* Du côté des spécialistes : Tahar Bellakhdhar, ex-doyen et directeur d'un établissement supérieur privé : « Former pour l'entreprise » Les législations se suivent pour encourager les investisseurs privés à développer ce secteur. Mais, tant que les professionnels ne dénotent pas d'innovation et de créativité justifiant les honoraires perçus (notamment pour l'employabilité des diplômés), les familles et les investisseurs ne sont pas prêts à s'y impliquer. Le décret du 4 août 2008 a été institué pour contribuer à améliorer le rendement de l'enseignement supérieur privé en Tunisie. Un minimum de capital de deux millions de dinars est désormais exigé avec un recours maximum de 35 % aux capitaux étrangers. Ces mesures ont été adoptées pour faire face aux faiblesses qui empêchent ce secteur de décoller. En effet, l'enseignement supérieur privé en Tunisie compte 32 établissements qui dispensent de la formation à près de 6.000 étudiants dont plus du quart sont de nationalités étrangères. Neuf de ces établissements comptent chacun moins de 100 étudiants. Ce chiffre ne constitue même pas 2 % du nombre total d'étudiants de l'université tunisienne qui dépasse les 360.000. C'est dire que l'on ne se bouscule pas aux portes de ce secteur malgré les incitations financières et fiscales mises en place par l'Etat en faveur des promoteurs dont, notamment, les subventions spécifiques à l'investissement et au recrutement des enseignants et qui atteignent 25% du montant de l'investissement et malgré les 428 diplômes qu'il délivre dans la majorité des domaines scientifiques et techniques à l'exception des études en médecine et en pharmacie. Et, ce n'est pas uniquement le coût relativement onéreux des inscriptions en comparaison à la gratuité des universités publiques qui constitue la raison de ce déficit, les établissements privés d'enseignement supérieur n'ont pas toujours la capacité d'innover et de lancer de nouvelles filières de manière à pouvoir attirer davantage les étudiants et d'assurer une formation académique et professionnelle d'un excellent standing qui rappelle les universités de renommée internationale et qui est en mesure de garantir une meilleure employabilité des diplômes attribués aux étudiants. Donc, l'augmentation du capital va permettre d'assurer une meilleure assise financière à ces établissements et les aider à affronter comme il se doit l'obligation d'avoir un personnel enseignant régulier. Selon les experts, cette stabilité dans l'encadrement est une condition indispensable pour obtenir des diplômés employables et performants. Mais, l'encadrement humain n'est pas uniquement une question de moyens financiers. Cette problématique du personnel intéresse également les établissements publics qui travaillent avec plus de 40 % de vacataires et de contractuels surtout pour les spécialités des Technologies de l'Information et de la Communication. Ainsi, si l'enseignement supérieur privé veut réussir, il a besoin d'être innovant au niveau de ses filières, performant au niveau de sa formation et utile au niveau de ses diplômes. Les expériences de l'enseignement de base et du secondaire ont montré que les Tunisiens ne lésinent pas sur les moyens pour former leurs enfants encore faut-il qu'ils soient convaincus du résultat. En plus, il faudrait aussi convaincre les investisseurs de la rentabilité de tels projets en leur proposant des études solides et adossées à des partenaires de notoriété internationale.
Du côté des spécialistes : Tahar Bellakhdhar, ex-doyen et directeur d'un établissement supérieur privé : « Former pour l'entreprise » Pour ce professeur universitaire, l'enseignement supérieur privé souffre essentiellement de la faiblesse du potentiel humain et matériel de la majorité des établissements existants : « Il faut avoir les moyens de ses objectifs. Si on veut former de bons ingénieurs, il est nécessaire de leur assurer l'encadrement adéquat. Les étudiants ont besoin de leurs encadreurs en dehors des heures du cours et des Travaux Pratiques. Or, la formule d'enseignement actuel limite le contact entre les enseignants et leurs élèves à la formation académique. Une telle approche handicape le diplômé. Ce dernier a besoin de s'exprimer, de s'interroger et de chercher à ouvrir ses horizons. Nous avons besoin d'une formation similaire à celle des facultés de médecine. Les étudiants font des staffs hebdomadaires, voire quotidiens, avec leurs encadreurs. Le travail des encadreurs ne se limite pas à fournir les cours. Il s'étend aussi à l'apprentissage pratique de leurs étudiants. Ainsi, l'enseignement ne doit pas rester cloîtré dans les salles de cours. Les programmes doivent se concevoir en assurant une liaison permanente entre la formation et le marché de l'emploi. La notion de formation pour l'entreprise, c'est une véritable synergie basée sur une insertion continue de l'étudiant dans l'environnement du travail. Ainsi, l'employeur n'aura pas besoin d'attendre trois ans pour que son nouvel employé soit rentable à 100 %. L'enseignement supérieur privé doit palier ce manquement et assurer cette insertion. Le corps enseignant est appelé à être présent pour encadrer les étudiants. Les stages sont des courroies de transmission où les étudiants apprennent tout ce qui est nécessaire pour intégrer les sphères de travail. Rien ne différencie en principe la formation médicale des autres formations. Aux médecins, on ne demande pas 2 ou 3 années d'expérience car ils sont passés par l'internat et les stages dans les hôpitaux. Si l'enseignement supérieur privé parvient à assurer ce genre de formation, il sera accueilli royalement aussi bien par les familles que par le marché de l'emploi. »