Quand la santé voire l'intégrité physique du Président de la République se trouve étalée sur la place publique, avec son cortège de commentaires, pour le moins insolites, on est bel et bien à quelques pas, au-delà de la chute. Au cours des années 1990, lors d'une réception à Téhéran, à laquelle prenait part une grande personnalité de la Sécurité tunisienne, quelqu'un de notre table n'a pas hésité à questionner le convive sur la manière que la sécurité tunisienne utilise pour traiter les menaces qui pèsent sur la personne du chef de l'Etat. La réponse a été bien édifiante. Sa réponse était la suivante : « Là, vous posez une question que le chef de l'Etat luimême n'a pas le droit de savoir. Ce chapitre, parmi tant d'autres relève des secrets de la sécurité et de l'armée. Evidemment, le Président peut à tout moment faire l'objet d'un attentat ou d'une opération d'empoisonnement par exemple. Dans ce cas, le dossier est strictement gardé secret, de la part des institutions sécuritaires et militaires compétentes, non seulement au public, mais surtout au Président de la République luimême. D'une part, cette mesure est le meilleur garant d'un travail sécuritaire serein donc efficace. D'autre part, et puisque le Président de la République est un être humain comme nous tous, nous devons tout faire pour éviter ces réactions instinctives qui peuvent porter préjudice au travail que les hiérarchies sécuritaire et militaire enchainent afin de contrer ce plan. En aucun cas le Président ne doit avoir vent de cette partie du travail sécuritaire, et ce pour une raison très simple : Il ne faut pas qu'il change ses habitudes sous la coupe de la peur d'une mort imminente. Rien qu'à le faire, il aura signifié aux milieux qui fomentent le complot qu'ils sont dévoilés et qu'ils doivent changer de tactique. Tout au plus, s'il compte effectuer un déplacement, il nous demande tout simplement de lui tracer un itinéraire que son cortège empruntera scrupuleusement, après, bien sûr, la définition du temps du déplacement. En aucun cas, il ne faut permettre au Président de faire tomber dans l'eau, par un geste involontaire, notre plan de sécurité. Ce sont là les abc d'une sécurité moderne pour ne pas dire scientifique ». Les rouages sécuritaires ne seront pas étalés au grand jour ! Et si par exemple, le Président se trouve être la cible d'une attaque au colis piégé ? La question a été posée à l'occasion de l'usage par un groupe terroriste japonais du gaz Sarin dans un train de Tokyo. La réponse du responsable était claire et concise. Le courrier du chef de l'Etat ne lui parvient guère. Il est reçu et enregistré dans le bureau d'ordre, distant de quelques dizaines de mètres du cabinet présidentiel. D'ordinaire, le courrier est ouvert et acheminé au cabinet, où il est résumé avant d'être acheminé sur un simple pense-bête au chef de l'Etat. C'est sur cette base que le courrier est dispatché aux différents départements de la Présidence de la République. Dix ans après la révolution du jasmin, et par la grâce de la Constitution de 2014, le Président de la République, a pris l'habitude d'épicer ses déclarations par des allusions devenues comme des tics verbaux sans suite. Les conspirations et les complots sont devenus la seule constante dans le discours présidentiel. Ce qui intrigue dans tout ça, c'est que le chef de l'Etat, chef des armées, des Justices et patron de tout l'arsenal répressif et des droits de l'homme du pays, s'est toujours gardé, d'une part de mettre des noms sur les parties qu'il incrimine voilà bientôt quinze mois, et de l'autre, il s'est toujours gardé de déclencher les machine d'investigation et d'analyse de l'Etat contre ces parties récalcitrantes à la démocratie nouvelle. Plus inquiétants encore, ces appels téléphoniques que le Président algérien et l'Emir du Qatar se sont empressés de faire avec le Président Kaïs Saïed, lesquels ont fini presque par internationaliser l'intégrité physique de notre Président, avec ce que cela représente comme passif pour la souveraineté du pays. Côté burlesque de cette affaire, son ébruitement en hors contexte, par un « chroniqueur » novice, et non un journaliste en titre, ce dernier n'ayant en aucun cas agi de la manière cavalière de notre chroniqueur. Une petite remarque pour finir. Il est question peut être d'une matière (un poison) qui échappe aux capacités tunisiennes d'analyse. Dans ce cas, ce sont des laboratoires mieux lotis, donc étrangers qui doivent prendre en charge ce colis, dans les cadres de la panoplie de documents consacrant la coopération sécuritaire et militaire du pays avec les Etats partenaires. La haute sécurité n'est pas sujette au débat populiste Ne nous ne faisons pas d'illusions. Nous ne saurons pas grand-chose sur ce dossier. L'on comprend l'inexpérience du département de la communication au sein de la Présidence de la République. On comprendra moins qu'un chroniqueur, et non un journaliste, mette en péril le prestige de l'institution suprême du pays. Sa sécurité même. La bonne foi en de telles situations n'existe pas, au regard de la science, qu'elle soit humaine ou exacte. Que les institutions de l'Etat reprennent la main, dans une sérénité absolue et irréprochable, afin de sauver ce qui reste de la respectabilité de cette Tunisie malade. La sécurité s'accommode mal, très mal, du populisme à deux balles. Car sa compétence est liée. Et c'est en ce sens qu'elle est impardonnable. J.E.H.