*« Il n'y a rien à craindre du chasseur : c'est un patriote de la première ligne » Nous n'avons eu aucune peine à obtenir un entretien avec M. Mahmoud Robbana. Il était pourtant, ce samedi 4 octobre2008, débordé de travail dans son magasin spécialisé dans la vente des armes et des équipements de chasse et de pêche. Et pour cause, l'ouverture de la saison de la chasse était annoncée pour le lendemain. L'homme nous accueillit avec le sourire et nous fit part de sa passion pour la chasse, un sport noble et qui, contrairement aux préjugés, réconcilie l'homme avec la nature et l'environnement. M. Robbana tenait à ce qu'on commence par souligner cet aspect capital du loisir préféré de près de 12.000 Tunisiens.
Le Temps : Après tant d'années de pratique de la chasse, quel portrait pouvez-vous dresser du chasseur d'une manière générale ?
M.Robbana : C'est quelqu'un de très sociable et de fréquentation très agréable. Il a le sens de l'amitié et ne se départit jamais de sa noblesse, de cœur et d'âme. Néanmoins, il fait souvent preuve d'amour-propre et possède un côté Tartarin de Tarascon parce qu'il aime amplifier ses exploits et vanter ses talents de tireur hors pair. On peut lui reprocher aussi d'être cachottier, de ne pas toujours révéler à ses compagnons les endroits qu'il sait très giboyeux. Mais la chasse reste pour tous d'abord une source de plaisir partagé, l'occasion de nouer des amitiés et de mieux connaître et aimer ses partenaires. Vous savez, en Europe, les sorties en forêt sont vécues comme de petites fêtes, on ne manque pas d'organiser à ces occasions un barbecue dans la nature et de savourer un « gueuleton » avec les autres chasseurs.
A plus de soixante-dix ans, vous continuez de chasser. L'âge ne peut-il pas constituer un handicap pour le chasseur ?
- Oh que non ! Il n'y a pas d'âge pour s'adonner à ce loisir o combien revigorant ! Certes, le réflexe faiblit mais jamais la passion. J'ai connu des chasseurs de plus de 90 ans qui n'ont jamais renoncé à leur sport favori. Je me souviens d'une certaine Mme Wallis, musicienne de renommée mondiale, qui donnait à près de cent ans l'exemple d'une chasseresse invétérée. Il me revient aussi le nom de Moncef Chaâri, autre chasseur incorrigible, et j'en oublie.
A propos de femmes chasseresses, est-ce qu'en Tunisie leur nombre est important ?
- Hélas, non ! Il est vraiment insignifiant. Je connais des dames tunisiennes qui ont leur permis de chasse mais qui ne prennent pas part à nos sorties. En Europe, le pourcentage des amatrices est de plus de 20 pour cent. Comme vous le voyez, il n'y a pas lieu de comparer.
Comment expliquez- vous cette désaffection ?
- Vous savez, la chasse est un sport d'endurance ; c'est synonyme d'effort physique considérable. Il nous arrive d'effectuer jusqu'à 20 heures de marche par sortie et qui plus est, sur des terrains escarpés extrêmement difficiles. C'est sans doute cela qui rebute en premier la gent féminine tunisienne. (La jeune secrétaire de M.Robbana, qui suivait notre entretien, profita de cette parenthèse sur les chasseresses pour nous confier qu'en dépit de ses appréhensions sans doute injustifiées, elle commence à s'intéresser à la chasse et envisage de s'y initier sous peu.)
Et les jeunes, M. Mahmoud ?
- Sachez qu'il existe une contagion de la chasse ; c'est un virus qui se transmet de père en fils. Mais je vous le dis franchement : la relève n'est pas assurée et je crains pour l'avenir de la chasse dans notre pays. L'obtention d'un permis de chasse devient de plus en plus difficile et les autres pièces sont délivrées au compte-goutte. Des raisons de sécurité expliquent sans doute cette fermeté ; mais les autorités savent que nous sommes des patriotes du premier rang ; les chasseurs l'ont prouvé pendant la lutte contre le colon français, notamment dans la Bataille de l'Evacuation à Bizerte.