A l'approche du 17 décembre 2010, date du soulèvement que la Tunisie avait connu jusqu'au 14 janvier 2011, où l'ancien Président de la République avait quitté définitivement la Tunisie vers l'Arabie Saoudite où il a rendu l'âme neuf ans plus tard, bien des spéculations demeurent sur la version des faits que l'histoire mijote à toute actualité nouvelle qui survient sur la scène nationale. Quoi qu'il en soit, nous allons appeler cela « Révolution », par simple souci méthodologique de pure forme. A quelques mois du prochain 17 décembre, bien des choses ont pris une tournure toute nouvelle. Le rapport de la Cour des comptes, et ses révélations fracassantes, on en a connu bien d'autres. Ce qui est nouveau, c'est cette détermination bien partagée de plusieurs forces politiques et sociales, quant aux suites à donner à ces révélations, portant essentiellement sur les Législatives et la Présidentielle de 2019, soit le fondement même de l'actuelle configuration politique. On a beaucoup disserté sur la légalité de l'accès de certains députés à l'Assemblée des représentants du peuple. Les révélations de la Cour des comptes, ajoutées à d'anciennes et plus récentes affaires qui font qu'au moins le tiers des membres de l'actuelle ARP ont du fil à retordre avec la Justice, pour des affaires de corruption, d'abus criminels et de fraudes multiples. Un sacré coup à la crédibilité de tous les rouages du régime politique né de cette « révolution » du 17 décembre. Aussi bien pendant la campagne électorale de 2012, que celles de 2014 et de 2019, une question a servi de leitmotiv, ou d'arme de manœuvres électorales, malgré son caractère grave aux yeux de la loi tunisienne. C'est le problème des doubles nationalités. Au final, et au terme de la fièvre électorale, les parties politiques en députation semblent à chaque fois ranger le dossier, en s'accommodant des contraintes de la réalité, comme disent les Américains : « Business must go on ». Avant que tout le monde retourne sagement à son travail. Des « vérités importées » Si Voltaire était parmi nous, il aurait écrit : Vous pouvez mentir autant que vous voulez en Tunisie. La matière de votre mensonge restera purement tunisienne, et locale. Ce qui fait de votre mensonge un exercice artisanal sans suite pour votre environnement régional et international même. Là où tout foire, c'est quand de l'étranger, vous recevez les démentis les plus cinglants à votre artisanat politique local. Et pour cause, le site de RFI (Radio France Internationale), vient de publier une information qui fera couler beaucoup d'encre, avec un meilleur éveil des médias tunisiens. Le Soudan vient d'être rayé, par les Etats Unis, de la liste des Etats qui soutiennent le terrorisme. C'est ce que le nouvel ambassadeur américain à Khartoum a déclaré pendant le weekend. Parmi les contreparties qui ont justifié cette mesure, la nouvelle équipe au pouvoir au Soudan vient d'annuler plus de deux mille cinq cents passeports octroyés à des ressortissants non-soudanais par le régime des Frères musulmans conduit par Omar El Béchir, actuellement sous les verrous. Parmi les célébrités de cette liste, la dépêche de RFI a évoqué deux noms : Celui d'Oussama Ben Laden, ancien chef d'Al Qaïda, lequel a bien séjourné au Soudan, provoquant plusieurs raids de l'aviation américaine (de Clinton) en territoire soudanais. C'est l'épisode de « l'usine des médicaments » largement partagée, non sans ironie, à travers la presse internationale de l'époque (la mi-décennie 1990). Le deuxième nom n'est autre que celui de Rached Ghannouchi, chef du parti islamiste Ennahdha, membre de l'Union des Oulémas Musulmans de Youssef Qaradhaoui, et chef de l'actuelle ARP tunisienne. Nous n'allons pas nous étendre sur les péripéties et les finalités de l'octroi de la nationalité et des passeports soudanais à certaines personnes, la totalité de l'opération était en relation directe avec la guerre en Afghanistan. Il va sans dire que la logistique militaire y était pour beaucoup. Car à cette époque, le rôle du Soudan comme base logistique dans le conflit afghan irritait au plus haut point les milieux politiques et des renseignements saoudiens. Plus encore, certaines opérations terroristes contre des cibles en Arabie Saoudite furent préparées au Soudan de Tourabi et d'El Béchir à l'époque. Jeu de passeports, jeu de masques... Moralité de l'histoire, la Tunisie se trouve actuellement avec l'un des personnages de cette guerre d'Afghanistan, à la tête de l'Assemblée des représentants du peuple, soit le premier pouvoir de cette « démocratie » naissante ! La cour des comptes certes n'a pas étalé ses sources et sa documentation, mais il est sûr qu'elle en sait quelque chose. Les bruits que le PDL (Parti destourien libre) ne cesse de soulever à l'encontre de cette situation, ubuesque et risquée au plus haut niveau, se trouvent dopés par de telles informations. Pour ceux que cela désoblige, par pragmatisme dans la plupart des cas, à l'ARP et alentours, dans toute la scène politique, ils nous restent redevables de certaines réponses à ce genre de situation. Comment accepter un « binational » (si ce n'est plus), non seulement comme député, mais comme Président du Parlement ? Depuis quelques mois, l'Arabie Saoudite a retiré son passeport à Abdelfattah Mourou, l'homme qui était assimilé par les bonnes âmes tunisiennes à la deuxième personnalité, ou homme fort, du parti islamiste Ennahdha. Aujourd'hui, c'est le président même du mouvement que l'on dévoile au grand jour, avec de tels « papiers » accablants ? Une telle situation n'est-elle pas de nature à mettre en cause la légalité même de l'ARP ? En réussissant cette manœuvre au terme du scrutin de 2019, était-il judicieux de porter Rached Ghannouchi au perchoir de l'ARP, au mépris de certains députés qui devaient leur élection à un score qui écrase le sien ? Quand on suit le grabuge créé autour de la nomination de binationaux des grandes écoles européennes aux postes de ministres, n'avait-on pas à réfléchir sur les mêmes contraintes à la tête de l'ARP ? Et en fin de compte, la Constitution de 2014 permettait-elle de tels écarts, à la tête du Législatif tunisien, entre autres ? Le contexte ne le permet pas davantage, sinon nous aurions posé plus de questions sur les réactions de l'Exécutif, les partis politiques en présence, et les forces vives de la société civile tunisienne sur de telles démarches, lesquelles constituent, sans doute, les racines du mal, imposé au peuple tunisien... un certain 17 décembre. De toute façon, le fair-play nous commande, de souhaiter à tout le monde « Bonne fête de la Révolution ». J.E.H.