed a dit compatir à la douleur des familles des victimes de cet accident. Il a, également, indiqué avoir donné ses instructions à l'occasion du conseil ministériel tenu jeudi, pour hâter l'enquête afin de déterminer les responsabilités et invité les autorités régionales à s'enquérir des familles des victimes. Le chef du gouvernement a, par la même occasion, souligné la nécessité d'examiner le dossier de l'émigration clandestine. Pour sa part, le secrétaire d'Etat chargé de l'immigration et des Tunisiens à l'étranger, Adel Jarboui a réitéré l'engagement du gouvernement à soutenir la migration "organisée", "sécurisée" et "digne"' et à oeuvrer avec les pays voisins et ses partenaires de l'Union européenne afin de trouver des solutions à long terme. Il a de même relevé que le chef de l'Etat a, également, ordonné la mise en oeuvre de la loi organique n°61 de 2016 relative à la prévention et la lutte contre la traite des personnes. Jarboui a souligné la préoccupation du gouvernement quant à l'augmentation du nombre des migrants illégaux, ajoutant qu'il oeuvre à trouver des solutions "urgentes" et "efficaces" afin de lutter contre ce phénomène.