Il faut absolument revoir le système électoral de manière à ce qu'il permette d'avoir une majorité claire à l'assemblée * Nos différences avec Ennahdha ne se sont pas dissipées et elle reste l'un de nos concurrents sur la scène politique La députée de Machrou Tounès, Khaoula Ben Aîcha, a accordé au Temps l'entretien suuivant dans lequel elle explique les positions de son parti, à la suite des derniers développements dans le pays, ainsi que ses choix politiques pour la prochaine période. * Le Temps : La Tunisie vit une crise politique. Comment peut–on sortir de cette situation difficile? Khaoula Ben Aïcha:Je pense qu'il y a deux niveaux d'actions, immédiat et sur le long/moyen terme: - Dans l'immédiat et sur le plan gouvernemental: il est nécessaire que le gouvernement ne travaille que sur les urgences et les réformes économiques et sociales du pays et qu'il soit détaché justement de ces tractations et conflits politiques au sein des partis et éviter de les exporter pour ne pas bloquer le travail du gouvernement, comme nous l'avons vécu et le vivons toujours avec des gouvernements basés sur des quotas partisans et des ministres trop impliqués et préoccupés par les prochaines échéances électorales. Sur le plan purement politique et parlementaire, puisque c'est là où nous voyons les conséquences de cette crise politique et des conflits partisans, il est important d'instaurer un dialogue entre les différentes parties prenantes, de trouver un terrain d'entente du moins sur les questions importantes et qui touchent directement au quotidien du citoyen. Cela ne remet pas en question leur droit à la différence, la compétitivité qu'il peut exister entre les différents acteurs pour les échéances électorales mais il faut également un minimum de responsabilité et d'humilité, de savoir gérer ces conflits et cette rivalité dans les cadres adéquats et de savoir les mettre de côté quand il s'agit d'intérêt général et national. Sur le moyen et long terme, je pense qu'il faut absolument revoir le système électoral de manière à ce qu'il permette d'avoir une majorité claire à l'assemblée capable d'appliquer son programme électoral, de prendre des décisions et d'en assumer pleinement la responsabilité au lieu d'une assemblée qui reste prise en otage des alliance et coalitions qui se font et se défont au grès des intérêts et des caprices des uns et des autres. Chacun assumera alors son plein rôle de pouvoir ou d'opposition, les responsabilités claires et définissables et une plus grande souplesse et efficacité au niveau du travail parlementaire et gouvernemental. * L'appel à l'unité des forces démocratiques est–il primordial ? Je pense que oui. La Tunisie devrait passer aujourd'hui à une phase de stabilisation politique avec de grands pôles politiques comme dans les grandes démocraties, afin de rétablir l'équilibre sur la scène politique et rendre le paysage politique plus clair et plus compréhensible, d'ailleurs la nouvelle loi sur les partis politiques devait pousser dans ce sens, car depuis la révolution, nous avons vu la naissance de centaines de partis politiques - ce qui est en soi un signe de bonne santé et s'inscrit dans l'essence même de toute transition démocratiques - mais aujourd'hui, seuls quelques-uns ont une vraie activité et c'est pour cela que je dis qu'il est temps qu'il y ait une stabilisation et une maturité du paysage politique aujourd'hui, cela ne veut en rien dire exclure les petits partis où empêcher leur création mais il est temps que ceux ayant les mêmes grandes orientations stratégiques, économiques se rassemblent et forment de vraies forces et avoir un réel poids sur la scène. Combien avons-nous de partis aujourd'hui qui se disent 'Destouriens ', 'Progressistes' , 'démocrates' , 'Nationalistes'? Qu'est ce qui les différentie au juste ? Qu'est ce qui les empêche de se rassembler aujourd'hui puisqu'ils se disent défendre les mêmes principes et orientations, si ce n'est les égos démesurés des uns et des autres et un certain manque de maturité politique?... L'adage dit que l'union fait la force et c'est toujours d'actualité * Etes–vous concernés par ce qui se passe à Nidaa Tounès ? Nidaa Tounès est un parti comme tous les partis politiques existants et ce qui s'y passe est une affaire interne et ne nous concerne en rien. * Vous étiez dès le départ contre le consensus entre BCE et Ennahdha. On parle actuellement d'un éventuel rapprochement entre Machrou et Ennahdha, après le discours du Harouni ? Le parti Machrou Tounès a sorti un communiqué pour clarifier cela et Harouni et d'autres leaders du parti Ennahdha ont également sortis des communiqués pour démentir cela. Nos différences avec ce parti ne se sont pas dissipées et ce mouvement reste l'un de nos concurrents sur la scène politique tunisienne. * Le scénario Ennahdha-Youssef Chahed est-il envisageable ? Je pense que Chahed penchera plutôt vers sa famille politique naturelle, mais tous les scénarios aujourd'hui restent envisageables... * Le chef du gouvernement, Youssef Chahed a-t-il le droit de se présenter aux élections présidentielles de 2019 ? Comme tout Tunisien bénéficiant de ses droits civiques et politiques il a bien entendu le droit. * Quelles sont vos réponses aux problématiques économiques et sociales du pays ? Machrou Tounès a organisé une multitude de séminaires et conférences autour de différentes problématiques de ce genre : loi de finances, problème des ressources hydrauliques, retraités, redressement des caisses sociales... les mots-clés restent pour nous : des responsables compétents et courageux capables de prendre des décisions, une action qui s'inscrit dans le cadre d'une stratégie et d'un programme clairs avec des objectifs mesurables en valeur et dans la durée et ainsi évaluables, entamer les grandes réformes, engager un dialogue social sérieux et stratégique avec les acteurs sociaux du pays ( UGTT , UTICA)...