Tournant à pleins gaz depuis plusieurs années, la machine infernale du chômage, toutes répercussions sociales comprises, continue, incoercible, de broyer le train-train quotidien des Tunisiennes et des Tunisiens, lubrifiée, au passage, par la bêtise politique, et ravitaillée, en sus, par l'incompétence des divers gouvernements qui se sont succédés depuis 2011, et qui, à défaut de freiner des quatre fers pour ne serait-ce qu'amortir petit à petit la mécanique, ont tout bêtement essoré la poignée, en coinçant chaque jour un peu plus toute la Tunisie dans son engrenage. Fatidique et inexorable, le coronavirus n'a fait, aujourd'hui, que renfoncer le clou. La machine explose ! Selon les chiffres publiés dernièrement par l'Institut national de la statistique (INS), le taux « officiel » de chômage en Tunisie a ostensiblement augmenté, au terme du premier trimestre de 2020, c'est-à-dire à la veille du corona-fléau, faut-il le souligner, pour atteindre les 15,1% de la population active, soit un total alarmant d'environ 634 mille chômeuses et chômeurs, forcément inscrit(e)s dans les différents bureaux d'emploi éparpillés un peu partout dans le pays, contre à peu près 623 mille demandeuses et demandeurs d'emploi dénombré(e)s vers la fin de l'année 2019. Ce qui donne, au final, un peu plus de 10 mille nouvelles personnes tombées dans le chômage en l'espace de seulement trois mois ! Chômages collatéraux ! Si l'on ajoute, avec cela, à peu près moins voire quasiment autant d'âmes inactives non-inscrites, de facto, dans lesdits bureaux de travail, et donc difficilement recensables par l'INS, le taux « officieux » du chômage, pourrait aisément atteindre, à vue de nez et sur le terrain, le « 1 million » de « battal » ; un chiffre, rondelet et non moins emblématique, couramment seriné de manière quasi proverbiale par les Tunisiennes et les Tunisiens. Grande est d'ailleurs la tentation d'y rajouter encore, délicatesse oblige, tout ce beau monde de jeunes et de moins jeunes employés précaires et de « quasi-chômeurs », parmi les vacataires, les contractuels, les suppléants et autres boucheurs de trous et pompiers de service, qui fourmillent un peu partout en Tunisie. Dans ce contexte social déjà asphyxiant et sur fond d'une crise économique chronique et aigüe, doublée d'une conjoncture politique à couper les cheveux en quatre, le corona-fléau n'a pas manqué d'aggraver la situation et de renfoncer dangereusement la crise de l'emploi, en rajoutant une couche terrible à ce marasme. D'après une étude réalisée récemment par l'Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ), au moins 430 mille Tunisiennes et Tunisiens auraient perdu temporairement leurs emplois, durant la période du confinement. D'autres sources évoquent déjà près de 800 mille emplois perdus, entre cessation provisoire et arrêt définitif. Trop-plein de chômage ! Dans le même cadre, et selon l'INS, 57 % des Tunisiennes et des Tunisiens ont dû cesser momentanément de travailler durant le confinement, tandis que seulement 28% parmi eux ont pu poursuivre leurs activités, soit par présence physique, soit par télétravail, qui n'a concerné, en réalité qu'un salarié sur dix, selon la même enquête. D'autre part, 60% des salariés, en arrêt de travail, n'auraient pas perçu leur salaire, pendant cette période, toujours selon l'INS. Pire encore, environ un tiers des familles tunisiennes n'auraient perçu aucun revenu, durant le mois d'avril, tandis qu'un autre tiers auraient vu leur revenu diminuer par rapport au mois précédent. Après plus de deux mois de confinement imposé par la propagation du virus dans nos contrées, et alors que la Tunisie s'apprête à négocier le dernier virage de la présente phase du déconfinement progressif, synonyme par conséquent d'une reprise progressive des activités, en ayant comme ligne de mire la mi-juin comme date de déconfinement total, la crise de l'emploi, décidément de mal en pis, bat déjà son plein avec pertes et fracas, à l'heure où les séquelles, tant économiques que sociales et même psychologiques du corona-fléau se font terriblement sentir par les Tunisiennes et les Tunisiens ; lesquels ont, à l'heure actuelle, décidément plus peur du chômage que du coronavirus !