L'incompatibilité d'humeur est la pire des catastrophes entre deux époux, mêmes si ceux-ci tiennent coûte que coûte, l'un à l'autre, car avec le temps cela affecte les rapports conjugaux de manière à créer une tension telle que ces rapports finissent par dégénérer en drame. C'est pour cette raison d'ailleurs que le divorce s'avère en l'occurrence la meilleure solution, afin de mettre un terme à une relation conjugale altérée, sans heurts ni difficultés. Les époux qui nous concernent s'étaient connus incidemment, et par un pur hasard. Ne dit-on pas en effet que le hasard fait bien les choses ? Pas en l'occurrence, car l'épouse qui était très jeune, avait agi, même sans le penser, par intérêt, étant issue d'un milieu modeste, estimant trouver en cette auxiliaire médical, qui travaillait à l'hôpital, et qui était son aîné de treize ans, l'homme qu'il lui fallait pour sortir du carcan où elle se trouvait cloîtrée sous le joug d'un père autoritaire et d'une mère qui n'avait aucun pouvoir de décision , ni aucune initiative. Cela commença le jour où elle se rendit à l'hôpital accompagnée de sa mère, à la suite d'une otite. Ce jour-là sa vie allait complètement changer. Elle fut remarquée par celui qui sera plus tard son mari, et qui en fut épris. Ils discutèrent pendant quelques secondes, en cachette de la mère et il fut comblé. Rentrée à la maison, la jeune fille oublia vite son mal d'oreille qui, pourtant, la faisait souffrir. Puis les choses avaient rapidement évolué. L'auxiliaire médical s'empressa de se présenter avec sa mère, aux parents de l'heureuse élue afin de demander sa main et ils consentirent sans hésiter ni surseoir à cette demande qui les réconforta. Une année plus tard, on fêta l'heureux événement, et la jeune fille était désormais madame X. Mais avec le temps et après la naissance du troisième enfant, l'épouse commença à se lasser de la monotonie qui régnait dans leur couple. Le mari, constamment occupé par le travail, rentrait souvent tard le soir pour trouver ses enfants déjà dans les bras de Morphée. Il prenait rarement de vacances et s'il lui arrivait d'en prendre, il les passait avec ses amis au café, à jouer aux cartes ou à fumer le narguilé dont il était particulièrement féru. Ses fréquentes absences irritaient l'épouse qui changea de comportement à son égard, au point de devenir désagréable. Ce qui altéra considérablement les relations conjugales. Il commença à douter de sa fidélité et au moindre déplacement, même chez l'épicier du coin, il la mitraillait de questions. Ce qui aiguisait sa colère, et aboutissait à des scènes fréquentes et répétées. Puis, il passa à la vitesse supérieure, commençant à la battre, souvent pour des broutilles, croyant par cette façon mieux l'intimider. Il doutait fort de son comportement, et soupçonnait même une relation adultérine, mais il n'en avait pas la certitude. De son côté, l'épouse avait noué une relation amicale, et pas forcément coupable, avec un collègue de travail à son mari. Elle allait souvent à l'hôpital, à l'insu de son mari, pour lui relater ses déboires jusqu'au jour où le drame éclata. Le jour des faits, le mari sortit tôt le matin, pour aller au travail. Mais à peine était-il arrivé, qu'il fut interpellé par les agents de police, venus l'arrêter. Ses enfants étaient pris le matin de malaise. Leur mère alerta les secours et puis tomba dans les pommes à son tour. L'équipe médicale put sauver les enfants d'une mort certaine. La mère était toujours dans le coma, quand on vint arrêter le père sur ordre du procureur de la République. Il s'avéra que les enfants tout autant que leur mère, étaient victimes d'un empoisonnement par une matière toxique qu'on ne pouvait trouver que dans les laboratoires d'analyses ou les hôpitaux. L'épouse était encore sous soins intensifs. L'époux semblait tomber des nues. Pour quelle raison , en effet, empoisonnerait-il sa femme et ses enfants ? Toutefois , qui pouvait avoir, à part lui, de tels produits toxiques ? L'enquête évolua et tout semblait concorder pour corroborer l'accusation de l'époux pour tentative de meurtre sur la personne de son épouse et se ses enfants, d'autant plus que rien n'était garanti encore en ce qui concernait sa femme, qui ne s'était pas encore réveillée du coma. Des témoins avaient même déclaré devant le juge d'instruction, que cet époux qui soupçonnait sa femme d'avoir un amant la menaçait souvent de mort au cours de leurs fréquentes disputes. Mais l'accusé continuait à nier et ne faisait que clamer son innocence. Au bout de deux mois, l'épouse est enfin sortie du coma. Et la première chose qu'elle fit, quand elle reprit conscience, ce fut de demander à être entendue par le juge d'instruction. Celui-ci se déplaça à l'hôpital où elle se trouvait encore pour l'entendre. " Monsieur le juge c'est moi qui ai fait tout ça, dit-elle par une voix entrecoupée de sanglots. J'avais complètement perdu le nord et j'avais perdu tout espoir ! " -" Vous êtes sûre ? Ce n'est pas pour protéger votre mari ? " s'enquit le juge d'instruction. -" Non monsieur le juge ; ce que je vous dis c'est la pure vérité ; mon époux n'était pour rien dans tout cela. " -« comment expliquez-vous votre geste ? -« C'est par un moment de détresse que j'ai voulu en finir » -" Et de quelle façon vous avez procédé ? " -" Je me déplaçais à l'hôpital pour rencontrer le collègue de mon mari qui me conseillait souvent de me calmer et intervenait pour me concilier avec mon époux. Profitant un jour d'un moment d'inattention de sa part , j'ai emporté dans mon sac quelques produits que j'ai pris à la boîte de médicaments avant de sortir furtivement ". Ce collègue confirma, en effet, que l'épouse était venue le voir, une ou deux fois, pour lui faire part du malentendu avec son mari. Cela ne pouvait qu'en bénéficier à l'accusé, qui fut relâché, et son épouse incarcérée à sa place. Mais celle-ci était déclarée ultérieurement, pénalement irresponsable, étant sujette à des crises de démence ,de temps à autres.
Toutefois, plusieurs questions restaient sans réponse :
Le mari était-il vraiment innocent ? Quel intérêt avait l'épouse à empoisonner ses enfants et s'empoisonner elle-même ? Voulait-elle procéder à un empoisonnement collectif,de toute la famille ? A-t-elle voulu en se dénonçant, disculper son mari, dont elle avait encore besoin pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants ? Elle avait peut-être dans un moment de désespoir voulu inculper son mari au prix de sa vie et de celle de ses enfants. En tout état de cause, le mystère resta entier, tant aux mobiles qui avaient poussé l'épouse à agir de la sorte qu'à ceux qui l'ont incitée à se dénoncer pour disculper son mari.