Il n'est jamais assez de le dire que le flou règne au sommet de l'Etat, surtout avec le conflit ouvert entre un président qui a obtenu sa légitimité grâce à un nombre d'électeurs écrasant, et un président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) qui a installé son quartier général dans l'Hémicycle, pour opérer en tant que chef du mouvement islamiste Ennahdha, en plus d'un président du gouvernement qui tente de satisfaire l'un et l'autre. Ainsi, avec un mode de scrutin anachronique et dépassé qui a été abandonné par d'autres pays des plus démocratiques, un système de gouvernance hybride, un déficit de communication et un conflit de légitimité, le pays n'a pas de grandes chances d'aller beaucoup plus loin dans son développement et son redressement économique, au grand dam des citoyens qui risquent de ruer dans les brancards. Commentant le système politique tunisien, Jean Louis Debré, président du conseil constitutionnel français, avait jugé qu'avec un système pareil, « la Tunisie va à sa ruine, avec un pouvoir faible et émietté ». Conséquence, le paysage politique tunisien est loin d'être enchanteur et le meilleur exemple est cette « histoire » d'avion turc qui a atterri à Djerba, avec une cargaison d'aides médicales pour la Tunisie et… la Libye. Et, là on a le droit de s'interroger sur ces initiatives qui se succèdent de la part d'Ankara, pour faire de la Tunisie une tête de pont pour « des aides à la Libye », sachant qu'il est impossible que cette opération n'avait pas été planifiée à l'avance. Tout d'abord, il est certain que ces aides ont une seule destination, alors que la Tunisie a, toujours, affirmé qu'elle se place à égale distance entre les belligérants dans la crise libyenne, et quel que soit le destinataire, elle va mécontenter l'autre partie, ce qui n'est pas dans notre intérêt. Ce qui permet de s'interroger si la Turquie ne cherche pas à impliquer d'une manière directe dans ce conflit en prenant partie pour l'un des deux camps. Ensuite, on peut estimer que cet acte n'est pas gratuit, puisque la Turquie qui a pu « introduire » des armes et des mercenaires extrémistes religieux pour combattre aux côté du gouvernement Sarraj n'est pas capable de remette elle-même ces « aides » à leurs destinataires. Il y a, certainement, anguille sous roche, et tout le monde souhaite que les Tunisiens soient édifiés sur les tenants et les aboutissants de cette affaire, en toute clarté.