* Coûts énormes ; elles ne rentrent plus dans leurs frais et, de surcroît, les intermédiaires dans le secteur se font de l'argent facile sur leur dos. Elles préfèrent dès lors se faire enrôler comme ouvrières, ailleurs... La femme tunisienne a toujours été active. Nombreuses sont celles qui travaillent aux côtés de leur mari artisan ou qui exercent une activité qui leur a été transmise d'une génération à une autre, telle que la tapisserie qui détient une large portion estimée à 70 % de l'artisanat tunisien. Assurée en sa quasi-totalité par les femmes, elle n'a plus la cote dans plusieurs régions telles que le Sahel. Les tapissières désertent le secteur pour se rabattre sur les usines de textile. Et pour cause, les prix pratiqués sur le marché local qui ne dépassent pas parfois les 160 dinars. Par contre un tapis est vendu 10 fois plus cher que son coût réel sur le marché international ou même pour le consommateur tunisien. Un secteur encore monopolisé par les intermédiaires qui imposent leurs règles aux simples artisanes. Ainsi, il est temps de restructurer la profession qui a toujours été une source de revenu pour des milliers de familles tunisiennes et qui a cessé de l'être. Faire évoluer la mentalité et préserver ainsi une activité artisanale qui risque de disparaître est d'une urgence majeure. Car, la nouvelle génération opte pour d'autres créneaux plus rentables économiquement. Pour la deuxième année consécutive, l'Office National de l'Artisanat a organisé le mois du Tapis. Une manifestation qui vise essentiellement à promouvoir ce produit riche en couleurs et englobant une histoire du pays qui remonte à des siècles. Le secteur est exercé en sa quasi-totalité par des artisanes qui ont appris les secrets du métier d'une génération à une autre. En effet, la tapisserie a toujours été une source de revenu pour la famille dans plusieurs régions, notamment le Sahel. Les femmes, mères ou jeunes filles, se consacrent patiemment pendant des mois pour nouer des milliers de mailles et fignoler un tapis de premier choix, noble et exaltante tâche. Objectif commun ; vendre le produit à un prix acceptable qui couvre les frais de la matière première et compense l'effort déployé pendant plus de trente jours. Mais la donne a changé lors des dernières années. La bourse du tapis au niveau des marchés locaux a chuté alors qu'elle se pratique à des milliers de dinars au niveau de celui international. Des conjonctures et des conditions qui ont fait fuir les femmes de cette activité, car elles n'arrivent plus à couvrir les dépenses financières ni à compenser l'effort physique déployé pour cette activité artisanale délicate et qui nécessite une mobilisation constante.
19 672 tapis exportés Les chiffres de l'Office National de l'Artisanat démontrent que 80 114 cartes professionnelles ont été accordées aux artisans œuvrant dans le secteur de la tapisserie et du textile jusqu'au mois de novembre 2007. La production nationale en la matière s'élève à 87 761 unités toujours d'après la même source. En effet, 19 672 tapis et ouvrages ont été exportés tout en étant contrôlés par l'ONA, soit une superficie de 77 133 m_, réalisant ainsi des revenus de l'ordre de 11 467 446 mille dinars. Ces chiffres affichés par la direction de tutelle sont satisfaisants mais la réalité du secteur est très loin de tout ça. Incontestablement, cet artisanat a cessé d'être la source de bonheur pour les femmes mariées, les célibataires, les veuves ou même les divorcées lesquelles ne parviennent plus à subvenir aux dépenses ni à assister le mari pour les charges de la maison. La mère a toujours aidé le père dans les circonstances difficiles, lors de la rentrée scolaire ou pendant les fêtes. Elle pratique ce métier pour gagner également une somme d'argent qui sert de réserve. Mais c'est fini. Cette époque d'or où le tapis rapportait de l'argent. Sa valeur a chuté localement à cause des intermédiaires qui monopolisent le secteur et qui imposent leurs règles du jeu aux simples artisanes.
Partage des tâches C'est pour cette raison que la majorité des jeunes filles de la région ont opté pour un autre créneau, le travail dans les usines de textile en tant que simples ouvrières. Depuis longtemps, les filles qui ont abandonné leurs études à un âge précoce, se consacraient dès leur jeune âge à ce travail. Elles apprenaient les secrets de la tapisserie transmises par leurs mères ou leurs voisines pour contribuer ainsi à l'achat de leurs trousseaux de mariage. C'est une forme de partage des tâches avec les parents. Il s'agit là de l'une des plus belles époques, puisque elles ont arrêté la tapisserie qui a toujours été s rentable en terme économique. Cette frange a opté pour le travail dans les usines de textile malgré les endurances physiques et les conditions défavorables. La journée de labeur peut s'étaler même sur neuf heures -de 7 h 30 minutes jusqu'à 17 heures de l'après-midi - avec des salaires qui ne dépassent pas parfois les 250 dinars. Le travail est exténuant mais il s'agit là de la meilleure solution pour la majorité des filles essentiellement, celles qui vivent dans les villes du Sahel, où les usines de textile sont nombreuses. Si quelques unes se sont rabattues dans le textile, d'autres ont préféré de rester au foyer refusant ainsi toutes formes d'exploitation. Mais elles ont encore une grande nostalgie pour ce métier. Plusieurs femmes reprendront certainement leur activité dès que le secteur aura été restructuré et réorganisé. Il s'agit de l'un des projets de l'Office qui verra le jour dans le cadre de la concrétisation de la stratégie nationale de modernisation du secteur à l'horizon de 2016. C'est également, l'une des recommandations formulées lors de la consultation nationale sur l'artisanat qui a identifié que la solution réside dans la création des groupements d'artisanat. Une expérience qui a déjà été lancée dans des régions, dont le Kef. Mais en attendant, le secteur continue à être monopolisé par les intermédiaires et les propriétaires de boutiques d'artisanat qui vendent le tapis tunisien à des prix inimaginables. Des conduites qui ternissent l'image de notre pays qui mise sur le tourisme.