La mise à la retraite obligatoire de 21 officiers de la Douane tunisienne ne cesse de défrayer la chronique et de susciter les commentaires les plus controversées de l'opinion publique, et ce, dans tous les milieux, et toutes tendances politiques confondues. C'est un problème de trop, qui ne peut qu'inquiéter davantage alors que nous commencions à espérer une certaine amélioration de cette situation de stress et de panique qu'on a vécue depuis voilà plus de trois mois, à cause de cette fâcheuse pandémie du covid-19. Amélioration, en étant optimiste, car au fond, durant toute cette période, on a pu dissocier le bon grain de l'ivraie, et faire la part des choses, entre ceux qui aiment le pays et qui ont fournis des efforts dans le seul intérêt général, et ceux qui se sont révélés sous leurs propres jours en profitant de cette situation, pour procéder à des malversations sur le dos de leurs compatriotes. Toutefois, il y a également un autre facteur à ne pas négliger, et qui fait mal au cœur : c'est cette guerre de clans et de partis politiques qui ne cesse d'aller crescendo et ce, depuis bien avant la pandémie. Les luttes au sein des institutions de l'Etat que n'a pu arrêter, ni misère des régions éloignées, ni manque des moyens pour tendre la main aux travailleurs qui ont perdu leurs emplois ou aux petites entreprises qui ont mis la clé sous le paillasson à cause du corona. C'est dans cette conjoncture qui s'aggrave de plus en plus avec des incendies criminels, que la nouvelle de la mise à a retraite obligatoire de ces officiers est tombée, par un simple communiqué du ministère des finances, et qui ajoute à ce climat morose qu'on est en train de vivre. Les tenants et les aboutissants Les 21 officiers de la douane mis à la retraite obligatoire, seraient impliqués dans opérations commerciales douteuses. Elle fait suite, à une plainte déposée par l'Instance nationale de lutte contre la corruption, (INLUCC) et ce, depuis 2017, selon ce qu'a déclaré Noura Rezgui conseillère juridique de ladite instance, précisant que « la plupart de ces officiers, sont suspectés d'avoir facilité des opérations d'importation à des hommes d'affaires influents ». Toutefois, elle avait également ajouté aux médias que « ce type d'affaires, est très souvent le fruit d'une orchestration politique et que la justice ne s'est prononcée encore sur cette affaire ». Réaction du ministère Ce n'est que trois ans plus tard que le ministère a cru bon, le 13 mai de notifier à ces officiers leur mise à la retraite obligatoire sans préciser les motifs justifiant une telle décision. Selon l'un des officiers, le colonel major Fathi Aloui, qui a déclaré au Temps que « sa mise à la retraite obligatoire lui a été notifiée par un simple coup de fil ! je suis sous le choc, dit-il, moi qui était responsable au niveau de trois gouvernorats, et tout le long de ma carrière, pas la moindre incartade n'a été enregistrée à mon encontre. J'ai écrit à mon administration, afin de me préciser les motifs de cette décision, en vain ! Car je n'ai reçu aucune réponse. Je ne vous cache pas que mes collègues et moi avons entamé à côté de la procédure sur le fond, devant le tribunal administratif pour annulation de cette décision, une procédure en référé devant le même tribunal, concernant la forme pour vice de procédure. On a confiance en tous les cas en la justice » ! Indépendance judiciaire tronquée Acceptons-en l'augure, et imaginons Sisyphe heureux comme a dit le philosophe français Camus, car nous sommes un pays de droit et nos juges sont pour la plupart enclin à appliquer la loi avec impartialité et sérénité. Dans une telle affaire il y a un défaut certain de procédure, car les officiers concernés ont droit à la communication de leurs dossiers afin qu'ils connaissent avec précision, les motifs pour lesquels ils sont impliqués. Ce qui leur donne la possibilité de bien préparer leur défense. Cette occasion ne leur a pas été fournie, d'autant plus que certains d'entre eux comme le colonel major Fathi Aloui, ont reçu une notification par téléphone. Par ailleurs cette décision qui est plutôt une mesure disciplinaire ne peut être prise sans des preuves tangibles, par lesquelles l'intéressé doit être confronté devant le conseil d'honneur avant sa traduction devant la justice. Rien de tout cela n'a apparemment été fait selon ce que déclarent la plupart des officiers concernés. Par ailleurs, la conseillère juridique de l'INLUCC a lancé en bloc, des accusations de malversations sans tenir compte de la présomption d'innocence, mais sans qu'elle ne fasse état à l'opinion publique de la moindre preuve tangiblement établie. C'est au vu de tous ces éléments que le tribunal administratif, sera appelé à statuer afin de vérifier tous les tenants et les aboutissants de cette affaire. Faire confiance à la justice certes, mais avec beaucoup de crainte face à la conjoncture de tiraillements politiques dans lesquels toutes les institutions de l'Etat ont été impliqués. Cour constitutionnelle prise en otage Le seul espoir qui nous reste c'est dans la justice qui est le meilleur garant de l'Etat de droit. La plupart des organisations et les associations de l'ordre judiciaire n'ont eu de cesse que d'appeler leurs collègues à se mettre loin de ces marchandages politiques qui ont drôlement nui au secteur judiciaire. Celui-ci reste pour le moment affecté tant qu'il n'a pas recouvré toute son indépendance, à travers ses institutions dont notamment la Cour constitutionnelle, dont la mise en fonction reste encore tributaire de ces marchandages alimentés à dessein par ceux qui veulent qu'une telle situation perdure afin de préserver leurs propres intérêts. C'est effectivement, le cas tous ceux qui aspirent à la domination en conquérant le pouvoir politique, pour présenter leur intérêts propres comme étant l'intérêt général. Cette fâcheuse confusion a toujours été la cause du déclin du pays, quel que ce soit le régime pratiqué et ce depuis bien des décennies.