Dix ans après la révolution, la situation économique est sur la corde raide. Le constat est amer. Tous les secteurs ou presque font face à des hauts et à des bas. Les difficultés financières se sont accrues considérablement. Malgré les efforts déployés depuis des années, le climat des affaires demeure, en-deçà des attentes. Tout simplement parce que les obstacles sont incalculables. Peu de choses ont été faites. Plusieurs promesses qui ne sont pas suivies d'actions concrètes pour répondre aux attentes des chefs d'entreprise. Il sied de dire également que l'instabilité politique a entravé la donne. Les opérateurs économiques ne cessent de souffrir d'un manque de visibilité. Par ailleurs, le rapport « Doing Business 2019 » du Groupe de la Banque mondiale a classé la Tunisie à la 80ème place sur 190 pays alors qu'elle était classée 42ème en 2012. Instabilité politique, sociale, sécuritaire et fiscale En ce qui concerne l'investissement dans le secteur privé, il n'est pas aussi dynamique qu'on pouvait l'espérer. Le privé ne s'aventure pas dans des opérations dont il n'est pas assuré de la réussite. La condition primordiale pour les investisseurs privés ou étrangers est incontestablement la stabilité à la fois politique et surtout fiscale. Malheureusement, cela n'a pas été le cas en Tunisie post révolution. Le taux de pression fiscale en Tunisie n'a cessé d'augmenter d'année en année, passant de 20,8% en 2016 à 25,3% en 2019, plaçant la Tunisie parmi les champions africains de la pression fiscale. Entre 2010 et 2020, la pression fiscale en Tunisie est passée de 22% du PIB à 33% du PIB aujourd'hui. La Loi de Finances pour l'exercice 2021 a unifié à 15% le taux de l'Impôt sur les Sociétés (IS) appliqué aux bénéfices réalisés à partir du 1er janvier 2021 et à déclarer au cours de l'année 2022 et des années ultérieures et ce, en remplacement des taux de 25%, 20% et 13,5%. En fait, la politique de la Banque centrale en matière de change, le manque de maîtrise du déficit budgétaire et l'absence de réformes structurelles sont autant de facteurs qui n'encouragent pas l'initiative et l'engagement dans des projets à moyen et long terme. Chiffre à l'appui : les intentions d'investissement à la fin de l'année 2019 ont baissé de 26,3% au niveau de l'industrie et 30% au niveau du secteur des services. En revanche, les intentions d'investissement dans l'industrie ont progressé de 11,2%, à 1896,9 MD et celles dans les services, de 7,8%, à 950 MD. Entre autres, les augmentations fréquentes et importantes des coûts des facteurs de production, de l'énergie et du transport affectent les conditions de gestion des entreprises, l'attractivité économique de notre pays, les choix des investisseurs locaux et étrangers et l'acte d'investissement. D'une année à l'autre, depuis la révolution, la Tunisie a perdu énormément de temps pour réaliser les réformes adéquates. Les mesures de relance économique post-révolution n'ont pas réussi à faire repartir l'investissement public Pour booster l'investissement et améliorer le climat des affaires, une nouvelle loi sur la mobilisation de l'investissement et l'amélioration du climat des affaires en Tunisie a été adoptée en 2019. Celle-ci comprend un arsenal de mesures visant la promotion du site Tunisie, la libéralisation de l'investissement dans les secteurs prioritaires, le renforcement du partenariat public-privé (PPP) et le développement de la gouvernance des entreprises commerciales. Cette loi et l'arsenal des lois promulguées dont celles de l'investissement et du PPP, de la mise en place de l'instance tunisienne de l'investissement et du conseil supérieur de l'investissement, constituent un grand pas franchi sur la voie de la simplification de la vie des investisseurs et de l'amélioration du climat des affaires, mais elle n'a pas abouti aux résultats attendus. Les mesures de relance économique prises par l'Etat après la révolution ont permis plus ou moins d'atténuer l'ampleur du fléchissement de la dynamique d'investissement privé, mais n'ont pas pour autant réussi à faire repartir l'investissement public et étranger conformément aux objectifs escomptés. La CPG ne voit pas le bout du tunnel Booster l'investissement et améliorer l'environnement des affaires demeurent tributaires de la relance de l'appareil productif. Néanmoins, la réalité est bien différente : des grèves sans cesse et des arrêts de travail en succession. Tel est le cas dans la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG) et dans plusieurs sociétés pétrolières. Il est à rappeler ainsi qu'en juin 2018, la compagnie pétrolière britannique « Petrofac » a décidé de quitter définitivement la Tunisie, en cédant ses droits du gisement gazier Chergui à la société française Perenco. La société pétrolière s'est trouvée face au mur après plusieurs grèves et sit-in. Le même scénario d'interruptions de la production se répète depuis des années au sein de la CPG et jusqu'à présent. Le secteur phosphatier est paralysé depuis des semaines. La Compagnie est au bord de l'asphyxie et on ne voit pas le bout du tunnel. Entre 2011 et 2019, le taux de production de phosphates de la Compagnie n'a jamais dépassé les 3.5 millions de tonnes par an, alors qu'il était de 8.3 millions de tonnes en 2010. 603 millions de dinars, pertes financières de la CPG au cours de la période 2011-2019 Une situation désespérée qui requiert une réaction urgente pour ranimer la compagnie. Encore plus, la production de décembre 2020, qui ne dépassait pas 35 mille tonnes, est la pire depuis 2011, étant donné que toutes les unités de production dans les délégations de Metlaoui, Mdhilla, Redeyef et Om Laarayes ont cessé leur activité. Selon les données de la Direction de la Communication de l'entreprise, cette baisse des indicateurs de production et de ventes s'est traduite par une accumulation des pertes financières subies par l'entreprise au cours de la période 2011-2019 qui se sont élevées à 603 millions de dinars. Un sursaut de conscience ... De surcroit, la propagation du Covid-19 est venue en 2020 jeter de l'huile sur le feu. L'économie nationale a subi de plein fouet le poids des incertitudes. En l'absence d'une vision claire, les entreprises et les institutions économiques et financières ont été fortement touchées. Un plan de sauvetage s'impose pour une relance économique post-Covid en Tunisie. C'est d'un sursaut de conscience que la Tunisie a surtout besoin. Pas d'autres alternatives. L'année 2021 doit être l'année de la mise en application des réformes, afin de faire sortir la Tunisie du gouffre. Bien évidemment, le salut passe en premier lieu et systématiquement par le vaccin. K.A