La nouvelle pièce « Martyr » de Fadhel Jaïbi, produite par le Théâtre National Tunisien, a été représentée dimanche dernier (27 décembre) à la salle 4è Art. C'est une adaptation de la pièce portant le même titre du dramaturge allemand Marius Von Mayenburg. Il s'agit du glissement d'un adolescent dans le radicalisme religieux. Disons de prime abord que le sujet abordé dans cette pièce est d'une importance capitale pour notre pays et notre société où depuis la Révolution un bon nombre de jeunes ont adopté les mêmes idées fanatiques et rétrogrades que celles du héros de « Martyr », un adolescent bien endoctriné par la religion qui ne jure que par les Ecritures Saintes et ne parle qu'à coups de citations de la Bible. La pièce montre comment certains jeunes peuvent adopter des positions haineuses à l'égard de ceux qu'ils considèrent comme leurs ennemis, et choisir de pratiquer des actions violentes à leur encontre. C'est donc la dénonciation du fanatisme qui constitue le thème principal de la pièce. Benjamin, le héros de la pièce, passe par une crise mystique, ce qui influe sur le quotidien du lycée où il étudie. Dès la première scène, on remarque qu'il s'entête dans le refus de ses camarades de classe qu'il considère comme différents et pervers. Alors que ses camarades de classe suivent leur cours de natation, Benjamin est en train de lire la Bible, refusant ainsi d'assister au cours sous prétexte que des filles en bikini et des garçons en maillot de bain se baignent ensemble dans la même piscine. Ce comportement rigide s'avère troublant alors qu'il commence à imposer son fondamentalisme à tout le monde autour de lui, même sur ses enseignants, sur la directrice et sur sa mère. En effet, par les questions qu'il soulève, Benjamin révèle les failles de tout un système d'éducation, qu'il soit familial, scolaire ou même théologique, au point qu'on est vite dépassé par sa force de conviction, basée sur des citations religieuses puisées dans les Ecritures Saintes qui sont pour lui des preuves indéniables et convaincantes. Son professeur (une femme) tente pourtant de le raisonner, en entamant avec lui une conversation philosophique, morale et idéologique, mais en vain. Ce comportement bizarre aux yeux de son entourage et de la société en général vient perturber l'ordinaire quotidien de l'école : les filles peuvent-elles se rendre en bikini au cours de natation ? Les cours d'éducation sexuelle ont-ils leur place au lycée ? Benjamin remet tout en cause, même la théorie de l'évolution de Darwin qu'il essaie de ridiculiser en portant un masque de singe pendant le cours de biologie. De même, il s'insurge pendant le cours d'éducation sexuelle quand le professeur use de carottes auxquelles on applique des préservatifs afin d'éviter les maladies sexuellement transmissibles chez les jeunes gens. Non aux filles, non à la science, le texte biblique (la parole de Dieu) répond à tout. Obsédé et intransigeant, il se sert alors des versets bibliques et de la religion pour contrer tous ceux qui s'opposent à lui. Ainsi, tout le monde semble céder devant son fanatisme grandissant. Dans cette pièce d'actualité, on appelle à fustiger les extrémismes religieux qui utilisent les Saintes Ecritures à la lettre pour justifier leur aberrante conduite. Aussi est-il temps de réfléchir sur ces thématiques essentielles et contemporaines. La pièce « Martyr » est produite d'après une mise en scène, dramaturgie et scénographie de Fadhel Jaïbi. Le texte du scénario est traduit par le jeune Hamza Ouertatani, qui est également metteur en scène stagiaire et assistant. Elle est interprétée par le jeune Théâtre National 2020 dans un casting qui réunit Aws Al Zubaidy, Nouha Naffeti, Malek Chafroud, May Al Salim, Clara Fetouie el Hawa, Mahdi Ayed, Siwar Abdaoui, Amen Allah Atrous et Hamza Ouertatani. Le jeu des acteurs est subtil et poignant, quoique parfois leurs paroles et leurs gestes soient choquants, pourtant conformes au contexte ! Au fur et à mesure que les scènes se succèdent, le cadre change (une piscine, une salle de classe, une église...). La musique et les lumières contribuent à l'intensité dramatique de la situation conflictuelle entre les protagonistes. H.K