* Le leitmotiv des jeunes ... Une formule pour dire : " c'est comme ça et pas autrement ". En fait, c'est une façon de voir le monde qui met en péril la relativité d'Einstein et la dialectique de Hegel. S'il est un mot qui est utilisé à longueur de journée et dans chaque discussion avec les enfants d'aujourd'hui (jeunes et moins jeunes), c'est bien le vocable " normal ", au point que ce terme a perdu son vrai sens pour être le mot passe-partout prononcé à tout bout de champ, en toute circonstance, pour justifier un mauvais comportement ou une attitude incorrecte, en famille, à l'école ou dans la rue où tout devient " normal " chez eux. Demandez à un enfant de vous expliquer pourquoi il a agi de telle ou telle manière, il vous répondra sans hésitation " c'est normal ! ", tout en assumant son acte. En effet, il est devenu tout à fait courant d'entendre des enfants prononcer de gros mots dans la rue ou se jeter des pierres sans se soucier des passants, de voir des couples enlacés en train de s'embrasser devant le lycée au vu et au su de tout le monde, des élèves utilisant leurs portables en plein cours sans aucun respect des règlements scolaires, des jeunes qui n'acceptent pas de laisser leur siège à une vieille dame ou une femme enceinte dans le train ou le bus, de toutes jeunes filles qui se permettent de venir maquillées au collège ou au lycée et passent leur temps à se voir dans leur petit miroir de poche ou à limer un ongle cassé ou à essayer un nouveau rouge à lèvres, des élèves trichant aux examens malgré les risques encourus... Si de tels agissements et d'autres encore qui vont à l'encontre de nos traditions et nos mœurs, sont considérés tout simplement comme " normaux " aux yeux de la plupart des jeunes, c'est qu'ils voient peut-être les choses à l'envers ! Un professeur de philo de terminales m'a expliqué ce fait en ces termes : " cet état d'esprit chez certains élèves et la façon de voir le monde met la philosophie en péril ; quand tout devient normal à leurs yeux, à quoi bon étudier la relativité d'Einstein ou la dialectique de Hegel ou même la théorie cartésienne ? Percevoir les phénomènes de la vie dans une perspective normale n'encourage pas les jeunes à raisonner, à argumenter, à discuter ! " Certes, il ne faut pas généraliser ; il ne faut pas mettre tous les jeunes dans le même sac. Il y a des jeunes corrects, dont les actes sont normaux (le mot est ici employé au vrai sens !) qui assument leur responsabilité et qui bougent dans le bon sens, le sens du progrès et de la prospérité de notre pays qui compte beaucoup sur leurs prouesses pour édifier un avenir meilleur de la Tunisie. En effet, il y a partout des associations dans des domaines différents créées et dirigées par des jeunes et dont on peut être fier ! Mais si la majorité de la jeunesse d'aujourd'hui se comporte d'une manière irresponsable et pour le moins qu'on puisse dire amorale et irrespectueuse, cela donne droit à quiconque de s'interroger sur l'avenir de certaines valeurs (familiales, sociales, culturelles...) qui sont la base même de notre patrimoine et de notre histoire riche en hommes exemplaires et en événements très marquants dont la jeunesse d'aujourd'hui doit s'inspirer et qu'il faut prendre comme des références immuables. Il est vrai que la jeunesse, peu expérimentée dans la vie et pleine de pulsions et d'illusions, se laissent facilement influencer par tout ce qui est moderne et nouveau. Mais toute nouveauté n'est pas toujours modernité et toute modernité n'est pas forcément un pas en avant. On peut se moderniser sans pour autant progresser ! Autrement dit, faire fi de ses propres valeurs fondamentales et les substituer par d'autres au nom de la modernité, c'est en quelque sorte abandonner le gouvernail et aller à la dérive. Quand on n'a plus honte de rien et que tout nous semble permis et " normal ", comme le prétendent les jeunes d'aujourd'hui, c'est un signe de confusion et de désengagement vis-à-vis de toutes les règles de la société. C'est cette indifférence à l'égard de ces règles et ce grand attachement aux futilités qu'il faut condamner chez la plupart des jeunes. Pourtant la jeunesse d'aujourd'hui est beaucoup plus chanceuse que celle des générations précédentes à plusieurs égards : éducation, culture, loisirs, droits et libertés. Se permettre de tout faire ou de légitimer certains actes ne rime pas toujours avec émancipation, ouverture d'esprit ou affirmation de soi dans la société ; loin s'en faut ! Une jeunesse, c'est d'abord, des principes, des actions, des engagements, des défis et des réalisations. Ce sont là les véritables caractéristiques de tous les jeunes, des atouts majeurs qu'il faut employer à bon escient pour garantir l'essor du pays. Plutôt que de s'attacher à la superficialité des choses, il faut bien s'attaquer aux vrais problèmes dont souffre la jeunesse d'aujourd'hui (formation, diplômes, chômage, droits sociaux et politiques...). Il ne faut cependant pas se désespérer tant qu'il y a des jeunes conscients, sachant distinguer entre ce qui est normal et ce qui ne l'est pas, et convaincus de leurs capacités et de la nécessité de déployer les efforts pour le bien du pays. Beaucoup de jeunes aujourd'hui, conscients de la précarité de la conjoncture mondiale dont on dépend forcément, deviennent de plus en plus responsables de leur avenir ; aussi doivent-ils consacrer leurs préoccupations sur ce qui est vraiment utile et c'est à partir de ce moment que le mot " normal " reprendra sa véritable acception, c'est-à-dire tout ce qui est conforme aux normes ! Puisse le dialogue engagé cette année avec la jeunesse être la pierre angulaire dans la prise de conscience de tous les jeunes tunisiens quant à leur rôle à jouer dans l'édification de la Tunisie de demain !