La gratuité de l'enseignement en Tunisie a toujours favorisé l'égalité des chances entre les sexes et les régions. Le taux de scolarisation des enfants âgés de 6 ans se situe actuellement aux alentours de 99%. La poursuite des études universitaires jusqu'à un âge avancé notamment chez les filles, a même retardé l'âge du mariage. Les disparités entre les régions ont été largement réduites et ce, spécialement grâce à la scolarité et à l'enseignement. Aujourd'hui, des jeunes Tunisois poursuivent leurs études à Jendouba, des Nabeuliens sont inscrits dans une faculté à Sfax, etc. Toutefois, paraît-il, et malgré tous les efforts consentis en vue d'instaurer l'égalité des chances, les enfants défavorisés restent désavantagés à l'école. Des établissements scolaires sont, à ce jour, privés des ressources les plus élémentaires. Des enfants qui n'ont pas encore atteint les dix ans font quotidiennement des kilomètres à pied sous la pluie et dans la chaleur pour arriver à l'école. Cette image est loin d'être une scène de télé, c'est la réalité même. Alors que d'autres enfants, ayant le même âge, sont dorlotés et excessivement gâtés : ils sont accompagnés à l'école située à quelques mètres de chez eux dans une voiture de luxe alors que, d'autres enfants font de longs parcours seuls et à pied. En effet, un rapport intitulé « A View Inside Primary Schools » présente les résultats d'une enquête réalisée par l'UNESCO et menée dans 11 pays d'Amérique Latine, d'Asie et d'Afrique du Nord dont la Tunisie. L'objectif de l'enquête était d'analyser les éléments qui déterminent la qualité de l'enseignement et l'égalité des chances dans le primaire. Quelque 7600 écoles primaires sont concernées. Les enseignants et les directeurs de ces établissements ont répondu à des questionnaires se rapportant au fonctionnement des établissements scolaires, sur les méthodes pédagogiques, sur les conditions d'apprentissage et sur l'aide dont bénéficient les enseignants et les chefs d'établissements. Hendrik Van Der Pol, directeur de l'Institut des statistiques de l'UNESCO souligne dans ce rapport que l'enquête montre combien les inégalités sociales déterminent les possibilités d'apprentissage d'un enfant. Et il ajoute qu' « il est clair qu'aucun pays, qu'il soit riche ou pauvre n'échappe à ces disparités ». D'importants écarts de ressources entre écoles urbaines et rurales Le rapport montre donc, qu'il existe d'importants écarts de ressources entre écoles urbaines et rurales. En réalité, les résultats du rapport ne font que confirmer certains faits. Plusieurs établissements scolaires dans notre pays, situés dans des régions lointaines et plus précisément en milieu rural nécessitent d'importants travaux, voire une reconstruction complète. Ce problème est moins fréquent dans la capitale. Le matériel, les équipements et autres ressources sont aussi moins disponibles en milieu rural qu'en milieu urbain. D'ailleurs l'étude révèle que la Tunisie fait partie des pays dont moins de la moitié des élèves sont scolarisés dans des écoles ayant le téléphone. A peine plus de la moitié des élèves concernés par l'enquête fréquentent une école dotée d'un ordinateur. Ils sont relativement peu nombreux dans ce cas en Tunisie. En milieu rural, on tolère l'inscription des élèves dans un établissement encore en chantier, alors que dans la capitale, cela est inadmissible. A titre d'exemple, les élèves dans des établissements scolaires du centre ville de Tunis ont des salles d'informatique et des postes connectés au réseau Internet. En revanche, leurs semblables dans des établissements similaires en milieu rural n'ont même pas de téléphone et donc impossible d'avoir une connexion Internet. Tel est le cas, par exemple, d'un lycée secondaire à Bir El Kasâa, qui n'est quand même pas très loin de Tunis. Dans ce lycée, les élèves ont dû commencer l'année scolaire dans un vrai chantier avec tout le risque que cela engendrait pour la sécurité des élèves et des enseignants. Pendant, toute une année scolaire, les élèves ont été privés d'Internet et d'équipements pour faire du sport qui est pourtant une discipline notée. Le lycée est bâti loin des habitations et loin de tous les moyens de transport. Il n'y a que les chiens qui errent toute la journée dans les terrains vides avoisinants le lycée. En bref, heureusement que l'année scolaire est sur le point d'être terminée, parce que les élèves, les enseignants et le personnel administratif ont dû souffrir péniblement de septembre à ce jour. « Il est choquant de penser que les ressources dont bénéficient les élèves dépendent de l'endroit où ils vivent », souligne le rapport de l'UNESCO. L'étude montre que « la probabilité que les élèves appartiennent à des familles défavorisées est plus forte dans les villages. Ainsi, les inégalités en matière de ressources scolaires sont-elles en rapport avec les conditions socio-économiques des élèves. De ce fait, ces enfants sont doublement défavorisés puisqu'ils ont moins de ressources aussi bien à la maison qu'à l'école ». L'étude démontre aussi que les écoles qui accueillent des enfants socialement défavorisés observent habituellement chez ceux-ci une motivation moindre et davantage de problèmes de comportement. Il est vrai, qu'en Tunisie, l'enseignement est gratuit, toutefois les parents d'un tiers des élèves doivent payer les manuels scolaires. Ils doivent aussi payer les cours particuliers qui sont devenus inévitables. Et ils doivent payer les frais d'inscription à l'université ainsi que les frais de transport et du logement. Ceci sans parler des parents qui trouvent que « l'enseignement public n'est plus de qualité » et affirment qu'ils sont devenus obligés d'inscrire leurs enfants dans les écoles privées. Cela favorise, certes, l'amélioration de la qualité de l'enseignement, mais il faut aussi penser aux répercussions de ce nouveau phénomène de mode qui pourrait éventuellement favoriser l'émergence de nouveaux écarts dans la société.