Les ingénieurs tunisiens exerçant dans le secteur public (ministères, offices et entreprises publiques) ont entamé, hier, une grève de deux jours en signe de protestation contre «la «détérioration» de leur situation morale et matérielle et de l'augmentation du chômage chez les diplômés dans cette spécialité. «Le taux de suivi du débrayage auquel ont appelé l'Ordre ingénieurs tunisiens(OIT) des ingénieurs et le syndicat national des ingénieurs tunisiens, a atteint environ 80% au premier jour », a déclaré le président de l'OIT, Oussama Kheriji. «Parallèlement à la grève, «plusieurs milliers» d'ingénieurs ont organisé, hier, un rassemblement à la Place du gouvernement à Kasbah pour protester contre l'atermoiement des autorités de tutelle dans la satisfaction des revendications de la profession », a-t-il ajouté, indiquant que «les promesses reçues par l'Ordre en décembre dernier lors d'une rencontre avec le Chef du gouvernement sont restées lettre morte». Plusieurs centaines d'ingénieurs avaient déjà organisé le13 novembre dernier un rassemblement de protestation devant l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour dénoncer la marginalisation de cette profession noble. Les gens de la profession dénoncent, en premier lieu, la dégradation continue de la situation matérielle des ingénieurs qui est largement en deçà des catégories similaires de par leurs diplômes et leurs cursus universitaires comme les médecins de la santé publique et les magistrats. «Nous sommes la seule profession qui n'a bénéficié d'aucune augmentation spécifique depuis la révolution», a souligné le président de l'OIT. Selon lui, une bonne partie des ingénieurs continuent à percevoir des salaires de misère qui tournent autour de 400 dinars. D'après les données de l'Ordre, le salaire moyen d'un ingénieur ne dépasse pas les 1300 dinars dans le secteur public alors que le plus haut salaire tourne autour de 1800 dinars. Dans le secteur privé, le salaire moyen d'un ingénieur ayant moins de cinq ans d'expérience est de 860 dinars. Selon les mêmes données, les salaires des ingénieurs n'ont globalement augmenté que de moins de 5% par an depuis la révolution alors que des corporations comparables comme les médecins et les magistrats ont vu leurs traitements passer pratiquement du simple au double. Dans ce cadre, l'Ordre et le syndicat des ingénieurs tunisiens souhaitent désormais prendre part aux négociations sociales. Ils réclament également l'ouverture de perspectives de recrutement dans le secteur public et la généralisation de la prime d'ingénierie dans les secteurs public et privé. Les deux structures représentatives de la profession plaident aussi pour une profonde révision du cadre légal et règlementaire régissant le secteur et la formation dans le domaine de l'ingénierie ainsi que la définition de critères clairs en ce qui concerne l'avancement professionnel dans le secteur public. Selon les statistiques de l'Ordre des ingénieurs, la Tunisie compte aujourd'hui plus de 10.000 ingénieurs qui occupent des emplois précaires en dehors de leur spécialité (employés dans des centres d'appel, ouvriers etc.) et quelque 4000 ingénieurs chômeurs. L'Ordre s'inquiète, d'autre part, de la fuite des cerveaux dont souffre la profession, révélant que plus de 2500 ingénieurs quittent, bon an mal an, le pays pour tenter leurs chances sous d'autres cieux plus rémunérateurs, notamment en Allemagne et en France.