Il y a quelques années, des experts français ont jugé que notre système fiscal était moins compliqué que celui de leur pays. Aujourd'hui, de l'intérieur, nos experts jugent le système plutôt obsolète et le cadre législatif, statique. La formule "réconciliation avec le fisc" revient systématiquement dans le discours officiel et dans les forums où l'administration est inévitablement opposée à l'entreprise. Et avec le spectre de la crise, cette "réconciliation" tant espérée par les chefs d'entreprise et par les contribuables ne se concrétise toujours pas ou, du moins, le "retour de l'Etat" alimente quelques appréhensions. En fait, l'Etat régulateur, se meut en "Etat-juge et arbitre" parce que l'impératif majeur, consiste en les équilibres macroéconomiques et par conséquent, en la souveraineté du budget garant de l'harmonie socio-économique. Sans doute les pouvoirs publics sont-ils en droit d'arguer que la culture fiscale est bien assise en Tunisie, en attendant, peut-être, qu'elle soit mieux assimilée. Mais une culture fiscale ne serait pas efficiente et ne contribuerait pas à "dédiaboliser" le fisc, sans justice fiscale. La tare originelle de notre système vient de cette disproportion entre "impôt indirect" et "impôt direct. Il y a eu évolution certes, dans le sens d'un rééquilibrage graduel, seul moyen de combler ce fossé d'injustices où ceux qui gagnent moins "payent" à la place de ceux qui gagnent beaucoup plus. En 1995 l'impôt indirect représentait 76% de l'assiette fiscale. C'était énorme. Aujourd'hui, il est rabaissé aux limites des 58%. Mais c'est encore beaucoup. Cette "inadéquation" permet (à quelque chose malheur est bon!) la consolidation de l'impôt proportionnel, le moins décapant et le plus réaliste dans l'éventail de l'imposition. Sauf que si l'Etat tire le gros de ses recettes de l'impôt, les entreprises ne peuvent survivre, en cette période de crise (dont on retarde curieusement l'imminence chez nous), que si elles ressentent moins la bride sur le cou. Lorsqu'on parle d'appui aux entreprises c'est dans la perspective de leur permettre de sauvegarder l'emploi, d'en créer et de créer des richesses. Et c'est ainsi que la roue tourne: une entreprise qui ne met pas la clé sous la porte paiera l'impôt. Et pour peu que le fisc prenne un "visage humain" (la formule est d'Obama) on se bousculera à sa porte pour lui régler son dû, c'est-à-dire ce qu'on doit à la communauté nationale, à soi-même et au devoir de citoyenneté. Il faudra tout juste que les discours solennels sur la justice fiscale et sur l'égalité devant l'impôt soient concrétisés dans la réalité. Ni "diabolisation" du fisc; ni "martyrisation" du contribuable, en fin de compte... On ne recouvrera jamais d'équilibre tant que persisteront ces deux extrêmes.