C'est une collection de seize histoires courtes, écrite par Widad El Habib, parue récemment aux éditions Sotepa Graphic. Une collection qu'on peut apparenter à un recueil de nouvelles, quand bien même le style poétique de l'auteure serait prépondérant dans tous les récits, à telle enseigne qu'on est en présence d'un ensemble de textes écrits en prose poétique. Nouvelles ou poésie en prose ? Disons qu'il s'agit des deux genres littéraires à la fois. En effet, dans cet ouvrage, le lecteur découvrira simultanément les techniques de la nouvelle ainsi que celles de la poésie. Nouvelle : par le nombre restreint des personnages (une femme, un homme), par la rareté des faits (un ou deux dans chaque récit), par la brièveté des histoires (des récits très courts) et surtout par la chute (des rêves qui s'évaporent et des projets qui s'effondrent à la fin de l'histoire). Poésie : par l'usage d'un langage poétique soutenu, basé sur les écarts linguistiques et les images évocatrices, comme on en trouve chez les poètes. C'est donc ce mariage de genres que l'écrivaine nous livre dans son œuvre où elle se présente comme une femme, un être féminin, qui pense, qui aime, qui souffre, qui s'ennuie, qui se débat, qui accuse, qui se lamente, qui se rebelle. Consciente de sa féminité à laquelle elle tient fortement, elle se révolte parfois contre son corps, son esprit, mais aussitôt, elle se calme et s'en réconcilie. Bref, elle nous décrit la femme et la féminité dans tous leurs états. Ses propos sont bien sûr adressés à l'homme, qui lui semble tantôt un être doux, galant et fidèle, tantôt cruel et infidèle ; cet homme qui se comporte parfois comme un prédateur face à une femme fragile qu'il peut attaquer à tout moment pour se régaler de ses charmes, ou cet autre homme ingrat qui n'apprécie pas la femme à sa juste valeur, la considérant comme un être inférieur. « Thartharatou Ountha » (bavardages féminins, si j'ose traduire ainsi !) est un titre qui nous renvoie à un monde plein de symboles évocateurs des différents états d'âme de la femme : sa singularité, sa féminité, ses attraits, son intimité, ses pudeurs, ses peurs, ses caprices, ses amours, ses désirs, ses souffrances, ses envies, sa jalousie, sa fidélité, sa révolte. De l'autre côté, le symbolisme dans ce livre renvoie à l'hypocrisie de l'homme, à son égoïsme et à son ingratitude, cet homme qui ne se rend pas souvent compte de l'amour, de l'affection, du dévouement et de la fidélité que la femme cherche toujours à lui vouer. D'où le lecteur comprendra le dérangement, la déception, la révolte et le cri de désespoir de l'écrivaine tout au long de ses récits, elle qui avait tant rêvé du « prince charmant », non pas ce personnage merveilleux des contes, mais bien cet homme réel, dans notre société, qui viendrait un jour vivre avec elle dans le pire et le meilleur. «Bavardages féminins» est un recueil écrit par une femme avide de liberté et d'affranchissement, animée par une soif d'égalité et de compréhension réciproque avec l'homme ; qui s'exprime dans un beau langage poétique pour mettre en évidence la beauté de la femme, sa fragilité, sa passion, sa douceur et sa disposition à se donner corps et âme à l'homme de sa vie, pourvu que ce dernier apprécie à bon escient les qualités physiques et morales de cette femme et qu'il soit pour elle l'ami fidèle, l'admirateur sans réserve et le bon mari. C'est un livre écrit avec beaucoup de sensibilité et de poésie.