Deux formations tunisiennes porteront la bannière de la rock music au Festival international de Carthage. Myrath ( le 19 juillet) et Hemlyn (le 22 juillet) seront sur les planches du Théâtre antique à la grande satisfaction du public jeune. On ne présente plus Myrath! Ce groupe de métal tunisien est une incontestable success-story et le leader de toute une mouvance musicale en Tunisie. Produit en Europe, habitué des scènes des grandes villes françaises, allemandes ou espagnoles, "Myrath" a réinventé le rock tunisien depuis une vingtaine d'années et son passage à Carthage est une nouvelle qui met du baume au coeur. "Myrath" sur la voie royale Ce groupe s'est imposé depuis longtemps déjà et, désormais, table sur la complicité de ses cinq musiciens pour donner des tonalités inédites au métal. Fondateur du groupe en 2001, le guitariste Malek Ben Arbia en est le moteur et le poisson-pilote. S'appuyant sur la basse de Anis Jouini et la batterie de Morgan Berthet, la guitare de Ben Arbia trouve aussi son assise avec les claviers de Elyas Bouchoucha et les envolées vocales de Zaher Zorgati. L'alliage entre les cinq musiciens donne désormais un répertoire aisément reconnaissable, inimitable et d'une puissance remarquable. C'est bien du métal dans la tradition la plus classique et c'est aussi du métal qui fait parfois dans la nuance - orientale ou mélodique - et accouche de vibrations positives. Les albums du groupe témoignent non seulement de sa progression mais aussi de sa pleine maîtrise musicale, d'un cachet propre. Le nom du groupe signifie d'ailleurs "Héritage" et ce legs, la formation l'aborde dans un esprit progressif. "Myrath", c'est aussi le miracle d'une rencontre avec Kevin Codfert qui deviendra le producteur du groupe et lui ouvrira les portes de l'Europe. Cette collaboration a non seulement bonifié les prestations de "Myrath" mais l'a sorti de la scène locale, trop confinée et conventionnelle. Depuis, quatre albums ont enrichi la discographie de "Myrath". Ce sont "Hope" en 2006, "Desert Call" en 2010, "Tales of the Sand" en 2011 et "Legacy" en 2016. Scéniquement, le groupe ne lésine pas sur les moyens et se donne à fond, ce qui devrait augurer d'une soirée de référence pour le rock tunisien! Le rock soufi des hobos de Ali Jaziri La scène, Ali Jaziri connait bien! En effet, depuis 15 ans, il accompagne à la guitare les différentes "hadhras" créées par son père, Fadhel Jaziri. Et, cerise sur le gâteau, les années passées aux Etats-Unis lui ont permis de parfaire sa culture musicale et se tremper dans diverses influences du rock et de la pop. C'est fort de ce bagage que Ali Jaziri s'est lancé dans une forme de rock qu'on qualifie de tribal mais qui pourrait tout aussi bien être décrit par d'autres adjectifs. Rock soufi pour les uns lorsque ce sont les mélopées qui dominent, rock engagé pour les autres lorsque les textes du parolier Ghassen Amami se font dénonciateurs, rock ethnique lorsque ce sont les chants du patrimoine qui s'habillent à la mode métal. C'est au coeur de cette fusion qu'est né le concept "Hemlyn". Le terme en arabe signifie "vagabonds, errants, chemineaux". On pourrait aussi penser à ces "hobos" qui arpentent les grands espaces. Bref, la notion de liberté débridée est bien là, avec en prime un clin d'oeil aux "zoufris" qui, en Tunisie, avaient su réinventer la musique en donnant le jour au "mezoued" urbain. Toutefois, cette liberté est strictement musicale et se déploie dans une sorte d'opéra-rock en treize tableaux. Le spectacle "Hemlyn" est véritablement millimétré et avance selon une double logique musicale et conceptuelle. De "Bjah Allah" à Bani Watani", le groupe se donne à fond. En leader incontesté, Ali Jaziri donne le tempo mais sait s'effacer derrière ses musiciens y compris une seconde guitare solo qui fait des merveilles. L'atout du spectacle, c'est sa rythmique digne d'un rendez-vous impromptu entre les plus grands batteurs rock et les meilleurs percussionnistes de notre tradition. Avec cinq "darboukas" et "bendirs", les rythmes vont crescendo, ne font pas de détails, remplissent l'espace puis, selon un agencement rigoureux, ce sont des accalmies ou des envolées à la guitare solo. "Ena Lemdalel" avec "Fares Bagdad" est un véritable morceau de bravoure tout comme "Dommar" et "Abraj". Le retour du rock tunisien se dessine Le show est convaincant, sans aucun temps mort et avec les variations qu'il faut pour ménager de nombreuses ruptures et surprises instrumentales et vocales. Le disque "Hemlyn" reprend toutes les compositions et constituera sans doute le manifeste de ce groupe fort aguerri qui devrait faire chalouper Carthage de joie. Avec "Myrath" et "Hemlyn", le rock tunisien fait une entrée en force au programme du festival de Carthage. Il s'agit d'un rock très contemporain, joué par des musiciens doués et sûrs d'eux-mêmes et nourri de multiples influences. A découvrir pour ceux qui ne connaîtraient pas et à déguster sans modération pour ceux qui sont fans.