p class="p1" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 13px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"Le Temps - Raouf KHALSI p class="p2" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 11px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"Cette longue scène où l'on voit le Président Kaïs Saïed, debout et « droit comme la justice » dicter ses directives à un Hichem Méchichi qui écoutait sans broncher, se limitant juste à hocher la tête, représente par ricochet quelque chose qui ressemblerait à tout, sauf au modèle conventionnel de ce que puisse être l'interaction au niveau de l'Exécutif à deux têtes qui prévaut dans les régimes parlementaires, ou para-parlementaire comme le nôtre. On sait que l'entente entre le Président et celui qui était destiné à être son premier ministre -dès lors que c'est lui qui l'a désigné avant de le regretter aussitôt-, on sait donc qu'elle n'est pas au beau fixe. Parce que, conforté dans ses droits par des vautours qui lui donnent l'impression de veiller sur lui et le domestiquent même, Hichem Méchichi s'est attelé à faire valoir son statut de Chef du gouvernement. Saïed pousse Méchichi à la schizophrénie Sauf que le Chef du gouvernement ne peut pas ignorer les percutantes injonctions du Chef de l'Etat, pas plus qu'il ne puisse décrypter ces rituelles allusions aux forces occultes, aux chambres noires et aux lobbys que Saïed voit partout, comme taraudé par un syndrome fantasmatique. Cette fois, le Président a intimé l'ordre à « son premier ministre » d'appliquer la loi contre ceux qui bloquent les routes et les sites de production. Il y voit même une main criminelle actionnant ces soulèvements avec, pour dessein, le démantèlement et le dépérissement de l'Etat. C'est sa façon à lui d'absoudre les perturbateurs et ces fameuses «coordinations» ayant trouvé matière à s'organiser dans son propre slogan «Le peuple veut» et dont la percussion revendicative ressemble un peu à ce mouvement des «Sans Culottes », en pleine révolution française. Aussitôt, le Chef du gouvernement s'exécutait, tenant une réunion avec les ministres des forces sécuritaires et le ministre de la justice, puisque l'usage de la force et la répression contre ces «criminels» (dixit Saïed) doit se faire avec l'aval du ministère public. Pas évident, cependant, dès lors que la réponse du Syndicat des Magistrats a été prompte et cinglante. D'abord, parce que tout l'appareil judiciaire est en grève ouverte. Ensuite, affirme le Syndicat, le ministère public n'intervient que dans les crimes de droit commun, c'est-à-dire l'atteinte aux personnes et à leurs biens. Cela sous-entend aussi que la protection des sites de production, la coupure des routes et toutes les manifestations touchant aux biens publics, restent l'apanage de l'Exécutif. Cela se discute, néanmoins. Face à une déferlante de revendications régionales jamais enregistrée dans l'Histoire de la Tunisie, nous sommes donc face à un paysage surréaliste, si ce n'est qu'il est truffé de contradictions. Contradiction, d'abord, de Hichem Méchichi qui affirmait lors de la déclaration du gouvernement, à l'ouverture de l'examen de la loi de finances, que son gouvernement ne recourra jamais à l'usage de la force face aux revendications, requinqué qu'il était par la réouverture de la vanne d'El Kamour. Maintenant, il se rétracte -sur pression du Président- et opte pour l'affrontement, au nom du prestige et la pérennité de l'Etat. Maintiendra-t-il, dès lors, le conseil des ministres prévu pour le 8 décembre et consacré à la situation de Gabès ? Dans la même dynamique, répondra-t-il à l'appel tout récent de l'UGTT de consacrer un autre conseil pour examiner la situation dans la région de Nabeul ? Ce qui est sûr, c'est que l'UGTT se dressera contre tout recours à la force publique. Hichem Méchichi est donc dans un bourbier. Et, de surcroît, il ne sait toujours pas ce que Saïed entend par «ces criminels qui veulent démanteler l'Etat». Au final, c'est la schizophrénie. Et le Conseil de sécurité nationale ? Il se trouve, en effet, que le Président de la République ne cesse de voir partout des comploteurs, voire des criminels derrière l'effervescence sociale. Mais, encore une fois, le mystère dont il drape ces déclarations rajoutent à l'angoisse des Tunisiens, déjà taraudés par un spectre existentiel et par cette pandémie dont on ne voit pas l'issue, ni l'efficience des mesures prises. Sauf que le Président qui avait vite fait de se mettre dans la psychologie du Calife Omar et auquel il s'identifie même, sous-estime l'étendue non négligeable de ses propres prérogatives -contrairement à ce qu'il y parait- ou, alors, bizarre de la part d'un Constitutionnaliste, il ne les connait pas vraiment ou qu'il refuse d'en user. Un député d'Attayar demande même au Président de dissoudre l'ARP : le Président ne le fera pas, craignant les procédures labyrinthiques que cela suppose, et qui peuvent même se retourner contre lui, pouvant même aller jusqu'à sa propre destitution. Qu'il n'aime pas cette configuration parlementaire, cela s'explique : il est le fruit d'une razzia populiste. Mais quand il parle «Etat» que visent les comploteurs et «les criminels», il se limite à la théorisation, il donne l'impression de comptabiliser les avatars de cet «Etat» dont la pérennité dépend de lui, lui en premier. La constitution, quoique biscornue, lui confère une grande latitude et une panoplie de moyens pour sauver cet «Etat» de l'effondrement. Passe encore pour l'article 82, inhérent au «péril imminent» et qui lui confère le pouvoir de légiférer en vertu de décrets lois. Il ne veut pas en entendre parler, parce que cela le mettrait dans la posture peu confortable de celui qui gouverne, alors que lui, veut juste présider et planer au-dessus des institutions. Mais, alors, puisqu'il alerte quant aux plans ourdis pour que s'effondre l'Etat, on ne saurait comprendre qu'il ne fasse pas intervenir Le Conseil de sécurité nationale, entièrement rattaché à lui et relevant de ses attributs exclusifs. Pourquoi ne le convoque-t-il pas ? Mystère, même si, par pure compilation, il se peut que la présence -de droit- du Président de l'ARP au sein du Conseil l'irrite. Même raisonnement pour la tenue d'un dialogue national : il ne se mettra pas autour d'une table avec le plus gros de la classe politique. Et si, de guerre lasse, l'UGTT renonce à cette initiative, tout ce que fera le Président, c'est d'éloigner un référent crédible. Il ne lui restera que...Nadia Akacha. «Etat», dit-il, c'est aujourd'hui une coquille vide. Et dans tout ce jeu faussement institutionnel, il est normal que le peuple ne croie plus en rien. Et comme le dit Hannah Arendt «Un peuple qui ne peut plus croire, ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et d'agir. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez». C'est juste. A la seule différence que le peuple chez nous, celui-là même qui a avalé toutes les couleuvres durant bientôt une décennie, on ne peut plus en faire ce qu'on veut ! p class="p2" style="text-align: justify; text-indent: 8.5px; font-variant-numeric: normal; font-variant-east-asian: normal; font-stretch: normal; font-size: 11px; line-height: normal; font-family: "Myriad Pro";"