L'Euthanasie est un sujet qui n'est certes pas d'actualité du côté de chez nous et dans le plus clair des contrées arabo-africaines, puisqu'il intéresse les Occidentaux où le débat y fait rage entre partisans et farouches opposants à cette approche. N'empêche que certains d'entre nous, confrontés à des situations difficiles, ingérables, vivant mal les souffrances atroces et « inutiles » endurées par un proche parent inéluctablement condamné par une médecine reconnaissant ouvertement ses limites, son impuissance, d'y penser voire de la souhaiter ardemment. Il y a la loi mais il y a la dualité entre religion et science. Et pourtant elles ne sont pas antagonistes.
Avant d'en parler, il serait utile de la définir tout d'abord. L'euthanasie se définit comme étant la faculté de procurer une fin indolore, avec ou sans leur assentiment, à des sujets frappés d'une maladie à évolution fatale et torturés par des douleurs physiques dont les moyens thérapeutiques sont incapables à en atténuer le caractère intolérable. Une pratique condamnée par toutes les religions, par tous les codes de déontologie et par tous les serments médicaux depuis la plus haute antiquité. Actuellement, elle est également vigoureusement réfutée et prohibée par la loi dans tous les pays du monde. Toutefois, alors que certaines législations, comme la législation française, la considèrent comme un homicide volontaire pur et simple dans tous les cas de figure, d'autres plus souples(Suisse) prennent l'aval du malade comme une cause d'excuse qui, sans aller jusqu'à exclure la responsabilité de l'intervenant, entraîne un net adoucissement de la peine. Certaines même (Norvège), trouvent une excuse dans le fait que le meurtrier a agi, poussé par la compassion, mû par de nobles motifs. Circonstances extrêmes En arriver à souhaiter, à prier avec ferveur, en dépit des liens affectifs solides, de tout l'amour qu'on porte à un parent cher, un départ définitif pur et simple n'est nullement une mince affaire. Par ailleurs, ce singulier vœu ne se manifeste nullement pour toutes les maladies graves, invalidantes, lourdes. Mais seulement quand la science, le savoir, la médecine de pointe lèvent le drapeau blanc en guise d'impuissance à juguler une situation dramatique. Un coma dépassé par exemple avec une mort cérébrale avec un électro-encéphalogramme plat où le sujet n'est maintenu en « vie » que par un respirateur artificiel. Sachant que les cellules nerveuses mortes ne risquent jamais de régénérer ; garder pareil malade indéfiniment sous machine pourrait à la limite donner l'idée aux siens de le débrancher. Une maladie incurable où tous les moyens thérapeutiques de pointe ont été vainement sollicités et tentés ; et qui fait souffrir continuellement le patient sans le moindre répit. Les recettes concoctées par l'entourage selon les recommandations des vieilles mégères et des faiseuses de miracles de l'autre bout du pays, les médicaments anti-douleur classiques, voire les drogues dures morphiniques ne parvenant plus à atténuer la souffrance, le calvaire. Que faire dans ces conditions intenables avec un être cher se tordant de douleur, vous suppliant d'écourter son supplice, vous implorant de ce regard fixe d'abréger la tourmente ? Dieu et la science Le législateur sait à quoi s'en tenir. Car vulgariser, autoriser, voire légaliser pareille attitude serait non seulement contraire à l'éthique, à l'essence même de la vie, mais ouvrirait grandement la porte à toutes sortes de dépassements, de mauvaises utilisations pour ne pas parler d'usages intempestifs. Et ce serait si on veut, du en veux-tu, en voilà ! Pour peu que l'entourage souhaite se soulager d'un fardeau quelque peu gênant et traînant une pathologie incurable, et le recours à l'euthanasie est rapidement envisagé. Et de fil en aiguille, on ne s'arrêterait plus dans cette dangereuse pente vertigineuse. Plus de limites qui tiennent, et sous couvert de la compassion, des meurtres auraient alors lieu « légalement ». Que faire ? Pour les patients souffrant le martyre, s'en approcher, les entourer avec toute la sollicitude possible, être constamment à leur écoute à les réconforter, ne jamais les livrer seuls à eux-mêmes à cogiter quitte à se relayer à plusieurs volet présence à leur chevet, ne point leur faire sentir la gravité de la situation mais sans aller jusqu'à afficher une désinvolture frisant l'indifférence, l'insouciance et que les malades, très intelligents et lucides du reste, perçoivent parfaitement. Bref, agir avec eux avec cœur, tendresse. Et puis qui nous dit que dans les jours, les heures voire les instants à venir, un traitement nouveau, une technique chirurgicale de pointe, un remède miraculeux ne seront pas découverts et voudront compléter la large panoplie de l'arsenal thérapeutique actuel et, dans la foulée, mettre un terme à l'impuissance de la médecine à juguler les cas jugés jusque-là rebelles. A titre d'exemple, ne mourait-on pas jadis et bien avant la découverte des antibiotiques de certaines fièvres que même l'épicier du coin ou le (Hammas) du quartier, parviennent au jour d'aujourd'hui à guérir en commercialisant en vrac ces fameux comprimés blancs...effervescents ? Asma RAMMAH
*** Témoignage des médecins réanimateurs « Ne pas confondre avec la mort cérébrale » Nous avons pris attache avec un collège de médecins réanimateurs. Leurs témoignages sont les mêmes et, en substance, ils consistent en ceci : « Pour commencer, l'Euthanasie n'a jamais été de mise en Tunisie car elle est strictement interdite par la loi. Dans les pays nordiques, et pour peu qu'un patient se sachant irrémédiablement condamné par une maladie incurable et le faisant atrocement souffrir, exprime la volonté de « s'en aller » ou que sa famille le veuille quand il est dans l'incapacité de le faire on passe à l'acte. Pareille approche n'est jamais envisagée chez nous. Seulement, pour répondre à votre question : (dans quelles circonstances débranchons-nous un patient ?), et là nous sortons du cadre de l'Euthanasie, nous le faisons uniquement dans le cas d'une mort cérébrale. Sur le plan médico-légal, est déclaré légalement mort tout sujet ayant une activité cérébrale nulle visualisée et prouvée par deux tracés électriques(EEG) plats à 48 heures d'intervalle ou par une angiographie cérébrale mettant en exergue l'absence complète de la moindre vascularisation cérébrale, et en dehors de tout traitement risquant d'interférer ou d'influencer ce diagnostic. A l'inverse de la croyance générale stipulant que la mort légale rime avec un arrêt cardiaque. Donc, dans le cas strictement précis de l'arrêt de toute activité cérébrale, où le patient est, faut le souligner avec insistance, considéré sur le plan médico-légal mort, le médecin réanimateur est en droit d'arrêter la respiration artificielle, de le débrancher. Mais ce n'est nullement un acte entrant dans le cadre de l'Euthanasie ; le sujet étant déjà considéré légalement mort. Une remarque cependant, c'est dans ces conditions de mort cérébrale, qu'on peut exhausser le vœu d'un donneur d'organes sous certaines conditions médicales strictement et rigoureusement codifiées. »