Musk and Amber Gallery ou l'envoutant espace, celui des mille et une nuits, sis au Lac et façonné avec raffinement par sa fondatrice, Lamia Bousnina Ben Ayed, abrite depuis le 15 mars et jusqu'au 11 avril prochain, l'exposition de l'artiste plasticienne, Nadia Zouari qui nous surprend encore une fois avec « Ordres- Désordres » et son sens de la recherche de la cohérence perdue. Diplômée de l'ISG Paris, notre ancienne consœur du journal « Le Temps », Nadia Zouari qui a vécu de par sa naissance, dans un univers d'art, de mode et design, a pris des cours d'initiation à l'art contemporain, à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris, des cours de sculpture et céramique, ainsi que des cours de dessin d'après modèles vivants. Elle a été invitée à de nombreuses résidences d'artistes en France, au Maroc et en Tunisie, et désignée plusieurs fois, commissaire d'expositions internationales. Parmi ses principales participations hors de nos murs, celle réalisée autour du thème, « I am wooman », où elle a été sollicitée par le Musée d'Art Contemporain de Naples en Italie, (décembre 2014- mars 2015). Entretien. Le Temps : on a l'impression que l'espace de vos tableaux se plie à la fantaisie de ces petites pièces qui s'emboitent les unes dans les autres, que vous mélangez et associez à la manière de collages, le puzzle devient alors, un matériau artistique. Comment est née l'idée de cette nouvelle démarche artistique ? Nadia Zouari : mes pièces de puzzle ne s'emboitent justement pas, elles se cherchent, elles tentent de se retrouver pour s'imbriquer. Elles ne sont pas prétextes à la composition, elles sont là, bien présentes et s'imposent audacieusement. En 2011, nous étions en pleine révolution. La Tunisie se révélait être une mosaïque de personnes qui se croisaient, coexistaient mais ne se rencontraient pas. J'avais déjà commencé à travailler sur l'idée du puzzle mais désormais, il prenait tout son sens. J'ai développé ce thème en insérant des pièces de puzzle dans mes peintures, mes sculptures et mes installations, avec l'idée de faire correspondre ces pièces aux personnes qui n'arrivaient pas à échanger, à communiquer. *Chaque élément est en tension avec l'ensemble de la structure, comme un puzzle qui menace de s'écrouler à chaque instant. L'art selon vous, est- il un moyen pour reconstituer ou reconstruire ce qui a été, occulté, brisé, éparpillé, afin de recomposer comme vous l'avez dit : « une société en paix » ? -J'ose espérer que les pièces du puzzle arriveront à trouver leur place et que ce puzzle arrivera à se reconstituer, afin que chacun puisse trouver sa place, tout comme les hommes composent une société. Une société en paix. Une société apaisée où nos enfants et les enfants de nos enfants pourront aspirer à un monde meilleur. Ils pourront à leur tour jouer, et s'amuser à reconstituer les images d'un puzzle tout comme nous avions pu le faire lorsque nous étions enfants. *Vous avez écrit une fois : « je ne peins pas ce que je vois, je peins ce qui est en moi... » Pourriez-vous, nous expliquer davantage votre démarche ? -Je travaille d'après mon imaginaire pour que les choses soient suggérées sans être montrées. La vie avec ses joies, ses peines, tout s'y retrouve. Ce qui m'intéresse, c'est que chacun puisse se raconter sa propre histoire... ma peinture doit rester un vecteur d'émotions... qu'elle aille faire sa vie et rejoindre celui qui la regarde. Je fais en sorte que mes œuvres portent la vie, qu'elles fassent partir ailleurs, qu'elles fassent danser les lignes. C'est un espace créé, émouvant, qui peut bouger, se transformer, évoluer dans l'œil de celui qui le regarde. Mes recherches plastiques restent le lieu de rencontre entre la matière et la composition. Ma peinture est très tactile, je joue sur le côté lisse et rugueux ou mat et brillant que j'aime mettre en opposition. Je recherche toujours un point de lumière quelles que soient les couleurs que j'utilise. La superposition des différentes strates crée des zones d'ombre et de lumière instaurant un dialogue entre surface et profondeur. Pour moi, l'important n'est pas l'à priori de la construction, mais la portée des idées contenues et les sensations perçues. *Vous avez été désignée en 2016, à la tête de l'exposition itinérante « Med'in Peace », qui regroupe des artistes du Bassin méditerranéen et qui traverse plusieurs villes en France jusqu'en 2018. Où en êtes-vous actuellement ? -C'était une grande aventure, aussi bien humaine qu'artistique. J'en ai été la commissaire d'exposition et nous y avons exposé 32 artistes, tunisiens et de la Méditerranée. Ils ont été fiers d'exposer au Musée d'Art Contemporain de Montélimar. Un musée qui a exposé des artistes de renommée. Tout juste après notre exposition, s'y tenait l'exposition Pop Art d'Andy Wharhol, Roy Lichtenstein, Jasper Johns, Rauschenberg...ce qui n'est pas rien. Nous avons ensuite exposé au MAC de Volvic, qui a inauguré sa réouverture pour nous. Nous y avons également organisé une résidence d'artistes, nous avons été invités à travailler à l'école d'architecture de Volvic, un lieu absolument magique, entre la cathédrale et la place du village. Après deux ans, la collection se trouve au port de Marseille, prête à revenir, aidée par l'Ambassade de France et l'IFT qui nous ont encouragés et soutenus dès le début de cette incroyable aventure. *Il nous semble que vous êtes beaucoup plus active à l'étranger qu'en Tunisie puisqu'on vous voit rarement exposer avec des groupes d'artistes... Comment expliquer cette absence de la scène artistique locale ? -Il y a des opportunités qui se présentent et quand on est invité à exposer en Suisse pour une biennale, en Espagne ou au Maroc, ça ne se refuse pas. Ceci dit, je n'ai jamais été complètement absente de la scène artistique tunisienne puisqu'en 2017, j'ai exposé au Bchira Art Center, magnifique lieu à Sebbelet Ben Ammar, puis à El Birou à Sousse, à Dar Sébastian à Hammamet en octobre dernier, à la suite d'un symposium international de peinture et de sculpture. Puis j'ai exposé à la Galerie de la Médina, et ma dernière participation de groupe, était à Gammarth dans l'expo « Pop Up ». *Avez-vous d'autres projets solo ou en groupe ? -Je pars bientôt au Maroc pour une rencontre artistique, nous sommes 6 artistes tunisiennes à avoir été choisies, Michela Marguerita Sarti, également commissaire, Houda Ajili, Najah Zarbout, Amina Mtimet et Nesrine Elamine. Nous allons travailler sur de grands formats, pour une nouvelle aventure. A notre retour de l'exposition, nous serons enchantées de vous en parler plus en détails. Propos recueillis par :