Des campagnes de dépistage du nouveau coronavirus réalisés dans plusieurs régions du pays ont révélé des taux de positivité allant de 20 à 60%. Du coup, certains médecins ont rapidement sombré dans un optimisme béat et estimé que la Tunisie s'approche du seuil de l'immunité collective. Mais, il y a loin de la coupe aux lèvres... A l'heure où le débat sur la durée de l'immunité acquise suite à une infection par le Covid -19 et le seuil de l'immunité collective divise la communauté scientifique, le pneumologue Lotfi Mraïhi, mercredi, que la Tunisie atteindra le seuil de l'immunité collective contre le Covid-19 avant le démarrage des campagnes de vaccination. «Nous sommes proches du seuil de l'immunité collective qui sera atteint avant l'arrivée du vaccin. Car les tests rapides réalisés au cours des dernières semaines dans les rues ont fait ressortir des taux de positivité allant de 30% à 60%», a-t-il argumenté dans une vidéo diffusé sur sa page Facebook. Le Dr. Mraïhi qui est l'un des médecins mobilisés en première ligne dans la lutte contre la pandémie a estimé que la fin de la crise sanitaire en Tunisie pourrait intervenir vers la fin du mois de février prochain. «Outre les cas confirmés par les tests PCR ou les tests rapides, une bonne partie de la population a été exposée au Sars-Cov-2 sans se rendre compte vu que huit personnes porteuses du virus sur dix ne présentent aucun symptômes », a-t-il précisé. Le pneumologue a d'autre part minimisé le risque de réinfections, notant qu'elles ne concernent que des cas isolés qui ne dépassent pas quelques dizaines à l'échelle mondiale. Loin du compte Mais les affirmations du Dr. Mraïhi ne font pas l'unanimité au sein de la communauté scientifique tunisienne. Le Professeur Amine Slim, ancien chef de service du laboratoire de virologie de l'hôpital Charles Nicolle de Tunis et actuel expert auprès de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), pense qu'il faut se méfier des conclusions hâtives basées sur l'observation ou sur des tests rapides réalisés à tort à travers et non pas sur un échantillon représentatif de la population. «Nous sommes en plein rebond épidémique de la deuxième vague. Le taux de positivité des tests PCR, qui va de 20% à 30%, signifie que nous sommes encore dans la 4ème phase de l'épidémie durant laquelle la virus circule partout et devient plutôt incontrôlable», a-t-il expliqué dans une déclaration accordé au «Temps». Et d'ajouter : «Le rebond de la deuxième vague pourrait s'expliquer par l'arrivée de nouveaux variant du virus mais rien n'est sûr. Quoi qu'il en soit, la deuxième vague pourrait s'achever vers fin février avec l'amélioration des conditions météorologiques» . Le Pr. Slim estimé qu'une troisième vague pourrait être évitée au début de l'automne prochain si la vaccination débute comme prévu durant le printemps. S'agissant du seuil d'immunité collective que la Tunisie a atteint actuellement, le virologiste se montre très prudent. «Seule une enquête épidémiologique bien conduite peut nos donner une idée précise sur le pourcentage des personnes immunisés, Il faut procéder comme dans les sondages d'opinion et réaliser des tests PCR sur un échantillon de 1000 personnes appartenant aux différentes tranches d'âge et issues de toutes régions. En ce moment-là, on aura une estimation proche de la réalité», suggère-t-il Trois hypothèses Le Pr. Amine Slim note par ailleurs que les réinfections concernent entre 5 et 10% des personnes déjà contaminés. Selon lui, trois hypothèses expliquent ces réinfections : une charge virale faible et une première infection asymptomatique ; des personnes souffrant d'un problème immunologique ; et des anticorps qui ne protègent pas contre les nouvelles souches du Covid-19. Pour rappel l'immunité collective, appelée aussi immunité de groupe ou immunité grégaire, est une situation dans laquelle une proportion suffisante d'une population est immunisée contre une maladie infectieuse par la vaccination et/ou une infection antérieure pour rendre sa propagation d'une personne à l'autre très peu probable. Plus il y a de personnes infectées, plus elles développent des anticorps contre l'infection et moins elles en contamineront de nouvelles. Avec le temps, cette immunisation collective casse la chaîne de transmission du virus et la maladie s'éteint. Le seuil de l'immunité collective varie d'un virus à l'autre. Il est par exemple de l'ordre de 83% pour la rubéole et de 94% pour la rougeole. Pour le Covid-19, les épidémiologistes évaluent ce taux à 50 et 70% de la population. W.K.