* Il y a 700 cas de thalassémie en Tunisie. Avec la nouvelle réforme de l'assurance maladie c'est la confusion quant à la prise en charge. Mais le plus dur pour ces malades c'est le regard de la société. Le rejet. Amir, féru de piano, n'a pas droit aux « assiduités » de son prof de musique... La thalassémie est une maladie héréditaire qui touche chaque année 48 Tunisiens. Répandue dans le monde entier, sa fréquence est beaucoup plus élevée dans les pays de la Méditerranée. Il s'agit, en fait d'une maladie héréditaire qui touche les globules rouges. Elle est due à une anomalie génétique de l'hémoglobine. En Tunisie, c'est dans les régions du Nord-Ouest qu'on enregistre le nombre le plus élevé de malades et ce, à cause des mariages consanguins qui ne cessent d'ailleurs d'augmenter. Classée parmi les maladies chroniques qui coûtent cher aussi bien à la communauté qu'aux parents, elle a des conséquences lourdes sur les patients. Si l'Etat mobilise des moyens pour prendre en charge les thalassémiques, ils restent insuffisants. D'ailleurs de nouveaux problèmes ont émergé à ce niveau, plus particulièrement avec la réforme du système de l'assurance maladie. Une liste de médicaments n'est pas inscrite dans la nomenclature des maladies de longues durées, par conséquent la CNAM ne les prendra pas en charge. C'est ce qui a été soulevé mercredi aux 10èmes Journées Nationales de l'Hématologie organisées à Hammamet par la Société Tunisienne d'Hématologie en collaboration avec l'Association Joie de Vivre et (ALPHATT), Association de Lutte et de Prévention des Hémoglobines Anormales et des Thalassémies en Tunisie. Cette manifestation coïncide également avec la Journée Internationale de la thalassémie. Des patients des différentes régions du pays ainsi que leurs parents ont pris part à cette manifestation. Finalité : attirer leur attention quant à l'importance de poursuivre rigoureusement le traitement et les sensibiliser davantage pour mener une vie normale. Un objectif qui reste, quand même, difficile à atteindre pour plusieurs raisons, notamment le rejet par la société. Tel est le cas d'Amir. Il a 17 ans, élève en 2ème année secondaire, spécialité informatique. Amir, l'air timide et réservé est un adolescent qui mène une vie totalement différente des autres. Son rythme quotidien est ajusté à celui d'une maladie chronique, la thalassémie. Accompagné de sa sœur cadette et de ses parents, il a pris part aux 10ème Journées Nationales d'Hématologie, classées cette année sous le thème « Les Thalassémies », sujet qui l'intéresse énormément aussi bien que ses parents. D'ailleurs, c'est grâce à eux qu'il était là. Le père n'hésite pas à assister à ce genre de manifestations parce que c'est une occasion propice pour être mieux informé sur la maladie, les dernières nouveautés dans le domaine et essentiellement nouer des contacts avec d'autres patients. Car le vrai problème qui se pose pour cet adolescent c'est l'intégration sociale. Le jeune est carrément rejeté par ses camarades de classe et même l'environnement où il vit. Cette maladie qui entraîne des anémies hémolytiques chroniques et graves agit sur la croissance des patients et leur dynamique. Ils sont souvent fatigués par conséquent ils n'ont pas le même rythme que les gens normaux. Ainsi, sont-ils écartés de la sphère sociale, par manque de sensibilisation et d'information. C'est le cas d'Amir qui est même négligé par son professeur de musique. Passionné par le piano, le jeune compte l'abandonner. Mais heureusement qu'il y a son père à côté de lui qui le soutient moralement et matériellement. « C'est pour cette raison que j'ai tenu à ce qu'il assiste à cette manifestation », témoigne le père. « Il est important qu'il sache qu'il existe d'autres malades atteints de la thalassémie et qui mènent une vie normale », ajoute-t-il. Le père ne cache pas son mécontentement du jugement de la société vis-à-vis de ces malades. Il lance un appel aux différents intervenants dans le domaine afin de travailler davantage sur la prise en charge psychologique des patients et la sensibilisation quant à cette maladie.
Maladie lourde Mais comment la reconnaître et la traiter ? y-a-t-il des moyens de prévention ? « Les symptômes apparaissent dès les premières années de la vie et se traduisent essentiellement par une pâleur, une asthénie, un retard de croissance, une grosse rate et une sensibilité accrue aux infections », d'après les spécialistes. « Le traitement est basé essentiellement sur la transfusion répétée et régulière de sang et ce, selon le type de la maladie ». Le Pr Slah Fattoum parle de la thalassémie majeure qui « nécessite une transfusion régulière à fréquence d'une fois toutes les 3 à 5 semaines, comme il parle de la thalassémie intermédiaire. Mais là où le bât blesse est que la première forme de la maladie est plus fréquente ce qui pose plus de problèmes aux niveaux de la prise en charge, du traitement et de la transfusion du sang. « Le traitement coûte 10 mille dinars », ajoute-t-il. « C'est une maladie lourde », enchaîne le Pr. Mohamed Bejaoui, Chef de service au Centre National de Greffe de Moelle Osseuse. Et si cette maladie est classée parmi celles qui sont lourdes c'est parce qu'elle nécessite beaucoup de moyens. « Il faut la moyenne de 24 donneurs de sang chaque mois pour répondre aux besoins des malades », d'après eux. À signaler que la majorité des patients sont issus d'un milieu socio-économique défavorable ce qui pose un vrai problème pour ces gens. Ils trouvent des difficultés à assurer la prise en charge rigoureuse et continue de leurs enfants. Par ailleurs, la transfusion de sang occasionne plusieurs complications, plus particulièrement l'accumulation du fer dans la plupart des organes ce qui nécessite à son tour une chélation adéquate et régulière. Dans ce cadre, Pr, Abderrahim Khlif, chef de service d'hématologie à l'hôpital Sahloul a attiré l'attention des malades quant à l'importance d'adopter un comportement sain. « L'alimentation a un rôle pour diminuer le taux du fer dans le sang », d'après le spécialiste. Il recommande de consommer les viandes blanches, le lait est ses dérivés, le thé, et les aliments riches en vitamines E, l'huile d'olive et les légumes comme les carottes. En Tunisie, pratiquement 700 patients sont atteints de la thalassémie, cette maladie qui nécessite une meilleure prise en charge à tous les niveaux. La prévention et le diagnostic prénatal restent les meilleurs moyens pour éviter cette maladie. Mais les efforts déployés à ce niveau demeurent insuffisants.