Dans la soirée ramadhanesque du 21 juillet , Zied Gharsa avait réussi à rendre un vibrant hommage à son père, Tahar Gharsa, à l'occasion du dixième anniversaire de sa mort , à travers un concert haut de gamme auquel avaient participé un orchestre composé d'une pléiade des meilleurs musiciens Tunisiens , la talentueuse Dorsaf Hamdani et le jeune prodige Zaghouanais Nadhir Baouab. Sans oublier la présence de deux figures emblématiques du Malouf Algérien Mohamed Tahar Fergani(Constantine) et Hamdi Bannani (Annaba). Quelques semaines auparavant, deux autres manifestations musicales furent également organisées en guise de reconnaissance à ce grand musicien Tunisien. Tout d'abord , la Rachidia anima le 24 juin un récital intitulé "Wafa" (Fidélité) au théâtre municipal de Tunis. Par ailleurs, la deuxième édition des Nuits du Musée de Sousse fut clôturée en véritable apothéose par un concert de grande envergure signé Zied Gharsa. Très nombreux était le public présent ce soir-là sur la belle esplanade du Musée archéologique . Fidèle à ses habitudes , Zied interpréta un bon nombre de chansons du répertoire de son père , Tahar Gharsa . Nous pensons tout particulièrement à "Machmoum el fel" et "El Ouachma" que nous écoutions régulièrement par le passé avant que nos stations radiophoniques ne deviennent colonisées par une musique autant légère qu'éphémère. Il y a dix ans et plus précisèment le 10 juin 2003, Tahar Gharsa , l'une des figures marquantes de la musique tunisienne authentique et du Malouf, tira sa révérence. Natif de 1933 à Tourbet El Bey , à la médina de Tunis. Il n'était pas descendant d'une famille artistique mais il eut la chance de connaitre prématurèment l'homme qui l'adopta tel un fils et qui n'était autre que Khémaies Ternane , l'un des symboles de notre patrimoine musical du vingtième siècle et par voie de conséquence de la Rachidia créée en 1934. S'il avait appris à jouer au luth oriental grâce à Salah Mahdi, c'est bien évidemment Ternane qui l'initia au luth Tunisien et lui apprit les Foundous,les Noubas, les Mouachahats et autres diverses curiosités du Malouf . En 1958, Am Tahar adhéra à la Rachidia qu'il côtoyait d'ailleurs depuis les années quarante. Il y enseigna , avec beaucoup de pédagogie, le luth Tunisien ainsi que les bases de la musique Arabe. Egalement, plusieurs élèves de certains établissements secondaires , de l'Ecole Normale et de l'institut National de musique profitèrent de ses énormes qualités d'enseignant. Mais il quitta la Rachidia en 1964 suite à une mésentente entre cette institution et le secrétariat aux affaires culturelles. Avant cette date, il forma sa propre troupe et , sur proposition de Taieb Mhiri, il anima plusieurs concerts au café Saf Saf à la Marsa. Et c'est son ami Hamadi Essid qui l'avait convaincu de prendre en charge la troupe de la radio nationale et ce à partir de 1966, c'est à dire deux ans après le décés de Ternane. Il y restera jusqu'en 1978. Outre son attachement inconditionnel au Malouf et à tout ce qui s'en approche en matière de richesse musicale Tunisienne ,Tahar Gharsa a tenu à composer , aussi bien pour lui-même que pour d'autres chanteurs Tunisiens , selon une ligne directrice qui en dit long sur la profondeur de ses convictions. Sa toute première composition fut un Mouachah intitulé "Ayouha Essaki Ilayka Lmouchtaka". Gharsa a composé surtout sur des paroles de Abdelaziz Hadj Taieb ( "Fah El Ambar" et une adaptation d'"El Ouachma" entre autres ), Mohamed Boudhina ("Ya Zahret Erroumman"), Mohamed Ennaifar alias Abou Ennada ("Machmoum El Fel"), El Arbi Chétioui ("Méguiès") et Ridha Khouini ( " Essanya Wilbir Winnaoura" et Hlima", sa toute dernière composition) . A propos de Mohamed Ennaifar, qui fut l'un des directeurs de la Rachidia , nous nous rappellerons toujours de la chanson qu'il avait écrite au début des années soixante sur la ville de Sousse "Ez El Bilad We Fakhraha Ya Soussa" (composée par Chadli Anouar et interprétée par Oulaya et autre Narjess). Parmi les chanteurs qui avaient interprété des compositions de Am Tahar , nous évoquons notamment Youssef Témimi , Aicha, Dorsaf Hamdani et bien évidemment Zied Gharsa (Meguiès et Hlima). Nous ne pouvons toutefois occulter son chef d'œuvre "Naouret Lakhtem". C'est au début des années quatre-vingt dix que notre Cheikh du Malouf retrouva la Rachidia où il effectua , en compagnie de Abdelhamid Belaljia , un travail de très bonne facture. Par ailleurs , moins d'une année après sa mort , plus précisément en mars 2004, le Centre des musiques Arabes et Méditerranéennes (CMAM) à Ennejma Ezzahra rendit hommage à Tahar Gharsa en éditant le CD "Istikhbar" où il est question d'un solo de Oud enregistré en octobre 1996 à l'occasion de l'ouverture des journées musicales et scientifiques " L'Oud Tunisien à la rencontre du luth Européen". Au total, à l'instar de Khémaies Ternane , Mohamed Triki, Ali Riahi et Hédi Jouini , le nom de Tahar Gharsa restera à jamais gravé dans la mémoire des Tunisiens férus de patrimoine musical . Une telle reconnaissance n'est nullement exagérée à l'égard d'un artiste humble qui avait toujours admiré ce qu'il faisait. Am Tahar disposait d'un véritable capital en terme d'archives . Il avait tout légué à son fils Zied qui , d'après nos sources , compte en dévoiler le contenu , le moment venu . Zied est autant fier de protéger et servir l'art de nos ancêtres que son prestigieux père . Et il l'a prouvé à maintes reprises. HASSEN