Il est désolant que l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) se soit transformée en un forum, où chacun des députés, en profite pour faire part de ses animosités à l'encontre de ses adversaires politiques, ce qui ne sert nullement l'intérêt général qu'il est censé défendre. Culte de la personne, à outrance Au cours de la discussion au sein de l'ARP de la motion exigeant de la France des excuses sur les crimes perpétrés en Tunisie, pendant et après la période coloniale, la plupart des députés n'ont fait que rabâcher des idées favorables au culte de la personne plutôt qu'à la défense de la souveraineté nationale. Certes, il y a eu des militants qui ont contribué à la libération du pays du joug du colonialisme, qu'il s'agisse des martyrs qui ont payé de leur vie, tels que Ali Ben Khalifa, Jarjar, Daghbaji, Farhat Hached et tant d'autres, ou des leaders, tels que Salah Ben Youssef ou Habib Bourguiba qui a certainement contribué à faire recouvrer au pays sa souveraineté. Mais la discussion, qui devait porter sur la motion elle-même, a quelque peu glissé vers les reproches mutuels sur fond d'accusations de manque de considération pour les militants dont notamment le leader Bourguiba qui a été par ailleurs carrément insulté par d'autres députés. Mais, la motion en question, si elle était votée, devait être présentée par l'Etat au nom du peuple, car c'est au peuple que les excuses sur les crimes perpétrés en Tunisie, devraient être présentées. Dans une deuxième étape, ce sont des demandes de réparations au nom du peuple tunisien, à l'Etat tunisien pour le préjudice qu'il a subi par ces crimes perpétrés depuis 1881 date de l'occupation du pays, jusqu'à 1956 date de sa libération. Principe de la légalité en question C'est donc sur cette base que l'Etat en question doit être essentiellement un Etat de droit. Autrement nous ne serons aucunement pris au sérieux. En effet, comment un Etat non soucieux des droits humains peut-il défendre les droits de ses citoyens ? Il s'agit donc d'un ordonnancement juridique dans lequel aussi bien l'Etat que l'ensemble des citoyens, sont soumis au principe de la légalité, à savoir la suprématie de la loi. Toute infraction à la loi est susceptible par son auteur d'encourir une sanction juridique. L'Etat, qui a compétence pour édicter le droit, se trouve ainsi lui-même soumis aux règles juridiques, dont la fonction de régulation est ainsi affirmée et légitimée. De ce fait, on parle de la hiérarchie des normes, en fonction des pouvoirs organisés et définis par la Constitution. Préconisant la séparation des pouvoirs, dans tout régime démocratique, celle-ci définit les compétences et les prérogatives attribuées à chacun d'eux, quoiqu'ils soient censés travailler de concert, sans qu'il y ait aucun empiètement de l'un d'eux sur les autres. Indépendance des magistrats altérée Selon la Constitution de 2014, « le pouvoir judiciaire est indépendant et garantit l'instauration de la justice, la primauté de la Constitution, la souveraineté de la loi et la protection des droits et des libertés. Le magistrat est indépendant. Il n'est soumis dans l'exercice de ses fonctions qu'à l'autorité de la loi. « Il doit être compétent, et faire preuve de neutralité et d'intégrité. Il répond de toute défaillance dans l'accomplissement de ses fonctions » C'est la raison pour laquelle, il doit jouir de suffisamment d'indépendance, afin qu'il puisse mener à bien la mission qui lui est confiée à savoir celle de rendre la justice, de manière impartiale et sans l'influence d'aucun autre ascendant que son intime conviction. Celle-ci doit être strictement liée aux seuls éléments du dossier qu'il a à examiner, et sans l'influence d'aucun autre élément extérieur. Or on assiste actuellement à une altération de plus en plus grave de l'indépendance des magistrats. Les principes juridiques tels que la présomption d'innocence, ou les exceptions de la détention provisoire, ne sont pas toujours strictement appliquées. Dans certaines affaires il y a même une irrégularité aussi bien sur le plan procédural que concernant le fond. Des affaires sensibles telles que celles concernant l'assassinat de Chokri Belaïd ou Mohamed Brahmi, traînent toujours, avec un manque de diligence notoire. Juges impliqués dans des tiraillement politiques C'est que certains magistrats ont été impliqués dans les tiraillements et les marchandages politiques. Ce qui a constitué plusieurs abus de droits et de manque de diligence dans le traitement de certaines affaires, et a encouragé par la même à la corruption et aux malversations de toutes sortes. C'est en fonction du système juridique, qu'on apprécie l'Etat de droit. Car cette notion est fondée sur des bases de droit international public, qui doit émaner d'un Etat de droit respectueux lui-même des principes de respect mutuel des droits et des libertés. Ce sont ces éléments qui auraient dû être discutés par nos chers élus, dont la plupart se sont relayés pour évoquer la mémoire des militants et faire montre de leur nationalisme, laissant de côté les problèmes actuels qu'endure le pays, et leurs vraies causes dont une grave éclipse du pouvoir judicaire. Or c'est la base de toute action que ce soit sur le plan interne ou international. Les députés se sont perdus en conjectures, chacun essayant d'enfoncer le clou pour contrer son détracteur politique. Esquives et intérêts partisans Impulsions des uns, esquive de certains autres dont les députés du mouvement Ennahdha qui ont retiré leur épingle du jeu préférant préserver les relations amicales les liant à l'Etat mis en cause dans la présente motion. Au grand dam des députés de la coalition Al Karama. Le représentant de cette coalition, était comme à l'accoutumée sûr de lui, même si sur le plan juridique il s'en mêlait les pinceaux, à propos de la demande de réparation, qui dit-il, n'est que symbolique, « étant donné le grand nombre de victimes depuis l'occupation jusqu'à l'indépendance ». Or c'est l'Etat qui se substitue au peuple pour négocier une réparation substantielle. Et c'est là où le bât blesse car il y a eu sur le plan interne des précédents en la matière. En effet qui a profité des dédommagements alloués au titre de la justice transitionnelle? Durant cette séance, certains députés sont allés jusqu'à démentir que plusieurs milliards ont été attribués à ce titre surtout aux anciens détenus de l'ancien régime, dont la plupart étaient des membres du mouvement Ennahdha. Bref, l'ambiance était plutôt houleuse, et les membres de ce mouvement n'ont pas voté en faveur de la motion en question. Ils ont exprimé ultérieurement leur inquiétude devant des initiatives du type de ladite motion, sans coordination avec les autres organes de l'Etat. Prétexte réel ou fallacieux ? On ne saurait trop quoi répondre face à une certaine absence de l'Etat de droit. Tout cela ne milite aucunement, fort héla, en faveur de l'intérêt général !