Le comité d'experts issu de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme et de la transition démocratique (HIROR), a préparé un projet de constitution qu'il a soumis à l'Assemblée Nationale Constituante (ANC). Présidé par Yadh Ben Achour, ce comité se compose d'une vingtaine de juristes spécialistes en Droit constitutionnel. Il a adopté une méthodologie fondée sur la réalité historique de la Tunisie. Quels principes a-t-il adoptés ? Quel régime politique propose-t-il ? Quelle est la place de la religion ? Quelle nature de l'Etat ? Les spécialistes qui se consacrent à la rédaction de projets de constitution peuvent s'inspirer directement des expériences étrangères et préparer un projet sur cette base. Ils peuvent partir de l'expérience tunisienne et amender leur projet en utilisant les textes et les expériences étrangères. Ce comité d'experts s'est basé sur l'histoire du Droit constitutionnel en Tunisie, les évènements politiques actuels et passés, les ambitions et les visions futures. Un premier texte a été préparé dans une première étape. Il a gagné par la suite en précisions et améliorations techniques en recourant aux expériences étrangères en matière de texte et dans la théorie. Le projet rompt définitivement avec le régime politique consacré par l'ancienne constitution tout en tenant à la continuité historique de l'Etat tunisien. Il se distingue par un caractère libéral certain dans les principes politiques fondamentaux et dans l'équilibre total entre les pouvoirs et les structures. N'étant pas un Code quelconque comme celui des Obligations et des Contrats, le projet proposé se limite aux principes fondamentaux et règles générales. Les détails sont laissés au pouvoir législatif. Cherchant la concision, le projet ne contient que 91 articles. Unité de la base juridique Par ailleurs, les instances constitutionnelles ont été simplifiées. La Constitution de 1959, a connu tellement d'amendements, qu'elle est devenue difficile à approcher en termes de structures, de procédures et de mécanismes juridiques. Ainsi, certaines instances constitutionnelles n'ont pas été gardées, comme la deuxième chambre appelée « Chambre des conseillers ». Il en est de même pour le Conseil économique et social. Par ailleurs, ce projet a repris l'unité de la base juridique. Il a aboli l'ancienne distinction entre loi fondamentale et loi ordinaire. Avec l'unification de la base juridique, le projet a introduit une nouvelle idée qui n'existe nulle part ailleurs. Il s'agit de l'unification des structures de justice spécialisée dans la justice de l'Etat. Ainsi le Conseil d'Etat réunira la Cour Constitutionnelle, le Tribunal administratif et la Cour des Comptes. Une autre nouveauté est proposée par le projet. En plus du préambule qui rappelle les principes politiques fondamentaux de la Révolution du 14 janvier, le projet propose dans son premier chapitre composé de 18 articles une Déclaration des Droits et Libertés fondamentales. Il s'agit de la protection des Droits de l'Homme et du Citoyen dans notre pays. C'est un chapitre totalement inclus dans la Constitution, contrairement au cas français où la Déclaration des Droits est placée dans le préambule. En plus de la Déclaration des Droits de l'Homme et des Libertés, le projet a adopté certains principes fondamentaux à suivre dans la direction et l'organisation des rouages de l'Etat. L'Etat est civil et démocratique. Les partis politiques ont des engagements envers l'Etat démocratique. Il est interdit d'instrumentaliser les sentiments religieux pour des objectifs politiques. Les droits de l'opposition doivent être respectés. L'administration doit être neutre. Les deniers publics doivent être protégés. Les revenus des responsables politiques doivent être transparents. Par ailleurs, tout en ayant des droits, le citoyen a des devoirs à accomplir, comme la soumission à la loi, le payement des impôts, l'exercice du service militaire, la défense de la Patrie de toute agression étrangère. Un président non dépourvu de pouvoirs Quel régime politique nous proposent les experts de ce projet ? Le projet a adopté un régime politique équilibré, mixte et à mi-chemin entre le présidentiel et le parlementaire. Il reprend du régime présidentiel, l'élection du Président de la République, directement au suffrage universel. Il n'est pas dépourvu de pouvoirs, contrairement à la situation actuelle administrée par l'organisation provisoire des pouvoirs. Il représente l'unité de l'Etat et garantit son indépendance et sa continuité. Tunisien, le Président de la République, peut être un homme ou une femme, âgé entre 40 et 70 ans. Pour éviter les candidatures fantaisistes, il doit réunir les signatures d'au moins dix mille électeurs. Il ne peut cumuler sa fonction et son appartenance à un parti politique. Il doit être au-dessus des partis. Il nomme le Chef du Gouvernement et les ministres. Il émarge les lois et ordonne leur publication au journal officiel. Il peut appeler à un référendum. Par ailleurs, le projet s'inspire aussi du régime parlementaire, en répartissant l'action politique et gouvernementale, entre la Chambre des députés et le gouvernement dirigé par un Chef du Gouvernement et non par un Premier ministre. Cherchant à instituer l'Etat de Droit, le projet propose la création d'un Conseil de la Justice de l'Etat. Il contrôle la constitutionnalité des lois, la légalité des décisions administratives et la bonne gestion financière des deniers publics. Cette instance est la plus haute institution juridique. Elle garantit l'unification de la justice de l'Etat avec ses différentes composantes, la suprématie des règles constitutionnelles et la réalisation de l'Etat de Droit. Le Gouvernement et son chef ont une place centrale dans le projet des experts. Ils sont responsables devant la Chambre des députés. Le souci d'assurer la stabilité du gouvernement est contenu dans les mécanismes de contrôle réciproque. Le Chef du Gouvernement est désigné par le Président de la République après consultation des groupes parlementaires constitués après les élections législatives. Il n'est pas nécessaire qu'il soit choisi parmi le premier parti venu, en tête. Si les tractations n'aboutissent pas à la formation du gouvernement, au bout de quatre mois, le président dissout la chambre des députés et appelle à de nouvelles élections législatives. La motion de confiance doit être votée à la majorité. En cas de rejet, le gouvernement peut démissionner ou demander au président de dissoudre la Chambre des députés. La Chambre des députés peut retirer sa confiance du gouvernement par une motion de censure qui doit être adoptée par la majorité des deux tiers. C'est une garantie de stabilité. La Chambre des députés ne peut lancer une motion de censure plus de deux fois, au cours d'un seul mandat. Ce projet de constitution vise à faire du président de la République un arbitre entre le Gouvernement et la Chambre des députés. Il lui confie certaines tâches classiques et de souveraineté, tout en l'éloignant de l'exercice quotidien de la politique gouvernementale qui revient au Gouvernement et son Chef sous le contrôle de la Chambre des députés. En matière de régime politique, et de prérogatives du Président de la République, le projet des experts n'est pas très loin de la pratique actuelle des pouvoirs. Hassine BOUAZRA ikbal samy doula76 juliejolie deracine20