Comme le temps passe vite ! Le 10 juin 2003, Tahar Gharsa, le grand musicien, compositeur et non moins chanteur à la voix veloutée tirait sa révérence et contre toute attente. Une mort subite qui avait bouleversé le monde artistique. Il venait juste de boucler, trois mois auparavant, ses soixante dix ans d'existence dont plus des trois quarts ont été dédiés à la chanson et à la composition. Quoi de mieux ? Le souvenir de Si Tahar, comme l'appelaient tous ceux qui le côtoyaient, est ineffaçable pour ses élèves de l'Institut de la Rachidia, qu'il avait fréquenté depuis son enfance sous la houlette de feu Cheikh Khémais Tarnène qui lui avait passé le témoin du côté de l'«Istikhbar » inégalable sur le Oud tunisien, de ses élèves des lycées de Tunis où il avait enseigné la musique et des anciens choristes de la troupe musicale de la Radio nationale où il avait exercé durant une dizaine d'années. Et c'est d'ailleurs à travers la radio que les Tunisiens avaient découvert l'enfant prodige de la musique tunisienne par le biais de ses propres chansons qu'il avait composées ou arrangées et des « Foundou » du Malouf, à l'instar d'« El Washma », jusqu'à devenir l'un des maîtres et des Cheikhs du Malouf tunisien. Pour ce dernier, il avait composé des poèmes inédits et des plus beaux. Les « Taalilets » n'étaient pas en reste. Du côté de ses chansons, il était très généreux et très fécond. Il avait composé pour Youssef Temimi, surnommé « Chouhrour el Khadhra » : « Zina ma nagdar nousifha. » De « Machmoum el fell », à « Lil Marsa », à « Feh el ambar », à « Ya bent el khala », « Min jar alaya », « Ya shab el khima », « Sayeda », jusqu'à « Zaffar ya babour el ghorba » et surtout : « El Miguies », un titre magique qu'il avait offert à sa progéniture Zied et qui a eu un succès fou. Une chanson dont les paroles sont très anciennes et appartiennent au poète tunisien Ahmed Ben Moussa. Tahar Gharsa avait formé durant les années soixante dix du vingtième siècle avec les poètes Abdelmajid Ben Jeddou, Ridha Khouini et Abou Annada (Hamadi Ennaifar) un trio qui réécrivait et élaborait des chansons puisées du terroir de la musique tunisienne à travers l'émission télévisée du même Ben Jeddou : « Mathaf al aghani » (Le musée de la chanson.) Un grand nombre de chanteurs y avaient enregistré ces titres. De Taharr Gharsa, lui-même, à Choubeila Rached, d'Ahmed Hamza, à Kamel Raouf Nagati, de Mohamed Ahmed, à Aziza Boulabyar, d'Abdesselem Nagati, à Zouhaira Salem et on en oublie… Tahar Gharsa est parti. Son fils Zied a essayé de suivre le chemin du père en perpétuant les titres qu'il avait donné à la chanson tunisienne et les chansons qu'il avait dépoussiérées. Mais plusieurs chansons sont restées dans le cœur du regretté Tahar Gharsa qui avait cessé de battre dix ans après.