LE TEMPS - A l'approche du 11ème congrès du mouvement islamiste Ennahdha, le nombre des partisans de premier rang se réduit comme peau de chagrin, autour du chef éternel. Certains des proches du président sortant veulent faire illusion, mais la situation est claire et que l'unanimité n'est pas du goût du jour. Et même ceux qui le soutiennent ne parlent plus de nouveau mandat, mais tout simplement de lui trouver une place, pour qu'il continue à participer à la direction du parti. Certes, des dirigeants du mouvement Ennahdha ont appelé, mardi, à l'impératif de tenir le 11e congrès du parti avant la fin de l'année 2020 et à entretenir un dialogue interne de manière approfondie sur les différentes questions intellectuelle, politique et stratégique relative au mouvement, mais, à part Abdelkrim Harouni et Rafik Abdesselam, tous les autres dirigeants sont de seconde ligne et ont peu d'influence. Dans un document relayé par les médias, les « dirigeants du mouvement » signataires appellent à construire des consensus solides à même de préserver l'unité du mouvement et de consolider le climat de confiance entre ses membres avant l'entame du congrès. Et cela en dit long sur les dissensions qui minent le mouvement islamiste. "Il est question de garantir l'alternance au niveau de la direction du mouvement de manière à assurer le renouvellement de ses élites conformément aux dispositions de son statut, aux usages démocratiques et à l'autorité institutionnelle. Il s'agit, aussi, de convenir d'une réforme structurelle profonde capable de répondre aux exigences de la réalité et aux besoins du pays", précisent les signataires. Dans leur requête, les dirigeants signataires ont mis l'accent sur l'importance du rôle du président du mouvement Rached Ghannouchi dans l'accompagnement efficace de la nouvelle direction du mouvement qui émanera du 11ème congrès. Ils demandent, à cet effet, de faire réussir la mission de Ghannouchi à la tête de l'Assemblée des Représentants du Peuple et à respecter les principes éthiques et le système de valeurs sur lequel s'est fondé le mouvement Ennahdha en tant que parti civil, démocratique, ayant l'islam pour référence. "L'objectif des points mentionnés dans le document est d'enrichir le dialogue interne au sein du parti. Il est question à cet effet d'œuvrer au renouvellement et au développement de l'action du parti, de fixer ses nouvelles orientations de manière à répondre aux exigences de la réalité et aux besoins du pays", indique l'un des signataires. "Il s'agit, également, de déterminer les grandes lignes du prochain congrès", a-t-il ajouté, faisant observer que le document interne du parti a été signé depuis le mois de mars 2020. Les dirigeants en question estiment que les préoccupations du mouvement Ennahdha sont profondes et qu'elles ne peuvent être réduites à une passation au niveau de la direction ou à la mise à l'écart de son président de tout rôle futur au sein du mouvement, ou encore à pousser vers le non-respect du principe de l'alternance conformément au statut du parti. Le groupe des signataires qui s'auto-appelle "groupe de l'unité et du renouveau" attire l'attention sur l'accumulation de certains "points négatifs" et erreurs commises au cours des dernières années, dont le dysfonctionnement qui a mis à mal la ligne politique, la faiblesse du "rendement institutionnel" et "le manque de discipline" de certaines figures et dirigeants du parti. "Il est clair pour tout le monde que le mouvement Ennahdha traverse un conflit interne qui ne cesse de s'aggraver depuis le 10e congrès, organisé en 2016. C'est un différend à caractère principalement organisationnel qui a conduit à un climat tendu ayant, à son tour, contribué à perturber le parti et à gaspiller beaucoup d'efforts et d'énergies", ajoutent les signataires. "Le fait que ce conflit ait été rendu largement public dans les médias représente une violation criante des traditions du parti et une atteinte à l'image du mouvement Ennahdha. Rendre public ce conflit a contribué à ancrer davantage l'image des partis et de la classe politique en générale auprès de l'opinion publique". La recrudescence des conflits internes au sein d'Ennahdha n'a pas seulement porté atteinte à l'image du parti et de sa cohésion, mais a également influé sur les grandes orientations politiques du mouvement et a empêché l'application des recommandations issues du 10e congrès, notamment en ce qui concerne la "spécialisation" et l'ouverture sur les compétences et les nouvelles catégories, en particulier les femmes et les jeunes. De nombreux observateurs de la scène politique estiment que le prochain congrès du mouvement Ennahdha constituera un tournant dans l'histoire du parti étant donné qu'il va mettre à jour le conflit au sein d'Ennahdha, un conflit autour de la gestion du pouvoir par le parti, de la succession à la tête du parti et de l'amendement ou non du règlement intérieur pour permettre à Rached Ghannouchi de conserver son statut de président. Celui qui se croit intouchable n'a pas le droit de laisser des failles, surtout que les agissements de Ghannouchi commencent à faire beaucoup de tort au travail de cette assemblée des représentant du peuple qui a pris un virage dangereux.