Lors de la plénière de mardi dernier, consacrée au vote de confiance devant l'Assemblée des représentants du peuple( ARP), à la nouvelle équipe gouvernementale, Hichem Mechichi était tout à fait déterminé à défendre les nouveaux ministres qu'il a choisis en étant sûr de leur compétence et surtout de leur intégrité . Cependant, il a été objecté la veille , par le président de la République Kaïs Saïed, lors de la réunion du conseil de sécurité, qu'il y a encore une fois des suspicions de corruption et de conflits d'intérêts, à l'encontre de certains nouveaux ministres et que sur cette base, la cérémonie de prestation de serment devant lui n'aura pas lieu. Eh bien malgré ces suspicions, L'ARP a approuvé le remaniement en accordant sa confiance à tous les ministres, et ce, grâce à des partis coussins de Méchichi, dont notamment Qalb Tounès, Ennahdha et Al Karama. En fait, dans son discours devant le conseil de sécurité, lundi dernier, Kaïs Saïed a procédé à une vraie admonestation de Méchichi en présence entre autres, de Rached Ghannouchi, président de l'ARP. Déplorant le manque de communication de Méchichi qui, dit-il, ne l'avait pas informé auparavant du remaniement auquel il allait procéder, il a surtout mis en exergue l'importance de collaboration et de concertation entre les deux têtes de l'exécutif afin de mieux répondre aux doléances des citoyens et de résoudre les problèmes qui les tracassent. L'Etat en tant qu'entité est responsable de toutes les catastrophes qui ont surgi par la faute, la négligence, la passivité, le manque de vigilance, l'insouciance, ou l'indolence de ses représentants. Or nous assistons depuis l'avènement du nouveau gouvernement intervenu après la chute de celui de Fakhfakh, à un conflit permanent entre les deux têtes de l'exécutif. Pourtant c'est le président de la République qui a proposé Méchichi et qui lui a demandé de composer le nouveau gouvernement. Celui-ci a commencé à courtiser les partis majoritaires à l'ARP, bien avant le vote de confiance de l'assemblée législative. En fait, et à quelques différences près, nous assistons aux mêmes conflits que ceux intervenu auparavant, entre feu Béji Caïd Essebsi, premier président de la deuxième République et le chef du gouvernement Youssef Chahed, qu'il a également lui-même choisi. Cela est dû essentiellement aux jeux pervers des partis politiques, dont notamment le mouvement Ennahdha, qui interviennent à chaque fois afin de préserver leurs intérêts propres au détriment de l'intérêt du pays. Ambiguïté de l'article 89 de la Constitution Certes la constitution de 2014, comporte beaucoup de carences concernant les prérogatives dévolues aux organes de l'Etat, et les mécanismes permettant une collaboration entre eux afin de travailler de concert, dans l'intérêt général. Parmi ces carences, l'absence de texte concernant le vote de confiance suite à un remaniement. Par contre, la prestation de serment pour les ministres est obligatoire en vertu de la Constitution. Cependant et comme l'a évoqué le président Kaïs Saïed, comment un futur ministre, objet de suspicion de corruption ou de conflits d'intérêts, peut-il prêter serment ? Ce qu'il réfute a priori et cela semble fondé, étant le garant de la bonne application de la Constitution. En vertu de celle-ci, il y a trois étapes à respecter : le vote de confiance par le parlement, la nomination par le président de la République et enfin la prestation de serment. Toutefois on est dans le cadre d'un remaniement ministériel et non dans celui de l'avènement d'un nouveau gouvernement. Fallait-il alors passer par toutes ces formalités consistant notamment à obtenir la confiance du parlement ? L'article 89 de la Constitution n'est pas clair sur ce point, car il est question dans cet article seulement de la formation d'un nouveau gouvernement. Le président garant de la continuité de l'Etat Par ailleurs le président de la République a toute la latitude d'agir afin d'obliger de nouveau le chef du gouvernement à revoir sa liste, s'il refuse de les nommer en s'opposant également à ce que les ministres objet de suspicion de corruption, de prêter serment. C'est lui en effet qui d'après l'article 72 de la Constitution, est le symbole de l'unité de l'Etat et qui «garantit son indépendance et sa continuité». Il peut de ce fait, en cas de blocage pareil, agir par les moyens qui lui sont dévolus par la Constitution et au respect de laquelle il est tenu de veiller, en vertu du même article 72 précité. D'autant plus que ceux qui continuent à semer les divisions et les adversités politiques pour des intérêts partisans, sont ceux-là mêmes qui ont tout fait pour que la cour constitutionnelle ne soit pas installée, tant qu'il ne comportera pas la composition qui soit à leurs avantages. Sachant que le tribunal administratif, ou encore l'instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des lois est encore en mesure de se prononcer sur ces points tant que la Cour n'a pas été définitivement installée. Adversité et renvoi d'ascenseur D'ailleurs, dès que le nouveau gouvernement a obtenu la confiance du parlement, un communiqué est paru à une heure tardive, pour « condamner fermement la violence verbale du bloc démocratique à l'encontre du mouvement Al Karama, en mettant en garde afin que cela ne se reproduise plus »... No comment ! Mais au fond pourquoi nourrir les animosités entre les organes de l'Etat et jusqu'où elles vont aller ? Au dépérissement de l'Etat et de ses organes ? à la déliquescence des institutions censées œuvrer pour l'essor économique et social du pays ? N'est-il pas tant de dépasser les brouilles, la hargne et la grogne, dans lesquelles le citoyen n'y est pour rien ? Le problème a toujours été malheureusement celui des personnes qui une fois au pouvoir, oublient leur devoir et ce qu'ils ont promis la veille aux citoyens. C'est la soif du pouvoir qui les rend obnubilés par la défense par tous les moyens des avantages et des intérêts privés. Ils comptent toujours sur la crédulité des citoyens qui leur ont fait confiance, oubliant qu'en agissant de la sorte ils courent infailliblement à leur propre perte. Au final, on ne sait ce qu'il va advenir de cette situation dans laquelle le président Kaïs Saïed peut refuser comme il l'a affirmé d'ailleurs la veille, que les nouveaux ministres prêtent serment devant Auquel cas, et en vertu de la Constitution, il n'entérinera pas leur nomination. Dans le cas contraire il aura une fois de plus, prêché dans le désert. A.N.