Le Premier ministre avait, en vertu de la réforme constitutionnelle d'avril 1976 faisant de lui le successeur immédiat du Chef de l'Etat, beaucoup plus de prérogatives. Bourguiba affaibli par la maladie et déjà affecté par un échec de la collectivisation qui a été lourd de conséquences avait fait appel à Hédi Nouira dès le début des années 1970, qu'il nomma chef du gouvernement pour redresser la barre, notamment sur le plan économique mais également sur le plan politique. Il estimait que Ben Salah avait trahi sa confiance et il était convaincu que Nouira était qu'il fallait pour la relance économique du pays. Ce à quoi, celui-ci s'attela, en préconisant un système de libéralisme économique et en encourageant aux investissements dans les domaines industriel et commercial aussi les grandes que les moyennes et les petites entreprises. En quelques années on assista à un bond économique et un développement de plusieurs entreprises industrielles et commerciales. Cela engendra évidemment une certaine résorption du chômage, par le recrutement de travailleurs dans des entreprises privées et publiques, ce qui appela également à l'amélioration des conditions de travail tant en ce qui concerne les salaires que les droits sociaux en général, ce qui était une conséquence logique, l'évolution de l'économique appelant nécessairement et infailliblement à celle du social. Sur le plan politique, il y a eu également quelques remue-ménage, avec la constitution d'une opposition gauchiste dans un parti prolétarien baptisé « Al Amel Attounsi » qui fut toutefois maté en 1973. Mais Habib Achour qui était à la tête de l'UGTT fit appel à certains intellectuels de gauche qui furent partie du bureau exécutif. Cependant, il était aimé par Bourguiba, d'autant plus qu'il était en atome crochu avec Ben Salah notamment quand celui-ci incita à son limogeage du syndicat à l'occasion de la fameuse affaire du Ferry-boat. Habib Achour était d'autant plus soutenu par Bourguiba qu'il fut nommé membre du bureau politique du parti. Bourguiba ne manquera pas de louer les qualités de Habib Achour notamment en déclarant dans un de ces discours, à l'occasion de la conférence de l'OIT, en juin 1973. « La décoration que vous voyez, c'est la médaille d'or. C'est la centrale syndicale qui me l'a décernée et c'est Habib Achour qui me l'a épinglée... mon compagnon de lutte durant les temps des galères ». Habib Achour était, désormais, l'homme fort du syndicat, et il n'était pas du genre à se méprendre en jouant le jeu de « la chèvre et du chou », au détriment des travailleurs. Il était déjà connu pour ses positions inébranlables et pour son tempérament tenace. Commençant par l'élaboration avec les partenaires des conventions collectives qui englobèrent la majorité des champs d'activité économique afin d'accorder davantage de garanties aux travailleurs, il ne cessait d'appeler à de meilleurs droits sociaux. De son côté, Nouira essayait de composer afin de réaliser une entente entre les partenaires sociaux où seraient rassemblés tous les agents économiques en vue de la réalisation de la paix sociale. (A suivre)