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Le couronnement d'un long, riche et brillant parcours !
Publié dans Le Temps le 06 - 08 - 2020

Les promotions, les distinctions et les honneurs se suivent et ne se ressemblent pas pour l'éminent Professeur Samir Marzouki qui vient d'être promu Officier des Palmes Académiques. Cette décoration honore et récompense sa longue, riche et brillante carrière d'enseignant de français ainsi que ses nombreuses et exceptionnelles contributions à l'expansion et au rayonnement de la langue et de la culture françaises. Dans l'entretien qui suit, il revient, avec le sentiment du devoir accompli, sur son remarquable parcours et livre les impressions diverses qu'il en garde, tout en espérant pouvoir mener à terme tous ses projets d'enseignant-chercheur, d'intellectuel et de citoyen engagé.
Le Temps : Que signifie cette consécration pour vous, Professeur ?
Samir Marzouki : Comme toute décoration, c'est une marque d'estime et de reconnaissance pour une œuvre accomplie. Je ne suis pas indifférent à la reconnaissance qui, dans mon échelle personnelle de valeurs, est la vertu principale. Je juge les êtres selon leur degré de reconnaissance et je pense que c'est pareil pour les institutions. L'Ambassade de France, en 46 ans de pratique de l'enseignement et de la recherche en français, d'action associative en faveur de la langue et de la culture françaises et francophones, d'action culturelle et de responsabilité académique, m'a fait chevalier des palmes académiques, chevalier des lettres et des arts, chevalier de la légion d'honneur, officier de la légion d'honneur avant de m'accorder cette dernière distinction qui m'a fait officier des palmes académiques. L'Organisation internationale de la Francophonie, quand j'ai achevé le contrat qui nous liait, m'a offert la médaille Senghor de la Francophonie que j'ai reçue des mains du Président Abdou Diouf, mon ancien patron à l'OIF. J'ai aussi eu l'honneur, il y a quelque temps déjà, d'être fait chevalier puis officier de l'ordre de la république et chevalier du mérite éducatif par les autorités de mon pays. Je pense avoir mérité tous ces honneurs par l'engagement qui a été le mien dans tout ce que j'ai entrepris dans les domaines de l'éducation et de la culture, en Tunisie ou à l'international.
- Une telle distinction n'induit-elle pas pour vous de nouvelles responsabilités et de nouveaux engagements au sein de l'Université tunisienne, et plus largement à l'échelle de notre pays ?
- Les responsabilités qui sont les miennes et que j'assume volontiers, je pourrais presque dire qu'elles dirigent mon action quasiment depuis ma naissance. C'est ainsi que j'ai été éduqué et je demeure fidèle à cette éthique. Certes, toute reconnaissance de mon mérite ou de mes efforts me conforte dans mon engagement mais même l'ingratitude ou l'indifférence peuvent avoir sur moi le même effet. Je veux dire que mon action, dans tous les domaines où elle se manifeste, ne dépend pas de la reconnaissance de mes efforts même si cette reconnaissance, quand elle est là, fait chaud au cœur et rassure. Je poursuivrai cette action tant que j'en serai capable, bénévolement et sans attendre de récompense de quelque nature qu'elle soit. Cette action, je l'accomplis en effet par sens du devoir et je réponds toujours positivement à tous ceux qui comptent sur mon énergie, mon réseau d'amis et de connaissances, mes compétences, pourvu que ce soit utile à mon pays. Sans attendre de poste car, de ce point de vue, ma carrière est derrière moi, je demeure toujours, comme on dit, en réserve de la république.
- Sur un plan plus intime, n'est-ce pas une autre belle revanche sur l'ingratitude de certains ?
- Si on devait se soucier de l'ingratitude, on aurait beaucoup de soucis à se faire. J'ai quelquefois expérimenté cette calamité mais je dois dire que le nombre de personnes sincèrement amicales ou simplement reconnaissantes que je côtoie au quotidien dépasse de très loin les quelques ingrats qui ont essayé de me poignarder dans le dos. Je n'ai aucune revanche à prendre sur de tels rebuts de l'humanité. Qu'ils s'amusent entre eux. En revanche, je suis à mon tour très reconnaissant aux centaines de personnes qui me manifestent leur affection et leur soutien, leur solidarité et leur dévouement, amis intimes ou non, collègues, anciens étudiants, relations, tunisiens ou étrangers de pas mal de pays du monde, toutes celles et tous ceux pour qui j'ai compté ou je compte, peu ou prou.
- Loin des promotions et des honneurs qui l'ont couronné, comment évaluez- vous vous-même votre long, riche et brillant parcours d'universitaire ? A part les satisfactions, ne vous en reste-t-il pas quelques regrets et frustrations ?
- J'ai enseigné pendant 44 ans et, depuis que je suis professeur émérite, je continue à donner un cours, en agrégation, bénévolement, pour le plaisir et pour rendre service à mon département. Je n'ai jamais cessé de faire de la recherche et je continue à diriger des thèses de doctorat et à siéger dans des jurys de thèse, en Tunisie comme en France. J'ai eu, durant mon parcours, de grandes satisfactions. J'ai contribué à former des collègues brillants, la plupart capables de reconnaissance, j'ai publié 28 volumes, en français et en arabe, en Tunisie, en France, en Belgique. J'ai publié deux cents articles scientifiques dans des domaines variés, en France, en Tunisie, en Grande-Bretagne, aux USA, au Liban, au Maroc, au Japon, en Corée, sur la littérature française, la littérature francophone, la littérature comparée, la littérature générale, la didactique et même la linguistique. Je suis abondamment cité dans plusieurs ouvrages et articles. Je suis considéré comme un des meilleurs spécialistes mondiaux de l'œuvre de Guillaume Apollinaire. J'ai contribué à faire renaître l'Ecole normale supérieure de ses cendres et donné ainsi à mon pays quelques dizaines de très bons enseignants. J'ai porté haut, en Europe, en Amérique, en Afrique, en Asie, les couleurs de l'université tunisienne, par mes publications, mes conférences, mes cycles d'enseignement, mes participations aux jurys des thèses et habilitations. J'ai travaillé avec des ministres remarquables, Mohamed Charfi, Dali Jazi, Hatem Ben Othman entre autres mais j'ai eu aussi des périodes où à part mes enseignements dont il était difficile de me priver, je n'existais plus malgré mes compétences reconnues et mon expérience, le ministère m'écartant des jurys de recrutement, des commissions de réforme et autres instances universitaires. Et, le pire, c'est que cet ostracisme était dû à quelqu'un pour qui j'avais, et j'ai encore, beaucoup d'affection et à qui j'avais rendu quelques services. Mais tout cela ne compte guère, en tout cas pas au regard des satisfactions que j'ai eues à exercer ce métier et à former tant d'intelligences et tant de serviteurs de la patrie qui lui sont aussi dévoués que je l'étais et que je le suis encore. L'estime et l'affection qui me sont manifestées au quotidien par cette armée de citoyens utiles à la république compense largement les petites ou grandes déceptions que tout être humain est appelé à rencontrer dans son parcours.
- Comment vont, sous nos cieux, la francophonie, la langue française et l'enseignement du français ? Comment, par ailleurs, se présente leur avenir en Tunisie, en région méditerranéenne et dans le monde ?
- J'ai consacré quelques articles à cette question dont la réponse est complexe et doit être nuancée. L'impression générale que toute personne vivant dans le pays ou le traversant pourrait avoir est une impression de délitement du niveau de maîtrise et de pratique de la langue française. Mais ce délitement est relatif car, grâce à l'instruction publique quasiment obligatoire depuis l'indépendance, l'assiette des apprenants de français est aujourd'hui beaucoup plus large qu'elle ne l'était à l'orée de l'indépendance, lorsque j'ai moi-même commencé mes études. A cette époque, peu de gens pratiquaient le français mais ils le maîtrisaient bien. L'ascenseur social fonctionnait bien à cette même époque et la langue française était un atout majeur dans l'ascension sociale. De nos jours, l'ascension sociale est bloquée et le nombre d'apprenants excède les ressources de l'Etat. Je ne parle pas des erreurs gravissimes qui ont été commises à diverses époques par les responsables de l'éducation et qui ont éloigné de la langue française des générations d'apprenants. Cependant, si l'apprentissage du français, pour la majorité des apprenants, est aujourd'hui très problématique, l'école tunisienne forme encore une élite, peu nombreuse et, de fait, moins nombreuse qu'autrefois, mais tout aussi performante. C'est cette élite que nous disputent les pays francophones à la fin de ses études, qu'elles soient accomplies en Tunisie ou ailleurs.
Quant à l'avenir du français dans le monde, les études de l'Observatoire mondial de la langue française dont j'ai été le fondateur quand j'étais détaché auprès de l'Organisation internationale de la Francophonie et dont je suis encore membre du conseil scientifique, montrent à l'évidence que, si cette langue est concurrencée par l'anglais à travers le monde, elle ne cesse de prospérer, gagnant en nombre de locuteurs et d'utilisateurs, notamment en Afrique subsaharienne. Une appréhension objective de sa situation révèle que le tableau qu'en présentent certains idéologues, qui en font une langue moribonde, est totalement dénué de vérité.
- Un mot, enfin, sur vos projets académiques, littéraires et culturels.
- Nous parlons ici de projets. Leur réalisation dépendra de mon énergie, de ma santé, du temps que j'aurai devant moi et des circonstances, favorables ou défavorables. Sur le plan académique, outre de conduire jusqu'à la soutenance mes quelques doctorants qui n'ont pas achevé leurs thèses, il y a des participations programmées à plusieurs colloques en Tunisie et ailleurs et notamment plusieurs communications sur Albert Memmi, le grand écrivain qui nous a quittés. Il y a aussi l'organisation du congrès mondial des professeurs de français à Yasmine Hammamet en juillet prochain, congrès qui devait avoir lieu cette année mais qui a été reporté en raison de la pandémie. Je suis le président de l'Association tunisienne pour la pédagogie du français qui a été chargée par la Fédération internationale des professeurs de français dont je suis membre du conseil d'administration, de l'organisation de ce congrès. A plus longue échéance, j'ai en chantier un ouvrage sur l'amour courtois ainsi que le projet de rassembler sous forme d'ouvrages mes articles sur Guillaume Apollinaire et sur les littératures tunisienne et algérienne de langue française.
Sur le plan littéraire, je cherche un éditeur pour deux récits jeunesse achevés et je rêve encore d'avoir le temps d'organiser mon troisième recueil de poèmes Sur la descente à reculons et de le publier. J'aimerais aussi pouvoir publier les récits radiophoniques diffusés par RTCI pendant deux saisons ramadanesques sous le titre Contes du vieux retraité et qui avaient été appréciés pas de nombreux auditeurs de cette chaîne francophone.


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