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«J'allais faire une véritable révolution au sein de l'administration pour la moderniser»
Publié dans Le Temps le 23 - 11 - 2020

p class="p1" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 13px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"Le Temps – Entretien conduit par Zouhour HARBAOUI p class="p2" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 11px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"Voici la seconde partie de l'entretien réalisé avec Chiraz Laatiri, ancienne ministre des Affaires culturelles qui évoque pour le journal Le Temps son expérience en tant que ministre des Affaires culturelles, avec tous les aléas et toutes les entraves qu'elle avait rencontré, lors de l'exercice de ses fonctions. p class="p2" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 11px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"
Que vous ont apporté les quelques mois que vous avez passés à la tête du ministère des Affaires culturelles ?
La grande question ! J'ai écrit un post quand j'ai quitté le ministère, duquel je suis sortie sereine, meilleure et grandie, parce que les six mois m'ont, aussi, permis de découvrir beaucoup de vérités sur le secteur culturel. Je savais déjà certains faits et actes avant d'y aller. Je savais où était le mal, quels étaient les dysfonctionnements de ce ministère et de ses institutions. Le défi était, essentiellement, d'arriver à poser une nouvelle gouvernance au départ.
J'ai, donc, commencé à faire le diagnostic du paysage culturel. Un état des lieux qui m'a effrayée car la crédibilité du ministère commençait à être entachée. Le rôle primordial du ministère des Affaires culturelles est d'œuvre pour restructurer le secteur, pour booster les acteurs culturels qui y travaillent, les protéger de la précarité, conduire la refonte législative, moderniser l'administration, rationaliser la politique des subventions publiques, repenser la politique d'appui et de soutien, restructurer les institutions et j'en passe. Or, j'ai fait face à une autre réalité, le ministère est réduit majoritairement à l'unique action de distribuer les subventions et les aides...
L'état des lieux a confirmé aussi la nécessité de conduire des chantiers urgents afin de sauver le ministère et de lui attribuer son rôle originel, notamment un chantier législatif pour l'amendement de certains textes de loi obsolètes ou encore la proposition de nouveaux textes indispensables pour la régulation du secteur et la protection des artistes, des freelances, et des opérateurs culturels de la précarité. La transformation digitale de l'administration culturelle est aussi un chantier urgent afin d'assurer une rupture totale avec la bureaucratie.
Aujourd'hui, dans le secteur culturel, les artistes, qu'ils soient reconnus, connus ou non, ceux qui ont une valeur artistique, ceux qui peuvent apporter un plus au pays, ceux qui peuvent être les vrais ambassadeurs de ce pays, travaillent dans leur coin en silence. Même pendant cette crise sanitaire, ils sont restés discrets. Ils ont essayé de créer, de travailler, de trouver des solutions, etc. Ils sont peu nombreux par rapport à d'autres voix qui parlent au nom du secteur culturel et du champ artistique, assimilant le ministère des Affaires culturelles au ministère des Affaires sociales et ne font que réclamer des subventions et des aides. Bien évidemment, en temps de crise comme celle que nous vivons depuis le mois de mars, apporter des solutions à la précarité est la responsabilité du gouvernement quel que soit le secteur et c'est ce que j'ai fait en créant le «Fonds de relance culturelle». Toute la question est : qui est éligible à cette aide ? A mon sens et au regard de l'expérience que j'ai vécue, il est urgent de promulguer la loi relative au statut de l'artiste qui doit différencier entre les différents acteurs de l'écosystème culturel et rétablir la notion de méritocratie dans le secteur culturel.
Je suis allée au ministère des Affaires culturelles pour discuter des politiques d'appui à la création, à la diversité culturelle, comment encourager la découverte de talents, comment participer à l'éducation à la Culture, comment faire le lien entre les générations pour créer tout un mécanisme de transmission et une vraie politique de décentralisation culturelle, développer une économie culturelle résiliente. Finalement, je me suis retrouvée presque dans un chantage aussi fataliste : «Donne-moi et je me tais. Tu ne me donnes pas je t'insulte et je te dénigre». Malheureusement, dans la Culture, il y a des sangsues qui ont pris racines et qui traient le ministère des Affaires culturelles comme une vache à lait. Cette image doit changer, autrement on ne peut pas espérer de la prospérité pour le secteur culturel. Ce dernier s'inscrit dans un tissu économique à risques et très fragilisé par la crise Covid-19.
Quelle est la problématique majeure du ministère des Affaires culturelles ?
La plus grande problématique, ces dernières années, c'est que c'est devenu un ministère de distribution de subventions aux festivals et à ceux qui crient le plus fort, qui insultent, surtout pour les faire taire. Je le dis avec beaucoup d'amertume. Comme je n'ai pas suivi cette politique, je n'ai pas été appréciée par une masse. Mon challenge était de rétablir des règles et des critères plus transparents, une vraie gouvernance.
L'un des plus gros chocs, c'est le nombre très important de free-lancers qui œuvrent dans le milieu culturel et travaillent, finalement, dans l'informel : pas de CNSS, pas de déclaration d'impôts. Et aujourd'hui, ils se retrouvent dans la précarité totale. La crise Covid-19 a révélé un grand nombre de problèmes structurels et fondamentaux. Il faut rapidement remédier à ces dysfonctionnements et proposer un texte de loi qui organise les travailleurs free-lancers et les protège de toute précarité.
L'expérience de ces six mois m'a permis de positionner, de manière très pragmatique et très objective, le secteur culturel. Un secteur culturel où il y a un paradoxe : d'un côté, cela bouillonne de compétences, de créateurs, d'artistes, de gens qui sont impressionnants dans l'innovation, dans la créativité, dans la volonté de faire, les porteurs de projets, même en dehors du Grand-Tunis, qui te donnent espoir pour le secteur culturel, et, de l'autre, des sangsues qui veulent traire le ministère, avec chantages et menaces ; cela donne une mauvaise image du ministère des Affaires culturelles et du gouvernement. L'Etat n'est pas une vache laitière. Il faut qu'il y ait une politique, une vision, des critères clairs basés sur la valeur des projets artistiques ou culturelles et sur le mérite.
Il y a beaucoup d'injustice dans la Culture, que ce soit au niveau de l'administration que du secteur. Pourtant, il y a des compétences sur lesquelles on peut compter pour conduire une vraie révolution culturelle.
Qu'avez-vous appris pendant ces six mois ?
J'ai beaucoup appris sur le secteur culturel, mais aussi sur la politique. Cette expérience m'a montré que la politique actuelle est opportuniste, elle manque de valeurs et de moralité. Le limogeage du gouvernement Elyès Fakhfakh, en plein crise sanitaire, sociale, économique sans égale, est à mon sens un vrai gâchis. Et ce sont les Tunisiens qui payent aujourd'hui le prix de cette instabilité politique. Cela prouve, aussi, que tout le paysage politique est à repenser avec plus d'intelligence et d'efficacité. Aujourd'hui, c'est un paysage qui baigne dans l'opportunisme, dans l'égoïsme, et dans la gestion des egos politiques, tout comme dans le secteur culturel. Cela ne laisse pas les gens, ni le pays avancer. Elyès Fakhfakh a été, malheureusement, victime des coups bas de la politique, qui nous laisse, aujourd'hui, face à d'autres crises.
Lors de mon passage au ministère des Affaires culturelles, j'ai, aussi, découvert des artistes ou des acteurs de l'économie culturelle que je ne connaissais que comme citoyenne. J'ai été très honorée de les avoir rencontrés. Ils sont à la fois humbles, productifs et militants. J'ai été surprise de les voir encore très engagés. Ils ont beaucoup donné à la Culture et donnent encore. Comme aussi, le courant contraire existe. Cela m'a attristée que ça existe dans le secteur culturel.
J'ai vu comment, aujourd'hui, la Culture, n'a pas encore arraché sa place dans la décision politique en tant que secteur prioritaire et indispensable pour le développement d'une nation équilibrée et construire les remparts nécessaires contre toute forme de violence, de médiocrité ou d'extrémisme.
Violences ?
Pendant ces six mois, j'ai vécu beaucoup de violences : politiques, verbales, diffamatoires, de machinations à travers la fabrication de faux dossiers, etc. Cela, en tant que tunisienne, je ne l'accepte pas ; notre ADN rejette la violence ! Cette violence, on ne peut la combattre que par la Culture. On ne peut la combattre que quand la Culture devient une composante transversale dans des différents ministères. Et c'est sur cela que je voulais travailler. La conclusion après ces six mois est que nous sommes encore loin pour imposer la Culture comme un pilier important du pays.
Avec Elyès Fakhfakh, nous allions travailler sur la politique culturelle idoine pour le pays comme nous l'avons fait pour la politique pénale. Il était prévu qu'on présente le projet au président de la République en septembre. Nous voulions montrer l'importance du secteur culturel, montrer que ce n'était pas uniquement un secteur de subventions et d'aides, etc. Nous voulions montrer l'importance de la production culturelle, de la force de création pour changer les comportements du Tunisien, pour réduire la violence, comment sauver l'enfance, comment faire entrer la Culture dans les écoles, comment permettre aux citoyens pauvres de se réconcilier avec leur quotidien, très dur par moment. Avec la Culture, on peut lui ouvrir l'esprit pour rêver et croire à l'ascenseur social. Nous pouvons établir tout une stratégie de lutte contre la pauvreté grâce à 3000 ans de patrimoine matériel et immatériel qui entoure des régions très précaires en Tunisie -un patrimoine qui a besoin d'un ministère à lui tout seul.
Vous avez déclaré, suite à votre remplacement de la fonction de ministre, que vous alliez plus vous consacrer à votre famille. Est-ce cela à dire qu'être ministre est un poste contraignant ?
Evidemment, cet aspect de la vie privée l'opinion publique et le citoyen lambda ne peuvent pas savoir : le poste de ministre est un poste où tu n'as plus de vie personnelle. La période durant laquelle j'étais à la tête du ministère était une période sensible à cause de la crise sanitaire. Les ministres travaillaient sans relâche tous les jours, même les samedis et les dimanches. Nous étions très solidaires et nous travaillions en bonne intelligence. Je pense que même s'il n'y avait pas le coronavirus, j'allais avoir le même rythme, car il y avait beaucoup de chantiers à attaquer. Je suis une femme qui me donne à fond dans tout ce que je fais. Pendant ces six mois, j'ai complètement abandonné ma famille. Je travaillais 16 heures par jour. En six mois, j'ai eu deux samedis et deux dimanches off. J'ai beaucoup travaillé avec l'administration et les responsables, à qui j'ai laissé la responsabilité des projets.
Je m'en suis voulu de ne pas m'être occupée de mes enfants et de leurs problèmes d'étudiants, parce que, bien après, j'ai vu leurs souffrances. Même s'ils étaient fiers de leur mère, ils ont souffert de son absence. J'ai privilégié mon devoir envers la patrie. Après mon départ du ministère, j'ai demandé pardon à mes enfants et j'ai longuement discuté avec eux en leur expliquant que je travaillais pour mon pays et que c'était pour une noble cause.
Est-ce que cela rapporte d'être ministre ?
Beaucoup de gens pensent qu'être ministre cela rapporte beaucoup d'argent, beaucoup d'avantages et de privilèges. Pour moi, rien n'a changé dans ma vie. Je percevais un salaire de ministre qui, pour moi, n'est pas loin d'un salaire de professeur de l'enseignement supérieur. J'avais une voiture de fonction avec chauffeur, certes, mais il faut comprendre qu'après 16 heures de travail, j'étais incapable de conduire. Ce n'est pas du tout un prestige. Les gens nous jugent sur des pelures, qui n'ont aucune importance face aux efforts que fait un ministre. Il y avait même des ministres à qui cela arrivait de dormir au sein de leurs ministères. Il m'arrivait de rentrer à 1h00 du matin et de continuer à discuter avec les autres ministres via une application mobile, jusqu'à tard. Pour que les gens comprennent, il faut, peut-être, réaliser un reportage sur la journée d'un ministre. Toute ton énergie, tu la mets dans ta fonction de ministre. Quand je suis arrivée au ministère, il n'y avait pas de dialogues. C'était plus des guerres intestines. Il a fallu rétablir la confiance en interne pour avancer dans un climat sain.
Cette expérience m'a forgée sur les plans psychologique, émotionnel et politique. J'ai beaucoup appris sur l'être humain, l'archétype du Tunisien, comment il peut être très bon, mais, aussi, très mauvais. Ce que j'ai vécu me fait dire qu'en Tunisie il y a la force du bien et la force du mal. Je voulais toujours que la force du bien gagne. Mais, finalement, c'est la force du mal qui est la plus forte. Il faut voir comment est tombé le gouvernement d'Elyes Fakhfakh et tout ce que l'on a subi. Je pense que ces expériences m'ont, aussi, appris à être moins naïve, que je dois me protéger de la force du mal, que je dois aussi, peut-être, me défendre. C'est important de gagner en maturité et en expérience.
Si l'on vous proposait de nouveau le poste de ministre de la Culture, accepteriez-vous ?
Beaucoup de gens m'ont posé cette question. Evidemment, la réponse est non. Pour plusieurs raisons. La première, fondamentale pour moi, est que ce paysage politique est devenu trop toxique. Et je sais, pertinemment, qu'aucun ministre ne pourra construire dans un tel paysage de discordes, de disputes, de querelles, etc. Il n'y a plus d'éthiques en politique. Je ne peux pas travailler dans une ambiance où la morale fait défaut, dans un paysage où il y a beaucoup de violence ; violence qui peut te toucher dans ton équilibre psychique et dans ton intégrité. Quand on est ministre, il faut respecter tous les équilibres politiques. Et c'est ce qui s'est passé avec Elyès Fakhfakh. J'ai une bonne relation avec tout le monde dans le gouvernement, avec les partis, ainsi que les députés qui ont demandé à me voir et qui sont soucieux du devenir du secteur culturel dans un temps de crise.
La deuxième raison est qu'après avoir passé six mois au ministère des Affaires culturelles, comme je l'ai déjà dit, je me suis aperçue qu'il y avait une grande force dans le secteur culturel qui ne voulait pas que le ministère évolue. Cette force est omniprésente. Elle continue de traire le ministère. Et je pense qu'aucun ministre ne peut travailler avec une force aussi malsaine qui tire vers le bas. Il faut qu'il y ait un déclic, une prise de conscience dans le secteur.
Si vous étiez restée plus longtemps en poste, quels auraient été les projets que vous auriez réalisés ?
Je suis entrée au ministère avec un projet qui avait cinq principaux axes : rétablir une confiance entre les différents secteurs de la Culture et les principaux acteurs avec l'administration et le ministère ; la décentralisation avec un accès à la Culture à tous et par tous et dans toutes les régions, en valorisant les établissements dépendant du ministère dont les bibliothèques, les centres d'art dramatiques, etc. -et le projet «Bassamat» a été fait dans cet esprit-là ; appuyer la diversité culturelle, la mettre en avant pour qu'il n'y ait plus cet esprit sectaire ; l'économie culturelle, quels sont les mécanismes que l'on doit mettre en place pour que la Culture crée une richesse ; vers une vraie réorganisation du secteur avec un arsenal législatif, avec le retrait du travail au noir, sans contrat, sans CNSS, sans déclaration. Tout cela a été posé comme fondements.
Si j'étais restée, j'aurais mis en place un vrai train de réforme. Il faut trois à quatre ans pour qu'une réforme se réalise, pour moderniser l'administration, rompre avec la bureaucratie, combler le vide juridique et proposer une refonte de la gestion des subventions publiques. J'allais faire une véritable révolution au sein de l'administration pour la moderniser.
Etre évincée de la tête du CNCI a-t-il été une frustration ?
Ma sortie du CNCI a créé une très grosse polémique. Je n'ai pas été frustrée. Je ne conteste pas qu'un ministre retire un directeur général. C'était son droit le plus absolu. Les problèmes avec Mohamed Zinelabidine ont commencé presque dès juillet 2019. Je le voyais transformer. C'était à l'époque du festival «Manarat». Après le décès de Si Néjib Ayeb, le CNCI se retrouvait avec la grande responsabilité des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) et devait soutenir l'équipe du festival. Je sentais que quelque chose allait se passer. Il y a eu l'élection présidentielle. Le premier clash très sérieux, c'est quand certaines responsables du cabinet du ministère m'ont contactée pour me demander de participer, avec des cinéastes, au meeting de Youssef Chahed. Ma réaction a été ferme ; j'ai refusé. Je trouvais que cela était une atteinte à mon intelligence et à ma liberté personnelle. Je me suis exprimée très clairement et dans le respect, comme je le fais aujourd'hui : «En agissant de la sorte, Vous ne respectez pas le principe de la neutralité de l'administration et vous n'avez pas le droit d'approcher un DG en exercice. Je ne viendrais pas au meeting et je ne voterais pas Chahed. Il ne me convainc pas». Ma réponse n'a pas plu ni à Tahya Tounès ni à Mohamed Zinelabidine. Ils n'ont rien dit jusqu'à ce que je termine les JCC. Une semaine après, j'ai été limogée. Mohamed Zinelabidine m'a envoyé un message pour me dire que j'étais libérée de mes fonctions au CNCI. J'ai été surprise par sa manière peu élégante de faire.
Ce qui m'a déçue c'est de dire que c'était moi qui avais demandé la fin de mon détachement, c'est qu'il n'a pas dit la vérité. Il n'a jamais assumé. Bon, cela m'est égal. Il y a eu une polémique autour de mon limogeage, car différents acteurs du secteur culturel ont souhaité me voir mener à terme le projet ambitieux du CNCI. Ce n'est pas le limogeage que je n'ai pas accepté, c'est le harcèlement administratif, l'abus de pouvoir. Ils m'ont fait une fin de détachement sans respecter les textes de loi qui la régissent. Je suis restée deux mois et demi sans salaire. Toute la procédure de fin de détachement a été faite, administrativement, de manière totalement erronée et toute l'affaire avec tous les détails et les justificatifs est chez l'INLUCC.
Quand les gens ont pris mon parti, même à l'international, d'autres versions de mon limogeage ont été données : affaire de corruption, mainmise de Dora Bouchoucha, pro-sioniste, etc. Il y avait toute une machine contre moi, qui, malheureusement, ne s'est jamais arrêtée et continue encore. Ceci ne m'a jamais empêché de vivre sereine et heureuse et de travailler dans le bonheur et avec abnégation. Je reste optimiste, la force du bien vaincra un jour !
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