La renonciation des adultes aux salades vertes et aux desserts naturels a fait des adeptes parmi les enfants et les jeunes que presque personne autour d'eux n'incite à bien manger. Comme leurs parents, ils boudent la laitue, la carotte, le fenouil, les lentilles, le radis et raffolent des pommes de terres frites, des chips, de la mayonnaise, de l'harissa et du ketch up. Même les olives ne leur disent plus rien, ni l'huile pure qui en est extraite.
Où est la méchouia de grand-mère ? Les méchouia qui les tentent pourtant sont rarement préparées par leurs mamans paresseuses et tout le temps « débordées ». Quand celles-ci daignent en servir, c'est souvent fadasse en raison d'un mauvais dosage d'ingrédients ou de la cuisson des légumes qui ne se fait plus à l'ancienne mais au four ou bien à même les feux de la cuisinière. La jardinière et la salade variée, on n'en entend plus parler qu'au restaurant. Les soupes aux légumes et les bouillons deviennent un petit luxe que l'on ne peut s'offrir qu'à des occasions exceptionnelles ; encore faut-il que les enfants en demandent parce que là encore c'est à leurs yeux vieux jeu de consommer des soupes et des potages ! On n'est tout de même pas à l'hôpital, vous rétorqueront-ils si vous les invitez à goûter de telles entrées ! Proposez-leur des briks au thon à vie, ils ne diront jamais non, un œuf au plat 30 jours sur 30, ce serait le paradis ! De la friture encore et toujours !
Le dessert, quelle folie ! Les fruits, en revanche, ils aiment ça mais ils ont des préférences qui réduisent considérablement le choix des parents quand ces derniers font le marché. Et puis les bananes qu'ils affectionnent plus que tout ne sont pas à la portée de toutes les bourses. Quand vous en achetez, ils ne se contentent jamais d'une demi- banane et vous dévorent deux kilos en deux minutes ! Idem pour les fraises, les melons, les pastèques et les mandarines. Si l'on en a à midi, on n'en a plus le soir. Ne leur parlez surtout pas de coings, de nèfles, de pamplemousses, de cerises ni même de grenades, ça risque d'exploser entre vous et eux autrement ! On peut proposer des yaourts, des fromages, des crèmes, des flans et des glaces comme desserts, mais le budget familial n'autorise d'en consommer qu'une seule fois par jour et en quantité contrôlée. Calculez, en effet, le coût de 10 yaourts, ou bien celui de quelques grammes de bon gruyère, de fromage blanc ou de ricotta et vous verrez que pour une famille de 5 personnes seulement, ça ne peut-être quotidiennement la fête, encore moins deux fois par jour ! Quelle folie que de dépenser plus de 2 dinars pour le mets final ! Des jus ? Mais quelle corvée ! Va donc pour un verre d'eau gazeuse ou de faux jus et n'en parlons plus, de ces entremets et desserts inaccessibles ! Les gâteaux ne sont pas non plus bon marché pour qu'on s'en délecte souvent après les repas ; d'autre part, chez nous, les pâtisseries ne sont pas toujours perçues comme des desserts. On les réserve au petit-déjeuner et c'est parfois s'exposer au ridicule que de présenter à ses hôtes des mille feuilles ou des choux à la crème à la fin d'un repas. De plus, une tarte familiale ou un paquet de douceurs acheté en ville reviennent toujours trop cher pour la bourse des ménages moyens.
C'est le facteur économique qui contraint surtout les familles à renoncer aux entrées et aux desserts. Une certaine paresse au sein du couple explique également pourquoi on se contente du plat de résistance, et c'est heureux comme ça qu'on ne vous prive pas de celui-là aussi pour vous proposer à la place du pain sec et un peu d'eau !