Ils sont américains, australiens, jamaïcains, français, allemands, belges… Nés de parents chrétiens, juifs ou athées… Fraîchement convertis à l'islam le plus rigoriste par des imams extrémistes, ils ont gagné les camps d'entraînement de Bosnie et d'Afghanistan, où ils ont acquis une solide formation militaire, avant de devenir des «petits soldats du jihad» contre l'Occident mécréant. Certains sont morts dans les montagnes de Tora Bora ou en Irak. D'autres ont été arrêtés dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre le terrorisme, jugés et écroués. Leurs parcours, qui se ressemblent en plusieurs points, peuvent être résumés en deux formules: quête désespérée de soi et folie destructrice. Dans ce dixième épisode de la série, nous présentons José Padilla, un Américain natif de Brooklyn qui est poursuivi par la justice américaine pour adhésion à l'organisation terroriste Al-Qaïda. A ne pas confondre avec ses deux homonymes, le célèbre DJ des Baléares et le non moins célèbre matador espagnol.
«Jack Roche: The naive militant», avait titré ‘‘BBC News Online'', le 1er juin 2004, un portrait – signé Kate McGeown – de ce quinquagénaire converti à l'islam qui s'est pris les pieds – les mains et tout le reste – dans la toile inextricable des réseaux terroristes islamistes. A l'appui de son appréciation, la consoeur britannique a cité ce témoignage de David Wright-Neville, responsable du Programme de recherche sur le terrorisme global à l'Université Monash, à Melbourne: «Roche a été manipulé avec une grande facilité. Il était incroyablement naïf et stupide.» Pendant son audition devant le tribunal, ce dernier a donné en effet l'impression d'être en grande partie inconscient des plans qui se tramaient, bien qu'on lui ait donné la formation nécessaire au maniement des explosifs et qu'on l'a chargé de surveiller l'ambassade d'Israël. Premier résident australien à faire l'objet de poursuites en vertu des nouvelles lois antiterroristes en Australie, Jack Roche est né en 1953 dans la ville de Hull en Grande Bretagne sous le nom de Paul George Holland. Emigré en Australie en 1978, converti à l'islam en 1992, puis enrôlé par des groupes terroristes proches d'Al-Qaïda, Jack Roche a été arrêté en novembre 2002 par les autorités australiennes et déféré devant la justice de son pays. Accusé d'avoir été recruté par le réseau Al-Qaïda pour créer une cellule australienne en vue d'un attentat contre l'ambassade d'Israël à Canberra, capitale du pays, son procès s'est ouvert, le 17 mai 2004, à la Cour Fédérale de Perth (ouest), en présence d'un important dispositif de sécurité.
Il a surveillé l'ambassade israélienne à Canberra… Au cours du procès, l'accusé a d'abord réfuté les charges relatives au complot en vue d'attaquer l'ambassade israélienne et mettre en danger le personnel diplomatique de celle-ci. Mais il a changé d'avis au cours du procès pour reconnaître la plupart des charges retenues contre lui. C'est ce qui lui a valu d'être condamné, le 28 mai 2004, après seulement dix jours de délibérations, à 9 ans de prison. Le juge Paul Healy a précisé cependant que le condamné aurait droit à la liberté conditionnelle après quatre ans et demi. Ayant inscrit la sentence à la date son arrestation, en novembre 2002, Roche pourrait donc être libéré au bout de trois ans et retrouver sa femme Afifa, une indonésienne. Pendant son procès, Roche a expliqué comment il avait consenti à effectuer la surveillance de cibles visées par Al-Qaïda en Australie, notamment l'ambassade israélienne à Canberra. Il a cependant précisé qu'il n'a jamais eu l'intention d'attaquer celle-ci. Il a aussi relaté son voyage au Pakistan et en Afghanistan et livré les noms de ses contacts au sein du réseau Al-Qaïda, au Pakistan, Khalid Shaikh Muhammad, l'un des suspects dans la préparation des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, aujourd'hui aux mains des Américains. L'Australien a précisé qu'il a été envoyé au Pakistan par un certain Hambali, dont le nom réel est Riduan Isamuddin, leader de la Jamaah Islamiya au Sud-est asiatique, responsable de l'attentat de Bali, en octobre 2002, qui a fait 202 morts, dont 88 Australiens. Selon lui, l'attaque contre l'ambassade israélienne à Camberra a été reportée à la suite de différends entre le leader fondamentaliste indonésien Abu Bakar Bashir et des membres de la Jamaah Islamiya.
Et déjeuné avec Oussama Ben Laden à Kandahar C'est à la mosquée de Sydney que Roche a été approché par des membres d'Al-Qaïda. C'est dans cette mosquée aussi qu'il a commencé son travail de recrutement parmi les musulmans australiens. Il a déclaré que Hambali et Khalid Shaikh Muhammad lui ont remis la somme de 8 000 dollars pour financer le projet d'attaque contre l'ambassade israélienne. Il a ajouté qu'après son retour d'Afghanistan, ses contacts avec Al-Qaïda et la Jamaah Islamiyah se faisaient par Internet et par téléphone portable. L'Australien a affirmé aussi avoir rencontré Hambali dans une maison infestée de moustique quelque part en Malaisie et, bien plus tard, Khalid Shaikh Muhammad dans une maison à Karachi, au Pakistan, dont la salle de séjour était remplie d'hommes travaillant sur des ordinateurs. Il a ensuite fait le trajet entre Karachi à Quetta, traversé la frontière vers l'Afghanistan, avant de se retrouver dans un camp d'Al-Qaïda, situé à une douzaine de kilomètres au sud de la ville de Kandahar. C'est dans ce camp qu'il a déjeuné avec Ben Laden. Des notes écrites à la main de Hambali et Khalid Shaikh Muhammad lui ont permis de rencontrer le Saoudien. Au moment de lui serrer la main, Roche savait que l'homme était accusé par les Américains d'avoir commandité les bombardements des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, qui ont fait 231 morts en 1998.
L'idée d'un attentat pendant les Jeux Olympiques de Sydney rejetée Au cours de son séjour dans le camp afghan, Roche a aussi été interrogé de la situation en Australie et dans toute la région par un dénommé Abou Hafs. Ce dernier serait Abou Hafs Al-Masri, le pseudonyme Mohammad Atef, l'un des lieutenants de Ben Laden, mort au cours des bombardements américains en Afghanistan en 2001. «Il semblait très concerné par la situation dans le sud des Philippines, où grondait une insurrection islamique», a expliqué Roche. «Les leaders d'Al-Qaïda n'appréciaient pas le fait que l'Indonésie, la nation musulmane la plus populeuse du monde, ait un gouvernement laïc», a-t-il ajouté. Ses interlocuteurs l'ont interrogé aussi sur des cibles israéliennes possibles et sur les intérêts américains en Australie, telles que les lignes aériennes américaines. Khalid Shaikh Muhammad et Abou Hafs ont cependant rejeté l'idée, proposée par Hambali, d'un attentat qui serait organisé pendant les Jeux Olympiques de Sydney. C'est Abou Hafs qui eut l'idée, selon lui, de faire exploser une bombe posée dans camion stationné devant l'ambassade israélienne à Canberra, projet finalement annulé par Bashir dès juillet 2000. Le procès de Roche a cependant été une occasion pour mesurer l'incompétence des services de renseignement australiens (ASIO) qui n'ont pas donné suite aux nombreux appels téléphoniques de Roche cherchant à les alerter sur le projet d'attentat en cours.
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