Au cours de son discours prononcé à l'occasion de la célébration du 62e anniversaire de l'Indépendance de la Tunisie, le président de la République, Béji Caïd Essebi, a ouvert la voie au changement du mode de scrutin jugé par plusieurs constitutionnalistes comme étant un système qui favorise l'instabilité politique et le ‘tourisme' partisan. Il a ainsi coupé court aux bruits qui ont circulé sur son intention d'appeler à un changement du régime politique expliquant que bien qu'elle ait ses failles, la Constitution de 2014 ne sera pas révisée, pas sous son règne. Les réactions politiques ont été nombreuses au lendemain de cette nouvelle initiative présidentielle entre ceux qui l'ont applaudie et ceux qui la décrivent déjà comme la pire chose qui puisse arriver en Tunisie 2018. Le mouvement islamiste d'Ennahdha, allié de Nidaa Tounes et de Béji Caïd Essebsi depuis la présidentielle et les législatives de 2014, a été le premier a exprimé, dans un communiqué public, son ouverture sur tout dialogue approfondi tournant autour de l'amendement ou du changement du Code électoral tant que cela œuvre à renforcer la stabilité politique. Ennahdha a enchaîné pour assurer que le discours présidentiel était d'une «importance suprême» dans la mesure où il a renforcé les acquis de l'indépendance, de la révolution et de la Constitution de la deuxième République. Le mouvement islamiste, qui a tout fait en 2011 dans le cadre des travaux de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, pour faire passer ce code électoral, semble aujourd'hui vouloir s'en débarrasser. La raison ? Selon certains opposants, le nouveau mode de scrutin qui serait proposé d'ici quelques temps par la présidence de la République permettrait aux deux mouvements majoritaires, Ennahdha et Nidaa Tounes, de garantir, pour de longues années, leurs premières places. Depuis sa mise en place, le mode de scrutin a toujours fait l'objet de plusieurs critiques ; même l'ancien président de l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), Chafik Sarsar, a affirmé, lors d'une interview qu'il nous avait accordée, que le mode de scrutin actuel, qui permet la plus large représentativité des forces politiques, n'est réellement pertinent que pour l'élection des membres de l'Assemblée nationale constituante ; en ce qui concerne l'élection des autres institutions de l'Etat (le Parlement ou encore les Municipales), Sarsar avait confié que le mode de scrutin devait absolument être révisé. Pour le doyen Sadok Belaïd, cette révision mettrait fin à l'élection de députés qui n'ont rien à voir avec la vie politique – il a cité le député constituant Brahim Gassass à ce titre – et aiderait à la stabilisation de la scène politique. Pour lui, un changement du mode de scrutin devient aujourd'hui nécessaire pour que la Tunisie commence à avancer sur la voie de l'équilibre et de la stabilité. En attendant des propositions de projets de loi ou autres, le nouvel appel de Béji Caïd Essebsi occupera toute la scène politique pendant les prochains jours.