Cap sur 2023/2024 ! C'est ce que l'Assemblée des représentants du peuple semble émettre comme message, à la suite de la petite vague d'arrestations qui vient d'annoncer les prémices d'un changement de « clientèle », inédit. D'ordinaire les dossiers des crimes financiers et économiques sont traités à des niveaux qui ne touchent en rien certaines « familles », moyennant une simulation payée, et négociée avec de petits boucs émissaires en mal d'allégeance sonnante et trébuchante. On a désormais en taule un ministre, un chef de parti politique « au pouvoir », que l'on s'évertue à présenter comme faisant partie de la ceinture parlementaire de l'actuel chef de gouvernement, Hichem Méchichi. Cette situation semble avoir déstabilisé sensiblement tous les blocs parlementaires, puisque chacun y est allé de sa propre initiative. Dans ce contexte, le Parti Destourien Libre, PDL continue sa « guerre de sécession » contre le parti islamiste Ennahdha et ses satellites, en présentant une « initiative de dialogue » qu'il vient d'envoyer aux différents partis pour débat et rectification. Cette initiative destourienne fait suite à celle que l'UGTT avait présentée au Président de la République, avant de la rendre publique. Une initiative par rapport à laquelle la Présidence de la République prend chaque jour un peu plus de distance. Le bloc Al Islah (la réforme) de Hassouna Nasfi aussi en a une, mais qui s'articule surtout sur la révision du Code électoral, dans la perspective des élections de 2023 ou 2024. Agitation dissimulatrice Tout ceci, pour éviter le plus important. Si la priorité de toute action nationale selon Mohsen Marzouk devrait se concentrer sur la vaccination anti Covid19 de toute la population, les blocs parlementaires semblent avoir pris un autre cap. Cela ressemble fort à une fuite en avant. En ce sens que toute l'agitation au sein de l'ARP est destinée à dissimuler l'un des dossiers les plus urgents de l'heure : Celui des députés qui ont maille à partir avec la Justice. Certains députés trainent même des jugements définitifs à des peines d'emprisonnement, assorties de demandes de levée de l'immunité, des dossiers longtemps étouffés par le chef de l'ARP et son bureau, avec l'assentiment tacite de plusieurs blocs. Des agissements qui, non seulement vont à l'encontre de la défense du principe de la souveraineté de la loi, mais mettent carrément en porte-à faux l'ARP, face aux deux autres pouvoirs fondant la République. Face à cette situation, l'ARP n'a jusqu'ici donné aucun signe de repentir ou de volonté de contribuer à faire valoir l'ascendant que la Justice doit avoir pour tous les citoyens fautifs sans exclusive. En lieu et place, les différents blocs parlementaires s'adonnent chacun à dévier l'attention de l'opinion publique, pointée, sans partage, sur la suite à donner à cette nouvelle phase politique, inaugurée par les arrestations de gens qu'elle croyait jusqu'ici au-dessus des lois. Fait encore plus troublant, aucune des initiatives mises dernièrement sur le marché ne prévoit ne serait-ce qu'un alinéa sur la Constitution de 2014, insinuant par-là, et en trait fort leur refus et donc opposition frontale avec les déclarations pertinentes que le Président Kaïs Saïed avait lâchées le long des derniers mois. Histoire de refuser tout changement ou rationalisation du régime en place. S'agissant du Code électoral, les divergences entre les différentes parties prenantes versent presque toutes dans un seul récipient : La toute légitimité aux partis politiques, comme ossature du système républicain, une perception qui exclut d'un trait toutes les instances, institutions et formations e la société civile. Le tout noyé dans le mirage d'un parti « à construire » omnipotent et omniscient, ne maquant qu'un Président ayant tous les pouvoirs d'un Calife. Une sorte de dynastie à instaurer avec les apparences démocratiques telles que vécues actuellement par certains régimes arabes médiévaux. Des bagatelles pour durer Les débats sur cette question ont toujours achoppé sur la fameuse controverse autour du seuil, lequel servirait de moyen d'exclure certains partis, en dehors du temps. En effet, comme un parti peut péricliter à l'issue d'élections corsées, un petit parti peut tout aussi bien devenir une force incontournable sur la scène politique. Exemple : Le RCD a été littéralement dissous par jugement de tribunal. Après un petit temps d'absence a éclos le PDL de Abir Moussi, lequel était perçu par l'ARP, comme une anecdote passagère. Aujourd'hui, et grâce aux désillusions nées d'une décennie d'amateurisme et d'opportunisme scandaleux, ce parti devance celui du cheikh, reçu en 2011 en prophète, avec les chansons dues à Mahomet. Cette façon, qui tend à figer la réalité sans cesse changeante, un exercice d'autant plus absurde qu'il ne résistera pas, dans les jours à venir, au sursaut d'une Justice qui semble découvrir les délices de l'indépendance. Ce qui nous fait dire que l'ARP, et les blocs qui s'y agitent, sont en train de tenter de garder leurs sièges sans aucun bilan. Sauf si l'on considère comme tels les quatre documents de crédits à l'étranger, votés en l'espace d'un an de législature « musclée », puisqu'on en est venu même aux mains à plusieurs reprises, réduisant l'image de l'ARP à une arène de toréros. Dans ce contexte, nous reste une seule lecture, laquelle pourrait expliquer le mutisme plus ou moins satisfait du Président de la République. Cette ARP n'a plus ni légitimité ni légalité. De ce fait, ce sont les dossiers judiciaires qui vont se charger prochainement d'étayer cette analyse. Des dossiers qui peuvent vider l'ARP des « corrompus » et des « conspirateurs » que le Président a toujours exclus de tout débat, pourparlers ou concertations en la chose nationale. La dissolution dans ce cas, se transformera en une ultime prière par les survivants de la purge qui s'annonce. Entretemps, l'instauration de la Cour Constitutionnelle, la révision de la Constitution de 2014, et la rédaction d'un nouveau Code électoral, se feront dans la sérénité, l'ARP étant vide de monde. La psychologie des participants sera toute autre. Parce qu'elle reposera désormais sur le double principe : Non à l'immunité, non à l'impunité devant la loi tunisienne. Bien des carrières feront désormais partie de la mauvaise histoire. J.E.H.