Avant les rendez-vous de la rentrée, il reste quelques jours pour visiter ceux de l'été. Arts contemporain, populaire, asiatique et design, voici notre sélection. Art contemporain : Martial Raysse Avant la rétrospective Niki de Saint-Phalle au Grand Palais (à partir du 17 septembre prochain), il faut (re)voir celle consacrée à Martial Raysse au Centre Pompidou jusqu'au 22 septembre prochain. Les deux artistes sont contemporains (Saint-Phalle est décédée en 2002, Raysse est toujours vivant), et ont fait partie des Nouveaux réalistes (Raysse comme membre-fondateur de ce mouvement, avec notamment Arman, Klein et Tinguely, futur mari de Saint-Phalle). Les premières œuvres de Raysse présentées ici sont gaies, colorées, du Pop art made in France, avec une pointe de joie de vivre dans le sud de la France. Raysse est né à Antibes-Golfe-Juan en 1936. Au début des années 60, il peint des baigneuses en bikini, il fait des sculptures de produits ménagers. "Les "Prisunic" sont les musées d'art moderne", déclare-t-il alors. Néons et couleurs fluo, fleurs artificielles, imprimés criards, c'est kitch et séduisant. Il revisite aussi l'histoire de l'art à sa manière (couleurs flashy et objets collés) avec la série "Made in Japan en martialcolor", réalisée à partir de cartes postales de peintures de maîtres produites au japon jusqu'en 1965. C'est sans conteste la partie de l'œuvre de Raysse à la fois la plus connue et la plus excitante. Mais à la fin des années 60, il s'est détourné du Pop art au profit d'une expression plus psychédélique inspirée de ses séjours au Maroc et de la vie en communauté. Dans les séries Coco Mato et Loco Bello, il bricole un univers poétique fait de bouts de ficelles et de petits objets naïfs. Nouveau changement de cap dans les années 90 : Raysse se tourne vers les thèmes antiques (le Minotaure...) ou des scènes de la vie quotidienne qui fourmillent de détails. Il ya quelque chose de mexicain dans sa gamme de couleurs et la profusion de personnages dans ses grands formats. On y retrouve aussi le même kitch dérangeant que dans ses œuvres de jeunesse. Martial Raysse 1960-2014, centre Georges Pompidou, jusqu'au 22 septembre Design : Sous pression, le bois densifié A ceux qui voient encore le design comme un truc un peu futile qui fait joli dans la maison, cette exposition ouvrira de nouveaux horizons. On y découvre la technique révolutionnaire de la densification du bois, qui confère à des essences ordinaires, comme le sapin ou le mélèze, les propriétés d'essences précieuses. Le procédé repose sur la chaleur, l'humidité et la pression. Aucun produit chimique n'est ajouté pour une solidité bien supérieure aux autres procédés : le bois durci, cintré, lamellé-collé, contreplaqué ou rétifié. Dans cette petite exposition, les explications techniques sont claires et les objets-témoins présentés magnifiques. Les prototypes en bois densifié conçus par de jeunes designers, en association avec l'école polytechnique de Lausanne, attestent les multiples possibilités que cette toute nouvelle technique offrira aux créateurs. Le plus spectaculaire est sans conteste la paire d'escarpins avec des talons aiguilles en sapin. Non pas des aiguilles de sapin, mais bien des talons en sapin ! Sous pression, le bois densifié, Musée des Arts décoratifs, galerie d'actualité, (5e étage), 107 rue de Rivoli, jusqu'au 14 septembre. Art populaire : Tiki pop Après les vacances, le retour à la vraie vie est difficile ? Filez au musée du quai Branly pour un voyage au pays des aventuriers et des vahinés, à l'ombre des cocotiers et des bases de l'US Navy. "Tiki Pop est une vision américaine du paradis des îles du pacifique Sud", explique Sven Kirsten, commissaire de l'exposition et spécialiste mondial de ce courant. Avec des objets et des photos splendides magnifiquement mis en scène, on plonge très vite dans l'univers aussi kitch qu'enchanteur de l'expo. Le Tiki pop trouve sa source dans les récits d'explorateurs comme Bougainville et Cook, les peintures de Gauguin et les romans de Melville ou London. Puis le cinéma s'en empare avec des films d'aventures teintés d'érotisme, mais aussi de condescendance envers les autochtones : Les femmes-fleurs sont lascives, les hommes en pagne un peu stupides, et les blancs, gentils ou méchants, toujours puissants. "Les révoltés du Bounty" en 1935 avec Clark Gable, et son remake de 1962 avec Marlon Brando, ont définitivement localisés le paradis sur terre dans les îles du Pacifique. L'expo fait malheureusement l'impasse sur les films d'Elvis Presley, certes pas très bons ("Sous le ciel bleu d'Hawaï" en 1961 et "Paradis hawaïen" en 1966), mais qui ont largement contribué aux succès des bars à cocktails ! La décoration de ces établissements à l'exotisme d'opérette (meubles en rotin et jus d'ananas) devient un style à part entière aux Etats-Unis, avec pour figure central le tiki, à l'origine statue d'idole polynésienne puis symbole séculaire de ce monde fantasmé. Les " vrais" tikis présentés ici appartiennent au musée du quai Branly, les autres des collections des fans de gadgets et de culture populaire américaine des années 50-60. Le must : le mug-tiki ! En France, le style tiki n'a pas vraiment pris, mais les meubles en rotin ont connu un certain succès avant d'être balayés par le design des années 70 (plastique et couleurs chocs). Aujourd'hui les branchés et les décorateurs courent les Brocantes à la recherche des plus improbables objets de ce temps jadis. Tiki Pop, Musée du quai Branly, Mezzanine est, 37 quai Branly, jusqu'au 28 septembre. Art contemporain : Le mur Pour fêter les dix ans de sa fondation la Maison rouge, Antoine de Galbert prouve une fois de plus qu'il n'est pas un collectionneur comme les autres. A chaque date anniversaire, il présente les œuvres de l'un de ses pairs, cette fois (comme la première année) il s'agit des siennes. Mais au lieu de confier la sélection des pièces et leur mise en scène à un commissaire d'exposition, il a choisi de tout montrer (ou presque) et d'utiliser un logiciel d'agencement de l'espace, avec pour seule critère les formats des œuvres. 917 peintures, photographies, dessins, néons et pièces en volume de 458 artistes acquises par de Galbert depuis trente ans sont ainsi exposés sur un mur de 278 mètres de long. Cette accumulation aléatoire casse les codes des galeries d'art actuelles qui disposent les œuvres à hauteur d'œil, selon une certaine logique et à bonne distance les unes des autres, selon le principe plutôt chic du cube blanc (White cube). Ala Maison rouge, devant la foison d'œuvres présentées sur une bande trop large pour que l'on puisse tout bien voir, on se retrouve plonger dans l'univers des "salons" du XIXe dont les murs étaient saturés de tableaux jusqu'au plafond. Aucun cartel n'est installé, seules quelques tablettes numériques disposées dans l'exposition permettent de connaître le titre et l'auteur de chaque oeuvre (les visiteurs équipés de smartphones peuvent se connecter sur une application ad-hoc). Ce procédé est à la fois fascinant (on aime ou l'on n'aime pas telle œuvre sans être influencé) et agaçant (on passe plus de temps le nez sur les tablettes ou sur son téléphone que devant les œuvres).