Prix spécial du jury aux Journées cinématographiques de Carthage 2012, «Tey», du réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis, sera projeté à l'occasion des JCC 2018. Satché, le personnage principal «Tey» («Aujourd'hui» en wolof) d'Alain Gomis, sait qu'il vit sa dernière journée de vie, car demain il sera mort. Il s'en va traîner savate pour savoir où sa vie a pêché, même s'il est trop tard pour corriger le passé. Satché pense éloigner la mort en repassant par les lieux où il a circulé, en revoyant ses amis et même sa maîtresse. Tout le monde lui fait la fête comme si mourir était un honneur, mais une fois que ses pas l'emmènent ailleurs, on lui tourne le dos. Ce sont des relations que l'on peut considérer comme des situations positives qui virent au négatif. Finalement, Satché ne trouvera la paix qu'auprès de sa femme et de ses enfants ; même s'il y a confrontation, la situation négative vire au positif. Et la dernière image que le personnage principal emportera avec lui outre-tombe est celle de sa femme endormie à ses côtés. «Tey» est un questionnement sur la vie et la mort sans pour autant ni être philosophique ni métaphysique. Le réalisateur, qui est également le scénariste, a pensé ce sujet proche de la mort à un moment durant lequel il se posait des questions simples sur le sens de sa propre vie. Le fait de tourner «Tey» a été comme un exorcisme de la mort, puisqu'Alain Gomis a avoué qu'il avait beaucoup moins peur de la mort parce qu'il fait ce film. Il voulait essayer «d'affronter, de trouver un sens cinématographique au fait qu'il y ait une fin». Pour lui, «Tey» n'était pas faire un film sur la mort, mais faire un film vivant, qui célèbre la vie. Le long métrage permet de se poser ou de se poser à nouveau des questions essentielles et existentielles, de pouvoir se confronter aux doutes profonds, et même de pouvoir les affronter. Il y a très peu de dialogues dans «Tey» car le film se raconte à travers les sensations. D'ailleurs, le réalisateur a choisi de ne pas faire traduire certains dialogues afin que le public ressente les choses au plus profond de lui. «Tey» peut être considéré comme une représentation non plus de la mort physique mais de la mort du temps qui passe, comme si nous étions perdus dans une société toujours en perpétuel mouvement. Il faut préciser qu'Alain Gomis est issu de la culture manjaque, que l'on trouve au sud du Sénégal et au Nord de la Guinée Bissau ; une culture où la présence des êtres invisibles est permanente, où il n'y a pas de séparation évidente entre la vie et la mort. Finalement, «Tey» est un film à voir et à revoir tant qu'il pousse à une remise en question de soi et des idées préconçues qui nous sont imposées tout au long de notre vie.